« Vous êtes en communication avec un détenu »

D’abord, on croit pouvoir partager un peu, le temps d’une visite, le quotidien d’un détenu. Et puis on comprend l’impossibilité de partager une vie où le règlement interdit de posséder plus de cinq livres, où se faire soigner peut prendre des mois et où une voix métallique entrecoupe tous les appels pour rappeler que l’on est « en communication avec un détenu d’un centre pénitencier fédéral ».

Il est tôt le matin et je cherche des pièces de 25 cents. Le centre de Fayetteville est calme et compte nombre de bâtiments en pierre majestueux : l’argent des mines, probablement. Nous sommes au cœur du pays du charbon. Le restaurant au coin de la rue n’est pas encore ouvert. « L’unique restaurant créole de la Virginie-Occidentale » n’est pas encore ouvert. La mairie n’est pas encore ouverte. Un prospectus est affiché sur la porte vitrée, annonçant une levée de fonds au bénéfice de la construction d’une cabane dans un arbre pour une certaine Izzy. Je cherche des pièces de 25 cents parce que j’ai rendez-vous dans une prison. On m’a dit que c’était utile d’en avoir, là-bas. Je vais voir un homme nommé Charlie Engle, avec qui j’entretiens une correspondance depuis neuf mois. Il a promis que si j’apportais des pièces de 25 cents on pourrait se goinfrer de saloperies aux distributeurs automatiques tout en parlant. Les visites se déroulent de huit heures à quinze heures. Je suis un peu nerveuse à l’idée de parler de huit heures à ...
LE LIVRE
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Examens d’empathie de Leslie Jamison, éditions Pauvert, 2016

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