Climat : une solution en trompe l’oeil

Les deux auteurs de l’étonnant bestseller Freakonomics reviennent avec une nouvelle moisson de ces bizarreries économiques qui ont fait leur succès. Assorties d’une solution miracle au problème du réchauffement. Ah bon ?

Ils récidivent ! Après quatre ans de réflexion et plus de 4 millions d’exemplaires vendus, l’économiste Steven Levitt et le journaliste Stephen Dubner publient la suite de leur incroyable bestseller, Freakonomics [disponible aux éditions Gallimard, dans collection « Folio Actuel »], le livre d’économie aujourd’hui le plus lu des États-Unis. Le chercheur de l’université de Chicago et le journaliste du New York Times s’étaient associés pour parler d’économie autrement, au ras du quotidien.


En s’appuyant sur les très sérieuses statistiques de Levitt, les deux acolytes prenaient un malin plaisir à pulvériser nos certitudes et nous apprenaient pourquoi les dealers vivent toujours chez leurs mères et les sumotoris trichent…


Quatre ans plus tard, Super Freakonomics exploite la même veine. Mais la plupart des critiques dénoncent cette fois la légèreté du contenu. Prenant l’exemple d’une call-girl de Chicago, les auteurs entendent ainsi prouver que ces dames sont bien mieux rémunérées avec un souteneur que sans. Ou entreprennent de démontrer, au terme d’un raisonnement pour le moins bancal, qu’il est huit fois plus dangereux de marcher que de conduire en état d’ivresse


« Le problème, c’est qu’ils préfèrent une histoire intéressante à une histoire vraie », s’indigne le journaliste Ezra Klein, sur son blog du Washington Post. Surtout, Levitt et Dubner prétendent avoir trouvé la solution miracle au problème du climat. Ils affirment dans un chapitre fort commenté qu’il suffirait de diffuser de l’anhydride sulfureux dans la haute atmosphère pour lutter contre le réchauffement : là, il se transformerait en sulfates réfléchissant une partie de la lumière, conduisant à une diminution des températures ; une géo-ingénierie bien plus rationnelle que la réduction des émissions de carbone pour lutter contre le changement climatique, disent-ils. 


Ce chapitre concentre sur lui l’essentiel de l’opprobre : citations tronquées, erreurs scientifiques, partialité inouïe… Même The Economist, qui avait vanté le précédent ouvrage, souligne l’inconséquence de celui-ci : « Le chapitre contient peu d’économie et conduit le lecteur à se demander pourquoi ce système n’a pas déjà été déployé. Mais le plus gênant, ce n’est pas que l’idée n’ait pas encore été testée, qu’elle ne permettrait pas de lutter contre l’augmentation du dioxyde de carbone dans l’atmosphère – et donc l’acidification des océans et la réduction de la biodiversité –, ni même que ce système entraînerait vraisemblablement un bouleversement pluviométrique aux effets encore inconnus. Le plus insidieux, c’est l’affirmation implicite que les auteurs ont déchiffré les forces économiques qui se cachent derrière le débat sur le changement climatique, et la suggestion explicite que cette technologie est la solution miracle au problème. Ils rendent un mauvais service aux lecteurs. »


Manifestement, ces derniers ne leur en tiennent pas rigueur. Le livre figure depuis sa sortie en très bonne place sur la liste des bestsellers du New York Times. Ce qui n’étonne pas Tom Leonard, du Telegraph : « Super Freakonomics a quelque chose de commun avec le Da Vinci Code, tous deux puisant dans la même théorie du complot selon laquelle le monde n'est pas ce qu'il paraît.

LE LIVRE
LE LIVRE

Super Freakonomics. Le refroidissement climatique, les prostituées patriotes et pourquoi les kamikazes devraient prendre une assurance-vie de Climat : une solution en trompe l’oeil, William Morrow

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