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Si vous souhaitez vous rafraîchir en lisant un livre dont les idées sont à l’exact opposé du trumpisme et du muskisme, vous ne serez pas déçu(e) en vous plongeant dans celui du jeune économiste britannique Daniel Chandler, Free and Equal. Il s’est trouvé un gourou inattendu : le philosophe américain John Rawls, dont la Théorie de la justice (1971) est considérée par certains comme l’œuvre intellectuelle la plus importante du XXe siècle. Dans un style alerte et clair, Chandler commence par présenter la théorie de Rawls, avec une grande précision. Selon Rawls, si nous jetions un « voile d’ignorance » sur nous-mêmes et notre environnement, la quête d’une société équitable aboutirait à formuler trois principes. Le premier est que toute personne puisse revendiquer les mêmes droits et libertés que les autres. Le second est que les inégalités sociales et économiques, inévitables, soient subordonnées au fait que les emplois et postes divers soient ouverts à tous et, paradoxe remarquable, qu’en dernière analyse elles bénéficient aux membres les plus défavorisés de la société, de façon à les faire sortir de l’indigence. Le troisième est que le résultat global ne défavorise pas mais au contraire bénéficie aux générations suivantes.
Une fois posés ces beaux principes, Chandler s’attelle à la tâche plus ingrate de savoir quelles mesures prendre pour les appliquer. De quoi faire frémir la droite libérale au grand complet et, à vrai dire, une bonne partie de la gauche. Qu’on en juge : un revenu universel à hauteur de 60 % du revenu médian, suppression des écoles privées, interdiction du financement privé des partis politiques, un taux de prélèvements obligatoires frisant les 50 %... Même le commentateur du Guardian s’en étrangle : « Qui va voter pour des hausses d’impôt aussi massives ? », écrit Stuart Jeffries.
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Vers la fin des années 1880, onze intellectuels se réunissaient régulièrement à Lisbonne, au Café Tavares et à l’Hôtel Bragança, pour des déjeuners et des discussions sur les sujets les plus variés. Le groupe s’était baptisé « Les Vaincus de la vie » en référence à l’abandon des idéaux révolutionnaires de leur jeunesse. Scientifiques, universitaires, diplomates et politiciens déçus par l’échec des tentatives de modernisation de la société portugaise et de démocratisation du système politique, ils s’étaient réfugiés dans une sorte de dilettantisme ironique et dandy. Cela ne les empêchait pas de continuer à rêver d’une renaissance possible du pays sous l’égide du monarque constitutionnel Carlos Ier. « Les Vaincus de la vie, observait un contemporain, ne constituent ni un club, ni une académie, ni un cénacle, ni un parti, ni un ordre […]. Comme tout ce qui existe naturellement, ils se sont retrouvés réunis par un phénomène d’attraction mutuelle, d’agrégation spontanée des esprits. »
Au cœur de ce groupe était le romancier Eça de Queiroz. Il figure au panthéon de la littérature portugaise aux côtés des poètes Camões et Fernando Pessoa. Il a souvent été comparé à Flaubert, Maupassant et Zola. Son chef-d’œuvre, Les Maia, est à la fois l’histoire d’une famille et un tableau désenchanté de la haute société de Lisbonne, qu’il dépeint comme décadente. À l’instar de son aîné de quelques années, le prolifique Camilo Castelo Branco, il fut également un brillant essayiste et chroniqueur.
À la suite d’une volumineuse édition de sa correspondance parue en 2008, un choix de ses lettres aux membres du groupe des « Vaincus » vient d’être publié. Parmi les plus riches et personnelles figurent celles qu’il envoya à l’homme de lettres Ramalho Ortigão, qu’il connaissait de longue date et qui fut son meilleur ami. On y suit le déroulement d’une grande partie de sa vie, prématurément interrompue par sa mort précoce à l’âge de 54 ans, en 1900.
José Maria de Eça de Queiroz est né dans un petit village du nord du Portugal. Il était un enfant illégitime. Abandonné par sa mère, il fut élevé par une nourrice, puis par ses grands-parents paternels. Durant ses années de collège dans un internat catholique très dur, il passait ses vacances chez une tante. Plus tard, après que ses parents se furent mariés et qu’il eut terminé ses études, il habita chez eux à Lisbonne et fut officiellement reconnu à l’occasion de son propre mariage. Avoir grandi en l’absence de sa mère et sans environnement affectif stable semble l’avoir durablement marqué. Dans son œuvre s’exprime une vision pessimiste des relations familiales. Inceste, adultère, trahisons, tromperies, amours sans lendemain ou vénales : l’image des rapports humains qui ressort de ses romans est sombre.
