Quand on pêchait la morue au panier

Naguère capable de pondre plus de 9 millions d’œufs, la morue a fait la fortune des pêcheurs basques avant Colomb, puis celle des requins de la pêche industrielle, aidés par les États. Avant de presque disparaître, elle a nourri les esclaves des Antilles et fait le bonheur des amateurs de fish and chips.


©Anita Conti/Agence VU

Pêcheurs de morues au large de Terre-Neuve (années 1950). Dans les années 1990, les biologistes marins ont recommandé quinze ans sans pêche pour permettre aux populations de se reconstituer.

«Une espèce de poisson trop connue pour avoir besoin d’être décrite », lit-on à l’entrée “morue” de la Cyclopedia of Commerce and Commercial Navigation (1858). « Elle est incroyablement prolifique, poursuit l’article. Leewenhoek [un naturaliste hollandais] a compté 9 384 000 œufs dans une morue de taille moyenne – un nombre qui élimine à l’avance toute possibilité d’extermination. » Les hommes se sont d’ailleurs longtemps émerveillés du caractère inépuisable de l’espèce. Et les vastes « pâturages » à morues situés au large des côtes américaines ont même sans doute attiré les premiers Européens vers le continent. Mark Kurlansky rapporte les preuves que non seulement des explorateurs vikings mais aussi des pêcheurs basques étaient arrivés là bien avant Colomb. Toujours dans les mémoires, des récits de marins de retour d’Amérique au XVIe siècle faisaient état d’une telle quantité de morues que la mer suffisait à peine à les contenir et qu’on pouvait les ramasser avec un panier. Certes, pareille profusion n’était déjà plus de saison au XIXe siècle, mais Alexandre Dumas pouvait encore écrire en 1873 : « On a calculé que si ...
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Un poisson à la conquête du monde ou la fabuleuse histoire de la morue de Mark Kurlansky, Jean-Claude Lattès, 1999

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