Adieu à la Prusse orientale

Ce serait, à en croire la quatrième de couverture, « la part refoulée de l’identité nationale [allemande] ». Dans un ouvrage paru en mai et qui s’est rapidement retrouvé parmi les meilleures ventes, le journaliste Jochen Buchsteiner évoque la Prusse orientale. Cette province du bord de la Baltique a été allemande pendant plus d’un demi-millénaire (les chevaliers teutoniques la conquièrent au XIIIe siècle). Depuis 1945, elle est russe (enclave de Kaliningrad). Il s’agit là, comme presque tout ce qui concerne les conséquences de la Seconde Guerre mondiale pour la coupable Allemagne, d’un sujet quasi tabou outre-Rhin. Buchsteiner entend y remédier. Il le fait en mêlant le personnel, l’histoire de sa grand-mère, qui a fui l’avancée des troupes soviétiques, et les considérations politiques ou historiques. 


Le sous-titre du livre (« Une histoire de famille tout à fait ordinaire ») en suggère l’une des principales ambitions : montrer ce que l’expérience personnelle de sa grand-mère avait de typique. Il raconte, ainsi que le rapporte Frank Priess dans The European, « la préparation de la fuite longtemps interdite par les nazis à un moment où il était déjà presque trop tard pour beaucoup – l’arrière-grand-père de Buchsteiner, par exemple, ne parvient pas à quitter son domaine de Prusse orientale et il est abattu par les troupes soviétiques –, le trajet semé d’embûches à travers la lagune sous les tirs des avions volant à basse altitude, les nombreux morts au bord de la route, surtout des enfants, la traversée de la mer Baltique en direction du Danemark, qui se fait en songeant aux nombreux bateaux de réfugiés coulés, la recherche de parents survivants, les conditions de vie plus que précaires au centre et à l’ouest de leur propre patrie, où l’on se montre peu empressé de les accueillir ».


Il faut dire, et c’est en cela que cette histoire est exemplaire, que ces réfugiés allemands de 1945 furent très nombreux : 12 millions, venus non seulement de Prusse orientale, mais aussi de la région des Sudètes et, plus généralement, de ce quart de l’ancien Reich désormais perdu.


C’est l’ultime aspect de ce passé que Buchsteiner souhaite remettre en avant : « l'énorme succès qu’a représenté l’intégration de toutes ces personnes dans une nouvelle Allemagne, plus petite et plus occidentale, dans une communauté démocratique florissante », résume Priess.

LE LIVRE
LE LIVRE

Wir Ostpreußen. Eine ganz gewöhnliche deutsche Familiengeschichte de Jochen Buchsteiner, dtv Verlag, 2025

SUR LE MÊME THÈME

Témoignage Zuckerberg n’est pas content
Témoignage Rêver l’horreur qui vient
Témoignage Sic transit Via Appia

Dans le magazine
BOOKS n°123

DOSSIER

Faut-il restituer l'art africain ?

Chemin de traverse

13 faits & idées à glaner dans ce numéro

Edito

Une idée iconoclaste

par Olivier Postel-Vinay

Bestsellers

L’homme qui faisait chanter les cellules

par Ekaterina Dvinina

Voir le sommaire