Comme son père, qui était fonctionnaire, Eça fit des études de droit à l’université de Coimbra. Il y fit la connaissance du poète Antero de Quental, un peu plus âgé que lui, personnalité non-conformiste grâce à qui il découvrit la pensée de Proudhon et qui encouragea chez lui l’attitude rebelle et les idées révolutionnaires qu’il partageait avec les étudiants de sa génération. Il participa aussi aux activités d’une troupe de théâtre universitaire. Son goût et son talent pour l’art dramatique, qui firent de lui toute sa vie un brillant causeur, s’exprimeront plus tard dans les dialogues très vivants de ses romans. Une fois diplômé, il s’installa brièvement à Évora pour y diriger un journal d’opposition dont il rédigeait lui-même une bonne partie. Une expérience éphémère du métier d’avocat dans cette ville ne lui laissa qu’une aversion profonde pour les tribunaux et les juristes.
En 1869, à l’occasion de l’inauguration du canal de Suez, il effectua un voyage de deux mois en Égypte et au Moyen-Orient en compagnie d’un aristocrate qui allait devenir plus tard son beau-frère. Son premier roman, Le Crime du Padre Amaro, lui fut largement inspiré par son séjour dans la ville de Leiria où il fut nommé sous-préfet un an plus tard.
C’est le récit des amours tragiques d’un jeune prêtre et de la fille de sa logeuse, qu’il désirait et qui tombe amoureuse de lui. L’histoire finit mal : l’enfant né de cette aventure meurt, la jeune femme aussi, et le prêtre poursuit sa carrière sans dommage à Lisbonne. Lorsqu’il fut publié cinq ans plus tard, ce roman, où s’exprime un anticléricalisme qu’Eça professa toute sa vie, fut loué pour son réalisme.
À ce moment, il venait d’entamer sa carrière consulaire. Son premier poste fut Cuba. Plusieurs des rapports envoyés à son ministre portent sur les conditions de travail épouvantables faites sur l’île aux coolies chinois venus de Macao, alors colonie portugaise. Il écrit à Ramalho Ortigão : « J’ai quitté mon atmosphère, et je vis dans l’inquiétude, dans un air qui n’est pas le mien. En outre, je suis loin de l’Europe, et vous savez à quel point nous sommes européens. Vous et moi. »
Le même état d’esprit se retrouve dans les lettres envoyées plus tard de Newcastle, où il fut ensuite nommé. Ici aussi, sa correspondance officielle, largement consacrée à une grève des mineurs, est dominée par des préoccupations sociales. Elles lui feront écrire dans les Lettres d’Angleterre : « C’est bien joli de parler de l’ordre, du respect de la propriété, du sentiment d’obéissance à la loi, etc., mais, quand des milliers d’hommes voient leurs familles sans feu dans l’âtre, sans un morceau de pain, leurs enfants mourir de misère […], il est difficile d’aller expliquer à ces malheureux les règles de l’économie politique. » De Newcastle, il écrit à Ramalho Ortigão : « Je me suis convaincu qu’un artiste ne peut travailler loin du milieu où il puise sa matière artistique : Balzac […] n’aurait pas pu écrire La Comédie humaine à Manchester, et Zola n’aurait pas réussi à faire une ligne des Rougon à Cardiff. Je ne peux dépeindre le Portugal à Newcastle. »
Ces références à de grands écrivains français ne sont pas fortuites. Eça de Queiroz, qui, après un passage par Bristol, terminera sa carrière comme consul à Paris en 1888, était fasciné par la France et la littérature française. Flaubert était pour lui le modèle absolu. En 1884, il confiait à un autre des « Vaincus de la vie », l’historien et homme politique Oliveira Martins : « Mes romans, dans le fond, sont français, comme je suis moi-même, en presque tout, un Français, à l’exception d’un fond sincère de tristesse lyrique, qui est une caractéristique portugaise, un goût dépravé pour le fado et un juste amour de la morue à l’oignon. »
Cet amour pour la France, qui s’atténua lors de l’affaire Dreyfus (il fut un dreyfusard fervent), ne l’empêchera pas de dénoncer dans un texte célèbre intitulé « L’obsession française » la dévotion servile des Portugais à l’égard de ce pays : « Nous imitons ou faisons semblant d’imiter en tout la France, depuis l’esprit de nos lois jusqu’à la forme de nos chaussures ; à un tel point que pour un œil étranger, notre civilisation, surtout à Lisbonne, a l’air d’être arrivée la veille de Bordeaux, dans des caisses par le paquebot des Messageries. »
Arrivé à la quarantaine, il éprouva le besoin de stabiliser sa vie sentimentale. À Ramalho Ortigão, il déclare en toute franchise : « J’aurais besoin d’une femme sereine, intelligente, ayant de la fortune (pas trop), au caractère ferme, derrière un caractère doux, qui m’adopterait comme on adopte un enfant ; qui paierait le gros de mes dettes, m’obligerait à me lever à des heures chrétiennes […], qui me nourrirait avec hygiène et simplicité, qui m’imposerait un travail diurne salutaire, et quand je me mettrais à demander la lune en pleurant, me la promettrait, jusqu’à ce que je n’y pense plus. »
Parce que sa femme était noble, on a suggéré qu’il s’agissait d’un mariage de convenance. Mais les lettres qu’il lui envoyait témoignent d’une réelle affection. Il y est toutefois régulièrement question d’argent. La relative fortune de sa femme ne consistait qu’en terres, et son salaire de consul ne suffisait pas pour couvrir les dépenses quotidiennes de la famille. Vivant au-dessus de ses moyens, il fut confronté tout au long de son existence à des difficultés financières. Elles le contraignirent à demander de l’aide à ses amis, parfois en termes extrêmement pressants. Il ne cessa par ailleurs de souffrir de sérieux problèmes de santé, digestifs et nerveux, auxquels il ne faisait que rarement allusion dans sa correspondance.
