Un temps à soi, un lieu à soi
Publié en septembre 2025. Par Books.
Faut-il revenir à un texte d’il y a presque un siècle pour expliquer le présent ? L’idée en est venue à Tamara Tenenbaum quand, voici trois ans, on lui proposa de traduire Une chambre à soi, texte féministe emblématique de Virginia Woolf publié en 1929. Le cahier consignant les réflexions qui lui venaient à l’esprit en réalisant ce travail lui a inspiré cet essai, intitulé « Un million de chambres à soi ». Partant des idées de « Virginia » (comme elle l’appelle tout au long du livre) sur la nécessaire indépendance économique des femmes, seule capable de leur permettre d’avoir « une chambre à soi » (un temps à soi, un lieu à soi) pour créer et écrire, elle conduit une interrogation sur le monde actuel, qui à certains égards lui paraît relever d’un « temps étranger » (sous-titre du livre). « Les débats qui m’intéressent sont considérés comme dépassés, et parmi les débats actuels, certains me semblent idiots », confie-t-elle au journal argentin Página 12. L’un des thèmes centraux de son livre est celui du ressentiment. Pourquoi les injustices sont-elles canalisées par l’extrême droite alors qu’elles étaient autrefois la matière première des pensées de gauche ? se demande-t-elle. Se réclamant d’une gauche « conservatrice », elle préconise un retour à « un humanisme viable ». « Nous devons traiter les réseaux sociaux et Internet comme s’il s’agissait de cocaïne, dans le sens où ils sont addictifs et nocifs », écrit-elle par exemple. Elle s’inquiète de la dévalorisation dont souffre la notion de travail. « Les personnes qui n’ont jamais travaillé, même si elles militent, ne savent pas ce qu’est le collectif. Le militantisme, cela consiste à se réunir avec des personnes qui vous ressemblent. Mais le collectif, c’est passer du temps avec des gens qui ne vous ressemblent pas et le supporter. Je pense que 99 % des gens apprennent cela en travaillant. »