Un germanopratin pas très « in »

Venu du Caire, Albert Cossery vécut soixante-trois ans dans le même hôtel, ne changeant de chambre qu’une fois. D’un pessimisme définitif, ses romans plaident pour l’inaction et l’ironie à l’égard des apôtres de l’engagement politique.

Albert Cossery n’avait rien d’un homme pressé, et en cela il espérait montrer l’exemple. Quand on lui demandait pourquoi il écrivait, il répondait : afin que son lecteur ne se lève pas le lendemain pour aller travailler. Au cours de près de soixante-dix années, il publia juste assez pour attirer l’attention sur la disparité entre sa production et la notion traditionnelle de productivité : un livre tous les huit ans environ, souvent le même, rarement long de plus de 150 pages. Venu de son Caire natal, Cossery arriva à Paris en 1945 et descendit à l’hôtel Louisiane, à Saint-Germain-des-Prés, où il vécut ensuite pendant soixante-trois ans (en changeant une seule fois de chambre). Il libéra les lieux en mourant, en 2008, à 94 ans. « La vraie richesse, déclara-t-il au Magazine littéraire, c’est de pouvoir vivre sans travailler. » Cela sonne comme une provocation humoristique, mais, malgré tout son humour, Cossery prenait très au sérieux son engagement en faveur de l’oisiveté. Ce contemporain d’Albert Camus et de Jean-Paul Sartre avait quelque chose d’un existentialiste à l’envers : alors que les personnages des deux premiers sont définis par ...
LE LIVRE
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La Violence et la Dérision de Un germanopratin pas très « in », Joëlle Losfeld

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