Écran noir
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Le sommeil de l’art


Le Sommeil et son demi-frère la Mort, John William Waterhouse, 1874

Dans No dormirás, film argentino-hispano-urugayen en salle cette semaine, un metteur en scène empêche ses acteurs de dormir pendant plusieurs jours. S’ils sont loin d’être tous aussi sadiques, les artistes, et notamment les peintres de Botticelli à Warhol, montrent une fascination certaine pour le sommeil. Dans Atlas of Clinical Sleep Medicine, le professeur de médecine spécialiste de l’endormissement Meir Kryger consacre un chapitre aux relations entre l’art et le sommeil. « Qu’est-ce qui pourrait être plus ennuyeux que le sommeil ? », plaisante Kryger, « et pourtant tous ces artistes lui ont trouvé quelque chose d’irrésistible ».

Représenter une personne endormie est en soi un défi. Comment montrer cet acte à la fois commun et complexe ? Quelqu’un qui dort ressemble à un mort tout en étant vivant ; il est conscient sans être éveillé ; son corps est dans le monde physique, mais son esprit peut être très loin… Le peintre, le sculpteur doit montrer toute l’activité sous-jacente à cet état d’inaction.

Passer par la mythologie permet de résoudre ce dilemme. La familiarité du public avec les personnages offre la possibilité de présenter une définition particulière du sommeil. C’est le cas dans le Vénus et Mars de Botticelli. Face à une Vénus habillée et éveillée, Mars endormi et presque nu paraît vulnérable. Le dieu de la guerre devient un symbole de faiblesse, et le sommeil ainsi indésirable. Dans Le Songe de Constantin, Piero della Franscesca lui préfère une approche religieuse en représentant l’assoupissement comme un moment de communication entre le divin et les humains. La frontière entre l’assoupissement et la mort est d’ailleurs ténue dans de nombreuses œuvres telle Le sommeil et son demi-frère la mort de John William Waterhouse. Tout au long du XIXe siècle, le côté réparateur et réconfortant du sommeil est très présent. Il apparaît dans les Cléopatre de Laurent Delvaux et Peter Scheemakers, dans La sieste de Jean-François Millet, celle de Van Gogh ou Nonchaloir de John Singer Sargent. Les peintres, par ailleurs, ne se sont pas privés de charger leurs représentations du sommeil d’érotisme comme dans la Vénus de Giorgione, où une femme nue et endormie, d’une main cache (attire le regard ?) sur son sexe.

A lire dans Books : Ces horloges internes qui nous gouvernent, mai 2009.

LE LIVRE
LE LIVRE

Atlas of Clinical Sleep Medicine de Meir Kryger, Saunders, 2013

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