Biopolitique : d’une disparition à une autre
Publié en décembre 2025. Par Books.
Militante de l’organisation Montoneros pendant les années 1970, Pilar Calveiro fut arrêtée par la dictature militaire argentine en 1977, illégalement détenue (officiellement « disparue ») pendant un an et demi dans plusieurs centres clandestins de détention. Avec De matar a dejar morir, la politologue argentine, exilée au Mexique depuis 1979, prolonge et radicalise sa réflexion entamée il y a près de trente ans sur les disparitions de la dictature argentine (Pouvoir et disparition, La Fabrique, 2006). Son nouvel essai analyse une mutation : autrefois orchestré par des États forts, le dispositif de disparition des personnes est désormais lié à des États fragmentés, infiltrés par des réseaux privés et criminels.
Calveiro y explore les mécanismes actuels de la biopolitique – ces stratégies de pouvoir qui ne tuent plus directement, mais décident quelles vies méritent protection et quelles vies peuvent être abandonnées, laissées à une mort lente ou vouées à la disparition. S’inspirant de Walter Benjamin et de ses « avertissements d’incendie », elle décrit aussi un monde en proie à des catastrophes écologiques, sociales et politiques imminentes, où la pandémie a accéléré une gestion différentielle des existences : qui protéger ? Qui sacrifier ?
Comme le soulignait Hannah Arendt analysant le totalitarisme, « la disparition du social est au cœur des intentions de certains gouvernements actuels, surtout de ces nouvelles droites » insiste Pilar Calveiro dans son introduction, reproduite sur le portail argentin elDiarioAR. Elle met en lumière l’importance des résistances locales. Portées par des communautés indigènes, des mouvements autonomes ou des collectifs urbains, ces alternatives marginales mais vitales agissent comme des « contre-feux » pour préserver la diversité des vies et s’opposer à la destruction systématique du lien social et de la nature.
