En Chine, le bac, c’est du sérieux
Publié en décembre 2025. Par Books.
La Chine a inventé la poudre à canon et l’imprimerie, mais son invention « la plus influente » est le Gaokao, le concours anonyme, écrit Daniel Bell, professeur de théorie politique à l’université de Hong Kong. On pense souvent que c’est le Parti communiste qui assure la stabilité du système chinois, mais sa légitimité repose en dernière analyse sur la restauration de ce système après la Révolution culturelle. Il est le fondement d’une méritocratie sans équivalent dans le monde occidental, car elle draine les talents de la quasi-totalité des jeunes Chinois. Ce sont les meilleurs résultats au Gaokao qui garantissent l’accès aux universités d’élite, qui forment les plus brillants des ingénieurs et des scientifiques mais aussi des futurs apparatchiks du Parti.
Si les examens ont été d’abord inventés sous la dynastie Sui, à la fin du VIe siècle – à l’époque où l’empire romain d’Occident s’était effondré –, le principe du Gaokao fut véritablement mis en place sous les Song, du temps de nos cathédrales. Afin que l’anonymat fût garanti, les copies des candidats étaient réécrites avant d’être soumises aux examinateurs, de sorte qu’ils ne puissent pas reconnaître l’écriture. Sous les Ming (1368-1644), des quotas furent établis afin que les candidats venant de régions pauvres ne soient pas pénalisés. Sous les Qing, au XIXe siècle, le Gaokao, sclérosé, fit eau de toutes parts, si bien qu’il fut aboli en 1905 – six ans avant l’effondrement de l’empire lui-même.
Aujourd’hui le Gaokao est « peut-être l’institution chinoise la moins corrompue », écrit Daniel Bell en rendant compte dans la Literary Review de ce livre qu’il juge « définitif ». Les deux auteurs (chinois) ne manquent pas de souligner l’énorme pression exercée par ce concours sur les familles et la société dans son ensemble. Ils montrent aussi que le système est moins égalitaire qu’il le prétend : les familles urbaines riches favorisent leur enfant (le plus souvent unique) en le plaçant dans des écoles secondaires triées sur le volet et en lui faisant donner des leçons particulières. En revanche les auteurs ne mentionnent pas l’existence du concours hypersélectif qui, à la sortie de l’université, donne accès à la haute administration et aux responsabilités politiques. Bell rappelle aussi que l’on peut faire fortune sans avoir brillé au Gaokao : tel Jack Ma, le fondateur d’Alibaba.
