Voyage avec le pape François
Publié en mai 2025. Par Books.
Beaucoup d’encre a coulé depuis la mort de l’Argentin Jorge Mario Bergoglio devenu le pape François en 2013, le premier pape latino-américain, le premier pape jésuite, et le premier à s’appeler François comme François d’Assise, qui se dénommait lui-même « le fou de Dieu ».
L’écrivain espagnol Javier Cercas, qui se proclame « le fou sans Dieu », commence son livre en avouant qu’il est athée et anticlérical. « Je suis un laïc militant, un rationaliste obstiné, un impie rigoureux ». Il se demande pourquoi il fut invité à accompagner le Saint-Père dans son voyage « au bout du monde » : c’est en Mongolie, pays coincé entre la Russie et la Chine, où la communauté catholique ne compte que 1 500 personnes, qu’il s’est rendu à la fin du mois d’août 2023.
Lorenzo Fazzini, directeur de la maison d’édition du Vatican, a invité Cercas à écrire un livre sur ce voyage et l’écrivain y a vu l’occasion d’offrir à sa mère la certitude, approuvée par le pape lui-même, qu’après la mort elle serait réunie avec son mari. « La possibilité d’interroger le pape sur la vie éternelle et la résurrection de la chair a offert à l’écrivain Cercas l’occasion de réaliser un livre hors du commun, aussi extravagant que possible, mélange de chronique, d’essai, de biographie et d’autobiographie », écrit Domingo Rodenas de Moya dans le quotidien El País.
L’auteur en profite pour nous inviter à résoudre une énigme : qui est donc ce Bergoglio, décidé à placer les périphéries sociales et géographiques au centre de son action pastorale, suscitant autant de ferveur que d’animosité ? Javier Cercas nous fait découvrir une personnalité ambiguë. Il relate la réputation d’homme autoritaire et arrogant qu’il s’était faite en tant que provincial des Jésuites en Argentine, son rôle pendant la dictature, son brio oratoire, sa faculté d’impertinence, sa condition assumée de pécheur, sa volonté de revenir à un évangélisme pur, débarrassé des présomptions cléricales.
S’entretenant longuement avec des figures du Vatican, comme le père Spadaro - le « centurion intellectuel » du pape - ou le cardinal Marengo, Cercas pose des questions parfois embarrassantes sur la communion pour les divorcés, l’ordination des femmes, les relations entre la papauté et la Chine (7 millions de catholiques), le désaccord apparent entre la curie espagnole (à Madrid) et François, la mission de répandre l’espérance et bien sûr les abus sexuels, que certains préfèrent attribuer à la tentation de l’abus de pouvoir plutôt qu’au célibat et à la chasteté.
« Avec François il y a eu des changements très fondamentaux, déclare Javier Cercas après la mort du pape au portail littéraire espagnol Zenda. Environ 80 % des cardinaux qui doivent élire le nouveau pape ont été choisis par lui. Il y a beaucoup de puissants dans l'Église qui voudraient que ce soit une parenthèse et que l’on revienne à la situation d'avant. Je ne pense pas que ce sera aussi facile. Peut-être que je me trompe, peut-être que je suis un optimiste pathologique. Mais, à mon avis, l’Église aurait besoin d’au moins quatre autres François, même plus radicaux, pour commencer à remettre les choses dans l’ordre. » Le Fou de Dieu au bout du monde sortira en France en septembre chez Actes Sud.