Zweig l’exhibitionniste

L’œuvre de Stefan Zweig est hantée par la sexualité et pourtant, même dans son autobiographie Le Monde d’hier, il n’est jamais question que de celle des autres. L’auteur de La Pitié dangereuse ne dévoile rien ou presque de lui-même. C’est cette lacune que le journaliste viennois Ulrich Weinzierl a entrepris de combler. S’il confirme que Zweig était érotomane (un fait difficilement contestable), il n’accorde guère de crédit, en revanche, aux rumeurs sur son éventuelle homosexualité. Sa véritable « perversion », comme on disait à l’époque, se trouvait ailleurs : Zweig était exhibitionniste. Cela peut sembler une peccadille aujourd’hui. Mais ça ne l’était pas de son vivant. « Alors que l’amour pour les très, très jeunes filles, tel qu’il était prôné par un Arthur Schnitzler, ou l’amour des jeunes garçons, pouvaient apparaître comme des passions artistiques raffinées, l’exhibitionnisme n’inspirait que dégoût et répugnance », rappelle Volker Weidermann dans le Spiegel. Cet exhibitionnisme est évoqué par Thomas Mann dans une lettre, mais surtout par l’historien de l’art Benno Geiger dans ses mémoires. Il y affirme que Zweig, redoutant d’être pris en flagrant délit par la police, avait fait rédiger par Freud un certificat attestant qu’il était son patient et qu’il suivait un traitement pour ce genre de comportement. Ces éléments étaient connus, mais la plupart des biographes de Zweig les ont abordés avec scepticisme (Geiger étant réputé pour sa malveillance). Le grand mérite de Weinzierl est d’être allé chercher (et d’avoir trouvé) des preuves de ces allégations, dans des lettres inédites de Geiger, mais aussi dans des passages du journal de Zweig, aux allusions restées jusqu’alors mystérieuses.
LE LIVRE
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Le secret brûlant de Stefan Zweig de Ulrich Weinzierl, Paul Zsolnay Verlag, 2015

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