Il fut aussi impliqué dans des polémiques désagréables. Un de ses adversaires de toujours fut un de ses confrères nomméManuel Pinheiro Chagas, qui l’attaqua notamment au sujet des Maia, l’accusant d’avoir caricaturé sous le nom de Tomás de Alencar, un des principaux personnages, le poète Bulhão Pato. Dans une lettre à un autre des « Vaincus de la vie », Eça proteste de sa bonne foi : « Pour faire le portrait d’un homme […], il faut au moins le connaître. Connaître sa physionomie extérieure et intérieure – ses idées, ses habitudes, ses goûts, ses sentiments, ses manies, ses intérêts, tous les traits variés qui constituent un caractère. Est-ce que je connais de cette manière intime M. Bulhão Pato ? Non – ni intimement, ni superficiellement. »
Il était perfectionniste et corrigeait abondamment ses romans sur épreuves, au désespoir de ses éditeurs, dont les principaux furent des Français établis à Porto (sa correspondance avec eux est en français). Sa tendance à l’autocritique était très forte. À Ramalho Ortigão, il présentait Le Cousin Bazilio, une sorte de Madame Bovary en plus noir encore, comme « une œuvre insincère, ridicule, affectée, difforme, larmoyante ». Les Maia, lui disait-il aussi, est un roman « vague, diffus, [...] sec […], une sorte d’exercice pratique pour faire mieux plus tard ».
Après ce dernier livre, tout en s’efforçant sans succès de mettre en œuvre des projets de revue, il ne fit plus paraître que des chroniques dans la presse. Elles furent réunies et publiées après sa mort. Son abondante œuvre posthume comprend des recueils d’essais et d’articles, des contes et nouvelles considérées par certains comme ce qu’il a écrit de mieux, ainsi que plusieurs romans qu’il avait conservés à l’état de manuscrits parce qu’il n’en était pas satisfait ou qu’ils étaient inachevés. Un de ceux-ci fut complété par Ramalho Ortigão. Celui-ci, qui lui survécut quinze ans, finit par se rallier avec enthousiasme à la cause de l’intégralisme lusitanien, mouvement traditionnaliste, monarchique et antiparlementaire opposé à la fois au libéralisme et à l’autoritarisme de l’État nouveau. On peut se demander ce qu’Eça de Queiroz aurait pensé de l’évolution de son plus grand ami.
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Il s’est longtemps fait le chantre de l’association entre capitalisme et démocratie libérale. L’indéboulonnable éditorialiste du Financial Times avait tressé des guirlandes à ce totem dans son livre de 2004, « Pourquoi la mondialisation réussit ». Mais là, rien ne va plus. « Notre économie a déstabilisé nos politiques et vice versa. Nous ne sommes plus capables de combiner les opérations de l’économie de marché avec une démocratie libérale stable. C’est largement dû au fait que l’économie ne fournit plus la sécurité et la prospérité partagée attendues par de grandes parties de nos sociétés. Un symptôme de cette déception est la perte de confiance dans les élites. »
Le texte prend des accents presque révolutionnaires : « Les gens ont plus que jamais le sentiment que le pays n’est pas gouverné pour eux, mais pour une fraction étroite d’initiés bien connectés qui récoltent presque tous les gains et, quand les choses tournent mal, non seulement sont protégés contre les pertes mais imposent des coûts massifs à tous les autres. » Évoquant l’échec des politiques publiques : les gens ont réalisé que « ces échecs ne sont pas seulement le résultat de la bêtise mais de la corruption intellectuelle et morale des preneurs de décision et des faiseurs d’opinion à tous les niveaux, secteur financier, organes régulateurs, universitaires, journalistes et politiciens ». Le remède ? « Des élites éthiques » – sans quoi « la démocratie devient un spectacle démagogique, cachant une réalité ploutocratique ». Il précise : « Ni la politique ni l’économie ne peuvent bien fonctionner sans un niveau substantiel d’honnêteté, de confiance, de retenue et de loyauté aux institutions politiques, judiciaires et autres. »
Qui ne souscrirait à ce constat ? écrit l’historien de l’économie Trevor Jackson dans The New York Review of Books. Après quoi, homme de gauche, il se lance dans un étrillage en règle de la litanie de mesures envisagées par l’auteur dans le reste de son livre. Il les juge selon le cas naïves, cosmétiques ou utopiques, et croit pouvoir constater que Wolf, contrairement à ce qu’il annonce, est resté arc-bouté sur son idéologie d’origine. Ce que ne comprend pas l’éditorialiste du Financial Times, soutient-il, c’est que le capitalisme de marché et la démocratie libérale « n’ont rien à voir l’un avec l’autre ». Il juge complètement d’absurde d’imaginer que les élites pourraient se réformer d’elles-mêmes. Seule une pression de nature révolutionnaire serait susceptible de les faire céder.
