Coïncidences québécoises
Publié en juin 2025. Par Books.
Alors âgé de 15 ans, en 1950, Leonard Cohen fit deux rencontres qui allaient guider sa vie. Dans une librairie, il découvre la poésie de Federico García Lorca, dont une première traduction était parue en anglais en 1943. Et dans le parc en face de chez sa mère, il voit un jeune homme qui joue de la guitare, une guitare flamenco. « Il y avait quelque chose dans son jeu qui me captiva, déclara-t-il soixante ans plus tard en Espagne. Je voulais jouer comme lui et je savais que je n’y arriverai jamais. Je me suis assis pendant un moment avec les gens qui l’écoutaient et, lorsqu’il y a eu un silence, un vrai silence, je lui ai demandé s’il voulait bien me donner des leçons de guitare. Il était espagnol ; nous ne pouvions nous comprendre qu’en français et il a accepté de me donner des cours de guitare. »
Dans El guitarrista de Montreal, Miguel Barrero raconte que les leçons ne dureront que trois séances. Le gitan espagnol anonyme, dont on ne sait rien, apprend à Cohen six accords et les bases du trémolo. Il n’y aura jamais de quatrième séance : le jeune Espagnol se suicide. L’auteur explique au média numérique espagnol The Objective comment cette révélation l’a marqué et l’a décidé à bâtir un roman à partir de cette rencontre.
Dans ce livre hybride – mi carnet de voyages, mi journal personnel –, Barrero raconte également la première visite du chanteur en Espagne, en octobre 1974. Alors que l’expérience franquiste était sur le point de s’effondrer, il eut le courage d’interpréter sa chanson The Partisan, tel un hymne à la résistance, en signe de solidarité.
La poésie de Leonard Cohen doit beaucoup à l’œuvre de Lorca. Ses albums sont parsemés de clins d’œil : Take This Waltz, le plus évident, est la traduction du poème de Lorca Pequeño vals vienés ; The Gypsy’s Wife s’inspire de la pièce de théâtre Bodas de sangre.
« Cohen n’aurait pas été le Cohen que nous connaissons s’il n’avait pas fait cette rencontre avec le jeune guitariste flamenco, confie Barrero au portail littéraire espagnol Zenda : il venait du même pays que le poète qu’il venait de découvrir et sa disparition soudaine et brutale a sûrement influencé sa façon de voir le monde. »
« La vie est l’art de la rencontre », disait le célèbre poète brésilien Vinícius de Moraes.