Pourquoi donc ce blog ?
Publié en novembre 2008. Par Jean-Claude Guédon.
Outrepassons !
Pourquoi prendre en charge un blog relié à une revue bien ancrée dans la galaxie Gutenberg ? Pourquoi se perdre dans le cyberespace alors que la matérialité géniale de la page imprimée continue de fasciner la grande majorité de nos contemporains ? Ils ont d'ailleurs bien raison, ces contemporains : nous n'avons pas encore inventé de meilleure interface pour négocier notre rapport à l'écrit, n'en déplaise aux fanatiques du Kindle, du Sony Reader et de bien d'autres tentatives techniques conduites dans le but de nous faire passer au-delà de la page, un peu comme si nous étions des Alice d'un nouveau genre, destinés à passer non pas au-delà du miroir, mais du codex.
La réponse à cette question tient en deux temps :
D'abord, l'ajout de l'univers numérique peut enfin répondre à une vieille objection que Socrate opposait à l'usage de l'écriture : tandis que le document écrit ne peut être questionné et peut donc demeurer opaque au lecteur, le monde numérique restitue l'espace de dialogue et de confrontation sans lequel le sens file toujours entre les doigts. Ici, chers lecteurs, chères lectrices, vous pouvez réagir, insister, demander des détails, dénoncer, attaquer, soutenir aussi, et interagir à l'envi. D'objet fixe et figé, le texte devient point de matérialisation d'un processus analogue en beaucoup de points à une conversation interminable. Revenant à son étymologie, le texte tisse ; il tisse l'avenir au passé, et il tisse des liens entre les gens.
Ensuite, le problème de l'interface est bien réel, mais non éternel. J.C. R. Licklider, dans les années 60, avait bien compris que la page imprimée ne joue, somme toute, qu'un rôle de rempart. Sans elle, le livre serait depuis longtemps électronique. Quarante ans plus tard, on sent s'accumuler les indices qui annoncent le moment où, tout à coup, la page en papier va sauter. Elle va sauter sans disparaître d'ailleurs, mais en se métamorphosant plutôt en une sorte de papier+ : en d'autres mots, tous les avantages de la page traditionnelle demeureront, mais doublés de tous les avantages du numérique.
Derechef se pose la même question : Pourquoi donc ce blog ?
La réponse est tellement et scandaleusement simple : le blog complète le papier imprimé tout en annonçant (impatiemment) sa disparition prochaine. Récemment, le vénérable journal, Christian Science Monitor, à Boston, abandonnait le papier. D'autres publications diverses l'imitent. Je ne serais pas autrement étonné de voir Books se transformer en revue tout électronique dans quelques années.
Sans blague ! Et cent blogs pour le dire...