[post_title] => La malédiction des élites
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Encore une prouesse à mettre au crédit d’Homo sapiens : celle d’avoir inventé la morale. À vrai dire, l’idée n’est pas franchement nouvelle, bien des philosophes ayant déjà postulé que la morale n’est ni immanente ni universelle, mais plutôt (comme la religion, l’État, le commerce et autres merveilles) une émanation de la raison (Kant), une création « artificielle » (Hume), bref une construction purement humaine dont Nietzsche a même pu esquisser la « généalogie ». Mais tandis que Nietzsche se focalise sur les deux millénaires qui ont vu l’effacement de la virile morale antique au profit de la regrettable « moraline » chrétienne, le philosophe allemand Hanno Sauer traque pour sa part l’émergence de la morale depuis que nos très lointains ancêtres ont quitté la jungle protectrice pour se mettre à découvert dans la savane où ils ne pouvaient survivre qu’en coopérant. Son analyse multidisciplinaire fondée sur l’histoire comme sur la biologie et bien d’autres sciences retrace la façon dont l’évolution a façonné nos valeurs morales et nos comportements en promouvant les « bons » et surtout en punissant les « mauvais ».
Au fil des générations, notre espèce est ainsi devenue plus « gentille », plus tolérante. Imaginez un groupe de chimpanzés coincés dans un vol low cost : en peu de temps, le sol de l’appareil serait « couvert de sang et jonché de doigts et de pénis arrachés ». Nos contemporains, eux, sont capables (en principe) de supporter pacifiquement leur sort, un certain temps du moins. Évidemment, ces barrières morales sont fragiles et ne tiennent pas longtemps en cas de guerre. Mais Sauer est un optimiste ; il considère que l’évolution peut encore parcourir un long trajet. Dans The New Yorker, Nikhil Krishnan se montre plus sceptique. « Peut-être notre héritage nous rend-il tout autant aptes à entretenir des conflits sans fin (intergroupes) qu’à coopérer par intermittence (au sein d’un même groupe). » Nous connaîtrons bientôt la réponse, puisque pour la première fois de sa longue histoire, l’humanité va devoir montrer sa capacité à coopérer sur une base résolument globale face au changement climatique comme au risque de conflit nucléaire.
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« La sculptrice colombienne Feliza Bursztyn, exilée en France, est morte de tristesse à 22h15 le vendredi 8 janvier dernier, dans un restaurant de Paris. » C’est en lisant ces mots de Gabriel García Márquez, dans un livre rassemblant ses chroniques publiées dans le quotidien espagnol El País, que le Colombien Juan Gabriel Vásquez, lui-même alors à Paris, a eu l’idée d’imaginer un roman autour du personnage de cette femme dont il n’avait jamais entendu parler. La chronique datait de 1982. Il l’a lue en 1996 et l’idée a mis du temps à se concrétiser. « Mes livres cuisent toujours lentement, il faut beaucoup de temps pour passer de l’intuition à l’écriture », confie-t-il à la journaliste Berna González Harbour dans le même El País. Le projet a mûri en écrivant d’autres livres, dont deux traduits en français : Le Bruit des choses qui tombent (Seuil, 2011) qui lui valut le prix Roger-Caillois et Une Rétrospective (Seuil, 2022), où il raconte l’histoire du cinéaste Sergio Cabrera et de sa famille. « Ces deux romans naviguent dans des eaux troubles entre fiction et réalité, et c’est l’exercice que j’ai voulu refaire ici. » Sa première démarche, « journalistique », dit-il, fut de contacter des témoins, dont le dernier mari de l’artiste, une pionnière qui utilisait pour sa sculpture, dès les années 1960, des matériaux peu orthodoxes, comme la ferraille, des déchets d’acier inoxydable, des pièces de moteurs de voiture. « Après le journaliste vient l’historien, qui doit reconstruire un moment avec des documents, des archives, des photographies, explique-t-il. En troisième position vient le romancier, dont la seule tâche est de dire quelque chose que ni l’historien ni le journaliste ne peuvent dire. »
Fille de juifs polonais, Feliza Bursztyn est née en Colombie en 1933 au moment de la montée d’Hitler. Elle s’est heurtée à toutes les résistances d’une société violente, machiste et conservatrice. Elle abandonna son premier mari et ses trois filles, à la poursuite d’une histoire d’amour. Elle a été attaquée pour ses sympathies pour l’illusion révolutionnaire latino-américaine qui se répandait dans les années 1960, laquelle entrait cependant en conflit avec son rejet de la violence. Elle fut critiquée aussi pour ses amitiés conservatrices, ses contradictions, son ambiguïté et sa capacité à vivre dans plusieurs milieux et pays. En 1981, au retour d’un voyage à Cuba, elle fut interpellée dans son atelier par la police politique colombienne et accusée de faire passer des armes aux partisans de la guérilla M-19. Libérée rapidement, elle obtint l’asile politique au Mexique puis elle émigra la même année à Paris.
