Le roman controversé de Herta Müller
Publié en octobre 2009.
Herta Müller, prix Nobel de littérature 2009, pourrait se voir attribuer ce lundi 12 octobre une autre récompense, en Allemagne cette fois. Elle figure sur la shortlist du très prestigieux « Deutscher Buchpreis », attribué en prélude à la Foire du livre de Francfort, pour son dernier roman, Atemschaukel. Lire la suite
Herta Müller, prix Nobel de littérature 2009, pourrait se voir
attribuer ce lundi 12 octobre une autre récompense, en Allemagne cette
fois. Elle figure sur la shortlist du très prestigieux « Deutscher Buchpreis », attribué en prélude à la Foire du livre de Francfort, pour son dernier roman, Atemschaukel.
Un titre intraduisible puisqu’il s’agit d’un de ces néologismes qu’affectionne Herta Müller, qui pourrait se comprendre comme « la balançoire du souffle ». Sorti en août 2009, il a suscité en Allemagne des réactions très contrastées, dont l’hebdomadaire Die Zeit s’est fait l'écho en publiant deux critiques antagonistes. L’une, signée Michael Naumann, voit dans Atemschaukel « un chef-d’œuvre à couper le souffle ». L’autre, d’Iris Radisch, voit dans ce roman « un livre parfumé et à coulisses », comprendre : maniéré et artificiel.
Le nœud de la discorde ? L’adéquation entre le fond et la forme. Le roman a pour sujet le goulag, à travers l’histoire vraie du poète Oskar Pastior, Allemand de Roumanie comme Herta Müller, fait prisonnier à la fin de la Seconde Guerre mondiale par les Soviétiques et passé par plusieurs camps de travail avant d’être autorisé à rentrer chez lui en 1949. Oskar Pastior et Herta Müller avaient à l’origine envisagé d’écrire un ouvrage ensemble, mais la mort de Pastior, en 2006, a obligé la future prix Nobel à raconter seule l'histoire des cinq années de déportation de son ami.
Avait-elle la légitimité pour le faire ? L’expérience concentrationnaire peut-elle être narrée par quelqu’un qui ne l’a pas vécue ? Pour Iris Radisch, c’est impossible : « Les romans sur le goulag ne sauraient être des témoignages de seconde main. » Ses critiques portent principalement sur le style de Herta Müller. Sur un tel sujet, « toute tentative de sublimation, d’intensification poétique se révèle plate et formelle ». Seules « la pureté et la sobriété » propres aux Imre Kertész, Primo Levi ou Varlam Chalamov réussissent à restituer la déshumanisation des camps, affirme-t-elle.
C’est précisément cette « langue imagée » propre à Müller qui, aux yeux de Michael Naumann, fait la force du roman. On peut, certes, s'interroger sur l'opportunité d’esthétiser la souffrance, mais il ne faut pas perdre de vue l'objectif de la littérature concentrationnaire : « Susciter de l’empathie pour les victimes ». C’est précisément ce que réussit le style Müller. Et c’est l'essentiel, pour Naumann.
Un titre intraduisible puisqu’il s’agit d’un de ces néologismes qu’affectionne Herta Müller, qui pourrait se comprendre comme « la balançoire du souffle ». Sorti en août 2009, il a suscité en Allemagne des réactions très contrastées, dont l’hebdomadaire Die Zeit s’est fait l'écho en publiant deux critiques antagonistes. L’une, signée Michael Naumann, voit dans Atemschaukel « un chef-d’œuvre à couper le souffle ». L’autre, d’Iris Radisch, voit dans ce roman « un livre parfumé et à coulisses », comprendre : maniéré et artificiel.
Le nœud de la discorde ? L’adéquation entre le fond et la forme. Le roman a pour sujet le goulag, à travers l’histoire vraie du poète Oskar Pastior, Allemand de Roumanie comme Herta Müller, fait prisonnier à la fin de la Seconde Guerre mondiale par les Soviétiques et passé par plusieurs camps de travail avant d’être autorisé à rentrer chez lui en 1949. Oskar Pastior et Herta Müller avaient à l’origine envisagé d’écrire un ouvrage ensemble, mais la mort de Pastior, en 2006, a obligé la future prix Nobel à raconter seule l'histoire des cinq années de déportation de son ami.
Avait-elle la légitimité pour le faire ? L’expérience concentrationnaire peut-elle être narrée par quelqu’un qui ne l’a pas vécue ? Pour Iris Radisch, c’est impossible : « Les romans sur le goulag ne sauraient être des témoignages de seconde main. » Ses critiques portent principalement sur le style de Herta Müller. Sur un tel sujet, « toute tentative de sublimation, d’intensification poétique se révèle plate et formelle ». Seules « la pureté et la sobriété » propres aux Imre Kertész, Primo Levi ou Varlam Chalamov réussissent à restituer la déshumanisation des camps, affirme-t-elle.
C’est précisément cette « langue imagée » propre à Müller qui, aux yeux de Michael Naumann, fait la force du roman. On peut, certes, s'interroger sur l'opportunité d’esthétiser la souffrance, mais il ne faut pas perdre de vue l'objectif de la littérature concentrationnaire : « Susciter de l’empathie pour les victimes ». C’est précisément ce que réussit le style Müller. Et c’est l'essentiel, pour Naumann.