Pourquoi le chêne est le roi des arbres
Publié en septembre 2025. Par Books.
Au large de l’extrême nord-ouest du Groenland, l’île Axel Heiberg, dans le Grand Nord canadien, connaissait naguère un climat comparable à celui de l’actuelle Louisiane. Crocodiles et tortues s’accommodaient du long hiver arctique et du soleil de minuit. C’était il y a 45 millions d’années. Et il y avait des chênes. On compte aujourd’hui pas moins de 426 espèces de cet arbre remarquable, présent dans les deux Amériques et tout le continent asiatique. Le pays comprenant la plus grande diversité de chênes est le Mexique. Cette surprenante faculté d’adaptation, qui avait déjà étonné Darwin, s’explique aujourd’hui tant bien que mal par un phénomène biologique connu des seuls évolutionnistes : l’introgression. En principe, ce qui définit une espèce est l’impossibilité pour un individu de produire une descendance fertile en s’accouplant avec un individu d’une autre espèce. Croisement du cheval et de l’âne, la mule ne peut féconder. L’introgression permet à deux espèces d’échanger des gènes mais de conserver leur identité.
Directeur de l’Arboretum Morton près de Chicago, Andrew L. Hipp expose ce que l’on sait de ce mécanisme hétérodoxe, qui oblige à repenser quelque peu l’image stéréotypée de l’arbre de la vie : celui du chêne est imprégné d’interconnexions, résume Steve Potter sur le site de la vénérable International Oak Society. « La plasticité morphologique et la variabilité génétique du chêne en ont facilité l’adaptation aux changements de l’environnement. » Au centre du dispositif, le gland : « une noix bourrée de nutriments que sa capsule protège, au moins en partie, du feu, de la sécheresse et des prédateurs », écrit Andrew L. Hipp. Depuis ces temps immémoriaux, traversant de multiples glaciations, les chênes « ont survécu en étant au bon endroit au bon moment, munis de la bonne trousse à outils ».