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L’année dernière nous avions rendu compte du livre de Dirk Oschmann, « L’Est : une invention ouest-allemande », d’après lequel « l’Ouest se définit toujours comme la norme et considère l’Est comme une déviance ». Le sociologue Steffen Mau inverse la perspective : « ce n’est pas l’Ouest qui a inventé l’Est, mais bien plutôt les Allemands de l’Est qui ont inventé l’Ouest, en réaction à leur expérience de la domination de l’Allemagne occidentale », résume l’universitaire Anne Fuchs dans le Times Literary Supplement.
Ce dont souffrent les « Ossis », analyse Mau, c’est d’abord le fait que paradoxalement la démocratie « clefs en main » que l’Allemagne de l’Ouest a imposée à l’Est en 1990 a empêché une véritable démocratisation. La société s’est vu imposer l’installation dans tous les domaines d’une nomenklatura essentiellement composée de hiérarques venus de l’Ouest. « Pour beaucoup, la perte de leur emploi et de leur statut a créé un ressentiment qui au fil du temps s’est traduit par une profonde défiance à l’égard de l’establishment politique. » Le retentissant succès de l’extrême droite et le remarquable succès de l’extrême gauche aux dernières élections en sont le produit. Il faudrait y ajouter l’effet non seulement du déclin démographique mais aussi de la migration vers l’Ouest d’une fraction significative des femmes ayant reçu une instruction supérieure, laissant derrière elles une population d’hommes frustrés.
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Lorsqu’il apprit qu’il avait reçu le prix Nobel de physique, en 2020, le mathématicien Roger Penrose, qui avait à ce moment-là 89 ans, trouva qu’il lui était décerné trop tôt. Le prix lui avait été attribué pour l’apport de ses travaux sur les trous noirs à la théorie de la relativité générale. Penrose est le plus brillant théoricien de la gravitation depuis Albert Einstein. Ses contributions dans ce domaine sont plus importantes que celles de Stephen Hawking, par exemple, avec lequel il a travaillé et que ses travaux ont inspiré. Si ce dernier est plus connu que lui en dehors de la communauté scientifique, c’est en raison de ses nombreuses interventions publiques et du contraste frappant entre la paralysie de son corps par la maladie et la dimension cosmique des sujets dont il s’occupait. Mais Penrose est aussi un esprit non-conformiste qui n’a jamais cessé de défendre avec opiniâtreté une série de thèses à contre-courant du consensus scientifique. Sur plusieurs questions, il estimait son œuvre inachevée et pensait avoir encore des choses à dire.
Dans le livre qu’il vient de lui consacrer, Patchen Barss met en lumière le type particulier d’intelligence qui le caractérise. Pour rédiger le récit de sa vie, à côté de son abondante œuvre scientifique, de ses livres destinés au grand public et de sa correspondance privée, il s’est appuyé sur des entretiens avec des membres de sa famille, des collaborateurs et certains de ses critiques, ainsi que sur cinq années d’entretiens réguliers avec le mathématicien lui-même. Il ne s’agit pas d’une biographie scientifique. Les travaux de Penrose sont présentés avec précision et clarté, mais leur exposé ne représente qu’une partie seulement des 300 pages. Une grande place est faite à ses origines familiales, avec raison : ses idées scientifiques procèdent largement d’une vision du monde qui s’est formée dans son enfance. L’attention un peu excessive accordée à sa vie sentimentale n’est pas sans justification : Penrose était d’autant plus créatif qu’il avait une muse, à tout le moins il le pensait, ce qui revient sans doute au même.
