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La schizophrénie démystifiée

En 2014 le britannique Nathan Filer, un ancien infirmier en psychiatrie, a raccroché sa blouse pour faire une entrée remarquée en littérature. Son premier roman, The Shock of the Fall (« Contrecoups », Michel Lafon) s’est vendu à plus d’un demi-million d’exemplaires au Royaume-Uni et a décroché quantité de prix littéraires. Le protagoniste du récit est un jeune homme de 19 ans hanté par la mort de son frère, dont il entend la voix en permanence. « Schizophrénie », diagnostiquent les médecins. Le roman retrace le combat de ce personnage pour parvenir à apprivoiser la maladie et se faire une place dans le monde. La question des troubles mentaux semble travailler Nathan Filer puisqu’il vient de publier un nouveau livre sur le sujet, Heartland. Cette fois-ci, l’auteur britannique a fait le choix de la non-fiction et passe en revue tous les aspects de la pathologie qui, selon lui, « constitue véritablement le cœur de la psychiatrie ; la maladie qui définit la discipline » : la schizophrénie.

Étymologie du mot schizophrénie

Nous devons le mot « schizophrénie » au psychiatre suisse Eugen Bleuler, apprend-on. Il l’inventa en 1908 pour signifier son opposition au concept de « démence précoce », alors utilisé en psychiatrie. Ce choix terminologique se révèle plutôt malheureux, pointe Filer, puisque l’étymologie du mot « schizophrénie » (du grec schizein, séparer, et phrên, l’esprit) insiste sur les troubles dissociatifs associés à la maladie. Or, contrairement à ce que l’on imagine, la schizophrénie ne consiste pas en un dédoublement de la personnalité. En retraçant la genèse du diagnostic et du traitement de cette affection, l’écrivain britannique a à cœur de déconstruire les stéréotypes qui lui sont indûment attachés.

Hallucinations paranoïaques

« Alternant entre l’analyse des débats théoriques et cliniques majeurs, et l’examen d’études de cas saisissantes et parfois profondément émouvantes, Filer parvient brillamment à mettre de l’ordre et de l’humanité là où les apparences sont chaotiques », commente Paul Broks dans la Literary Review. Des vignettes distillées au fil des pages plongent le lecteur dans le quotidien de personnes diagnostiquées schizophrènes. À l’instar d’Erica, une jeune journaliste convaincue d’être recherchée par les services de renseignement britanniques. Le stérilet qu’on lui a posé serait en réalité une caméra du MI5. Plutôt que d’incriminer les services secrets britanniques, il conviendrait de chercher les coupables du côté des réseaux sociaux : ils sont la principale source d’hallucinations paranoïaques, indique Filer.

 

À lire aussi dans Books : Prisons et malades mentaux aux Etats-Unis, juin 2019.

LE LIVRE
LE LIVRE

The Heartland: Finding and Losing Schizophrenia de Nathan Filer, Faber & Faber, 2019

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