Autopsie d’une société patriarcale
Publié en juin 2025. Par Books.
Un matin glauque de janvier 1947 dans un faubourg de Los Angeles est découvert le corps affreusement mutilé d’une jolie femme de 22 ans. Le corps vidé de son sang d’Elizabeth Short a été chirurgicalement coupé en deux à la taille. Elle a subi plusieurs profondes entailles au visage, aux seins et à la cuisse. Plusieurs morceaux de chair ont été enlevés. La partie basse du corps est placée à 30 centimètres de la partie haute, les intestins soigneusement noués derrière les fesses. C’est le « Dahlia noir », dont James Ellroy a tiré son bestseller, dont Brian De Palma a fait un film, une histoire qui a été vampirisée par des journalistes, des écrivains, des cinéastes, des musiciens, des peintres et même des voyagistes spécialisés dans le nécrotourisme.
La romancière catalane Beatriz García Guirado se penche à son tour sur ce sujet macabre, non pour en faire un nouveau roman mais un ouvrage mêlant plusieurs genres, dans lequel, au lieu de se concentrer sur le mystère d’un assassin jamais retrouvé (316 suspects et 28 faux aveux), elle explore le mythe créé autour de la victime, à laquelle elle tente de s’identifier. Les journaux à sensation de l’époque ont imaginé quantité d’histoires non vérifiables, d’après lesquelles elle aurait été torturée, se serait prostituée, et ainsi de suite. C’était en réalité une pauvre fille, qui rêvait d’être actrice, mais tirait le diable par la queue. « Elle avait travaillé comme serveuse, comme modèle pour chapeliers, explique l’auteure au journal Diario de Sevilla, elle allait de coloc en coloc, cherchant à s’en sortir sans savoir ce qu’elle pouvait trouver. Elle avait 22 ans et était perdue, c’était une personne ordinaire. » Sa célébrité post-mortem, largement fantasmée, peut être lue comme « une métaphore du Los Angeles d’après-guerre », dit encore Beatriz García Guirado. Son livre « autopsie la société patriarcale […] d’une époque enfiévrée par le true crime et les féminicides », lit-on dans le quotidien El País.