Roger Penrose a grandi dans une famille de scientifiques et un milieu aisé d’intellectuels et d’artistes. Son père était médecin et généticien. Sa mère avait étudié la médecine, qu’elle pratiqua avant d’abandonner toute activité professionnelle à la demande de son mari, qui était autoritaire et dur avec elle. Excellente joueuse d’échecs, elle n’était pas démonstrative avec ses enfants. Tout aussi peu chaleureux, son père n’avait de lien avec eux que par l’intermédiaire des jeux de l’esprit. Les deux moments de connivence avec lui dont se souviendra plus tard Penrose sont ceux où il lui montra le fonctionnement d’un cadran solaire et lui fit découvrir Saturne au télescope. Puzzles, casse-têtes, jeux logiques, échecs, mathématiques amusantes ou sérieuses : toute la vie familiale, en Angleterre et au Canada, où ils s’étaient établis durant la Seconde Guerre mondiale, tournait autour de ces activités intellectuelles, auxquelles excellaient les enfants : un frère de Roger Penrose deviendra physicien, un autre champion d’échecs professionnel et leur jeune sœur généticienne.
Contre le souhait de ses parents, qui l’auraient volontiers vu médecin, Roger Penrose entreprit des études de mathématiques. Peu intéressé par le calcul et l’algèbre, qui resteront toujours ses points faibles, il se distinguait par une imagination géométrique hors du commun. Toute sa vie, c’est en termes géométriques qu’il réfléchira. Les motifs fantastiques en trompe-l’œil du graveur hollandais M. C. Escher ne cesseront de le fasciner et seront pour lui une source constante d’inspiration. En 1958, il publia en collaboration avec son père un article sur deux fameuses illusions d’optique : l’escalier angulaire qu’on gravit ou descend indéfiniment et le triangle impossible, objet censé être en trois dimensions mais qui ne peut pas exister sous cette forme. Il est aussi l’auteur du procédé de pavage apériodique du plan qui porte son nom : l’assemblage d’un petit nombre de formes (il parvint à descendre jusqu’à deux) avec lesquelles on peut couvrir parfaitement une surface sans que les motifs se répètent régulièrement.
Après avoir défendu une brillante thèse en mathématiques pures sur les méthodes de tenseurs en géométrie algébrique, sous l’influence du physicien Dennis Sciama, Penrose s’orienta vers la physique mathématique, plus particulièrement les questions liées à la gravitation et à la relativité générale. En 1965, il présentait le théorème dans ce domaine qui lui vaudra le prix Nobel.
Un mois après la publication par Einstein de la théorie de la relativité générale, en 1915, le physicien allemand Karl Schwarzschild trouva une solution des équations d’Einstein selon lesquelles, sous des conditions de densité extrêmes, l’espace-temps pouvait se contracter au point de ne plus laisser s’échapper la lumière : une possibilité toute théorique. Vingt-quatre ans plus tard, Robert Oppenheimer et un de ses étudiants établissaient que l’effondrement sur elle-même d’une étoile massive en fin de vie pouvait se poursuivre indéfiniment. Ici aussi, le cas de figure était supposé idéal. Ce que le théorème de Penrose démontre est que, sous des conditions assez faciles à rencontrer dans l’univers, toute masse suffisamment grande peut s’effondrer jusqu’à atteindre une densité infinie : les « singularités gravitationnelles », ainsi qu’on appelle ces régions de l’espace-temps, existent réellement.
À Cambridge, Penrose fit la connaissance de Stephen Hawking, dont il accepta de superviser la thèse, partiellement basée sur son théorème. Dans ce travail, Hawking étend l’approche de Penrose à un tout autre type de singularité, le big bang du début de l’univers. On parle donc aujourd’hui des théorèmes de Penrose-Hawking. Convaincu qu’Hawking avait simplement appliqué ses idées à un nouveau domaine, mais aussi généreux et modeste qu’Hawking pouvait se montrer agressivement ambitieux, Penrose ne chercha pas à contester les mérites d’un homme qu’il savait par ailleurs gravement malade. Lorsque Hawking proposa la théorie de l’évaporation progressive des trous noirs par l’intermédiaire de ce qu’on appelle à présent le « rayonnement de Hawking », il le félicita chaleureusement.
Contre la volonté de ses parents, sans beaucoup d’expérience de l’autre sexe, il avait épousé à l’âge de 26 ans une jeune femme assez bohème nommée Joan Wedge. Il eut trois garçons avec elle. Toute sa vie, il prétendra s’être fait piéger dans un mariage avec une personne psychologiquement fragile. La vérité est qu’il reproduisit avec sa femme et ses enfants le comportement de son père avec les siens. Proche de ces derniers seulement lorsqu’il pouvait leur enseigner la science, il avait tendance à s’isoler et à s’enfermer dans son travail. Ses relations avec sa femme se dégradèrent progressivement et ils finirent par se séparer en 1973. À ce moment, il avait renoué avec une amie de sa sœur qu’il avait connue adolescente, nommée Judith Daniels. Leurs relations restèrent platoniques, parce que, bien qu’ayant pour lui de l’affection et de l’admiration, elle n’était pas amoureuse. Les sentiments de Penrose à son égard semblent avoir eu un effet très stimulant sur sa créativité. Elle était mathématicienne et il lui exposait avec enthousiasme ses idées. Il lui écrivait abondamment et les lettres qu’il lui a adressées sont une des principales sources d’information qu’a exploitées son biographe. Après deux liaisons éphémères, il finira par épouser en 1988 une de ses étudiantes, Vanessa Thomas, avec laquelle il eut un quatrième fils.
