Paul Auster, l’écrivain invisible
Un de plus ! C’est le sentiment de James Wood, critique littéraire du New Yorker, à la lecture d’Invisible, le dernier roman de Paul Auster, sorti le 3 mars chez Actes Sud : « Malgré quelques passages non dénués de charme et de vitalité, Invisible se conforme au modèle austérien », remarque-t-il.
Et de décliner les grandes caractéristiques de ce qu’il appelle « le roman à la Auster » : un protagoniste masculin, intellectuel ou écrivain – ici, Adam Walker, brillant étudiant en littérature à Columbia –, blessé par la perte d’un proche, un imprévu qui bouleverse la trame narrative avec le double objectif de symboliser la contingence de l’existence et de tenir le lecteur en haleine, une ambiance de film de série B… Le tout raconté dans un style médiocre entrecoupé de clichés.
Dans le New York Times, le romancier Clancy Martin a salué « la prose américaine contemporaine parvenue à son faîte : vive, élégante, explosive », de ce dernier-né d’Auster. Une fusion réussie entre l’Auster psychologue du Leviathan et l’Auster « escroc métatextuel » de la Trilogie New-Yorkaise, selon lui. Pourtant, estime James Wood, « s’il y a des choses à admirer chez Auster, la prose n’en fait jamais partie ». Là où des écrivains comme Beckett, Nabokov, ou Richard Yates se servaient habilement des clichés pour mieux les subvertir, Paul Auster « ne fait que les aligner », sans vraiment parvenir à les détourner.
Selon Wood, le réalisme en carton-pâte, doublé d’un scepticisme mou, tue dans l’œuf toute velléité d’innovation littéraire. Paul Auster se prend trop au sérieux et tout cela manque d’ironie. Dans La Part du feu, Maurice Blanchot avait insisté sur l’importance du silence en littérature. « Les livres d’Auster, qui sortent chaque année, aussi ponctuels qu’une nouvelle collection de timbre, ne laissent, hélas, pas assez de place au silence », déplore Wood.
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