Splendeur et décadence des Ephrussi
Publié dans le magazine Books n° 19, février 2011.
Une collection de 264 petites statuettes japonaises, c’est tout ce qu’il reste de l’ancienne splendeur des Ephrussi, cette famille juive originaire d’Odessa qui fit fortune dans le commerce des grains...
Une collection de 264 petites statuettes japonaises, c’est tout ce qu’il reste de l’ancienne splendeur des Ephrussi, cette famille juive originaire d’Odessa qui fit fortune dans le commerce des grains, puis la banque, et dont la colossale richesse rivalisait avec celle des Rothschild. Edmund de Waal, descendant de cette illustre dynastie par sa grand-mère paternelle et accessoirement céramiste britannique de renom, en a hérité. Dans La Mémoire retrouvée, il entreprend d’en raconter l’histoire et, avec elle, le destin extraordinaire de ses ancêtres. L’acquéreur des statuettes, Charles Ephrussi, mena une vie de riche dilettante à Paris et fut notamment l’un des protecteurs des impressionnistes. Il aurait en partie inspiré à Marcel Proust le personnage de Swann. En 1899, les statuettes quittent Paris pour Vienne. C’est le cadeau de mariage de Charles à son cousin Viktor, qui « avait lui-même un tempérament d’artiste, un cadet épargné par les devoirs familiaux jusqu’à ce que son frère aîné s’enfuît avec la maîtresse de leur père et fût déshérité… Viktor devint alors chef de famille », rapporte le Washington Post. Mais les affaires des Ephrussi périclitèrent en même temps que s’effondrait l’empire des Habsbourg et tous leurs biens furent confisqués après l’Anschluss de 1938. Seules les statuettes échappèrent au pillage nazi, grâce aux bons soins d’une fidèle servante qui les dissimula sous son matelas…