Roger Penrose faillit se discréditer complètement aux yeux de la communauté scientifique lorsque, dans deux livres destinés au grand public publiés en 1989 et 1994, il avança deux idées. La première, qu’il justifie à l’aide du théorème d’incomplétude de Gödel, est que l’esprit humain est capable d’accéder à des vérités mathématiques par définition hors de portée de la machine la plus intelligente. La seconde, que la conscience est le produit de phénomènes quantiques dans certaines composantes du cerveau. Elles furent très mal reçues. Les logiciens et spécialistes d’intelligence artificielle accusèrent Penrose d’avoir mal interprété le théorème de Gödel. Les biologistes firent valoir que le cerveau n’était pas un environnement dans lequel pouvaient se produire des phénomènes quantiques. Les limites de l’intelligence artificielle et la nature de la conscience sont des questions difficiles qui demeurent aujourd’hui très controversées, et le mathématicien s’aventurait dans un domaine dont, comme il le reconnaissait volontiers, il n’était pas un spécialiste. « Penrose se trompe, mais de manière intéressante », concéda tout de même le philosophe Daniel Dennett.
Dans trois livres de haute vulgarisation postérieurs (2004, 2010 et 2016), Penrose présente plusieurs des autres idées originales développées dans ses articles scientifiques. La première porte sur le moyen de concilier la mécanique quantique et la théorie de la relativité générale. Peu convaincu par les différentes théories proposées à cette fin, il est particulièrement hostile à l’égard de la théorie des cordes, en raison des nombreuses dimensions dont elle postule l’existence : 11 dans une de ses versions. L’approche généralement suggérée consiste à « quantifier » la gravitation. Penrose pense que c’est une erreur. La solution qu’il propose repose sur une catégorie d’outils mathématiques qu’il a forgés appelés « twisteurs ». Ils font appel aux nombres complexes, nombres composés d’une partie réelle et d’une partie imaginaire auxquels il voue un amour particulier.
En cosmologie également, il avance des thèses inorthodoxes. Lorsque Stephen Hawking, après l’avoir défendue avec ardeur, abandonna l’idée que l’information entrant dans un trou noir y était perdue à jamais, il lui reprocha de ne pas être resté fidèle à son intuition première. Le principe de cette disparition est en effet une composante du modèle d’histoire de l’univers qu’il finit par développer. Baptisé « cosmologie cyclique conforme », ce modèle exclut la présence du big bang ainsi que la phase d’expansion extrêmement rapide dans les premiers moments de l’histoire de l’univers appelée « inflation » que les cosmologistes postulent pour expliquer l’homogénéité de l’univers à grande échelle.
Dans ce modèle, lorsque le processus d’expansion de l’univers arrive à sa fin, toutes les particules massives ont disparu dans des trous noirs ou par annihilation réciproque par un mécanisme inconnu et ne subsistent que des photons. Or les photons n’ont pas de masse. « Des particules sans masse, résume Patchen Barss dans des termes souvent employés par Penrose, n’expérimentent pas le temps. Elles n’expérimentent pas non plus l’espace. Dans un univers rempli uniquement de photons, les distances et les échelles cessent d’exister. » La fin de l’univers, conclut Penrose, coïncidera avec le début du suivant, et ce que nous appelons le big bang est en réalité la fin de l’univers qui a précédé le nôtre. L’idée d’un tel processus d’éternel recommencement le séduisait pour des raisons esthétiques et parce que la perspective d’un univers vide et désolé à jamais lui paraissait déprimante. Mais le modèle qu’il proposait ne convainquit pas. Il le défendit avec une ferveur qui préoccupait ses amis, qui ont toujours été nombreux parce qu’il est un homme simple et accessible. Lorsqu’il s’aventura à exposer ses idées dans un talk-show très populaire aux États-Unis, sa seconde femme, qu’effrayaient les risques qu’il prenait pour sa réputation, le quitta.
Bien que de plus en plus gêné par les effets de l’âge et une quasi-cécité, Roger Penrose n’a jamais cessé de travailler. Suite à l’échec d’une tentative de mettre sur pied un institut ayant vocation à étudier ses idées, il poursuit ses effort en solitaire, en contact étroit avec quelques partenaires intellectuels, dont la physicienne Ivette Fuentes. Depuis quelques années, il suit avec attention la production des cartes de plus en plus précises du rayonnement du fond du ciel que permettent d’établir les télescopes en orbite. Il espère y découvrir la trace d’un univers ayant précédé le big bang, qui viendrait corroborer sa théorie de cosmologie cyclique conforme. Interrogé sur ce qui constitue à ses yeux son héritage scientifique le plus important, c’est la théorie des twisteurs qu’il mentionne. Elle donne lieu aujourd’hui à de nombreux développements intéressants en mathématique et en physique et il la juge trop belle mathématiquement pour ne pas être démontrée vraie un jour. Questionné sur sa vie privée, il affirme que l’échec de celle-ci était le prix à payer pour ses réalisations scientifiques. Les scientifiques et les artistes concentrent de fait leurs énergies sur leur travail, et c’est assurément une des principales clés de leur succès. Dans le cas de Penrose, il faut aussi bien sûr mentionner la puissance inhabituelle de son imagination, qui l’a parfois conduit sur des chemins risqués. Il ne manque pas d’exemples de savants de premier plan qui se sont obstinément fourvoyés, surtout à la fin de leur vie, dans des directions sans avenir – Einstein, par exemple, dans ses efforts pour parvenir à une théorie de grande unification. Les voies inexplorées sur lesquelles Roger Penrose s’est engagé sont-elles vraiment toutes sans issues ? L’avenir le dira.
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Nous le constatons tous, les frontières entre les âges de la vie ont fortement tendance à s’estomper. Sympathique à certains égards, cette évolution est en réalité des plus fâcheuses, estime le criminologue Keith Hayward. Le problème joue dans les deux sens : les adultes sont traités et se voient de plus en plus comme des jeunes, et les jeunes sont de plus en plus traités comme des adultes. Comme en témoigne entre autres phénomènes le film Barbie, Hollywood mise à fond sur une tendance dont rend bien compte l’expression américaine « aging backwards », que l’on pourrait traduire par « vieillir à reculons ». Les marchands en ligne nous appellent désormais par notre prénom, les vieillards circulent en patinette, les étudiants aiment être traités comme des gosses à protéger contre les idées dérangeantes et le marché de l’« esthétique médicale », dominée par les traitements anti-âge, devrait passer de 82 à 143 milliards de dollars dans les cinq prochaines années. En sens inverse, les bébés, dès qu’ils marchent, sont abreuvés de contenus lestés d’idéologie politique, Greta Thunberg est présentée comme une experte en climatologie et les tribunaux ne savent plus très bien où situer l’âge auquel on peut être jugé pleinement responsable de ses actes, fussent-ils de nature terroriste.
Les racines du mal ? Une société dans laquelle « les adultes sont incités à développer et cultiver un sentiment de vulnérabilité, cela se combinant avec un attirail narcissique fait de complaisance et d’apitoiement envers soi-même », résume un contributeur anonyme sur le site Grey Goose Chronicles. « Quand la société agit de façon aussi hypocrite, écrit Hayward, en “adultifiant” d’un côté et en infantilisant de l’autre, elle joue un jeu de duplicité des plus dangereux », capable à la longue de miner la démocratie elle-même. Hayward pousse peut-être le bouchon un peu loin, écrit The Economist, car il se pourrait que l’ubiquité des nouveaux médias rende aujourd’hui beaucoup plus visible une réalité déjà présente à l’époque des baby-boomers.
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Victime de la dérive autoritaire du gouvernement de Daniel Ortega au Nicaragua, l’écrivaine Gioconda Belli, déchue de sa nationalité, aborde dans son dernier roman une sorte de biographie cachée.
Le personnage central du livre, Penélope, est une Nicaraguayenne de 45 ans qui se rend en Espagne pour s’occuper des affaires de sa mère Valeria, récemment décédée. Après avoir lutté pour renverser la dictature de Somoza, Valeria, déçue par la révolution sandiniste à laquelle elle avait contribué, avait émigré à Madrid, où elle est morte dans la solitude la plus totale. Enfermée pendant quatre mois à cause de la pandémie, plongée dans l’intimité d’une mère qu’elle a toujours sentie absente, Pénélope découvre la vie passionnante d’une femme marquée par des triomphes et des défaites, la clandestinité et les vicissitudes de l’amour. Entre vibromasseur et alcool, elle va découvrir un grand secret.
Cette fiction permet à Gioconda Belli de retracer l’histoire de sa famille et des révoltes et révolutions qui ont secoué le Nicaragua pendant le XXe siècle et jusqu’à nos jours. C’est aussi un roman charnel, et ceux qui connaissent déjà l’œuvre de la poétesse l’apprécieront. « À travers le jeu de miroirs entre la protagoniste et les traces de sa mère décédée, nous retrouvons toutes les Gioconda Belli qui ont également peuplé sa poésie, écrit dans El País la journaliste et écrivaine Berna Gonzáles Harbour : la Belli révolutionnaire et rêveuse qui allait changer le monde ; la désenchantée ; la mère dévouée à ses filles et celle à qui l’on reproche de consacrer plus d’énergie à changer le pays qu’aux tâches ménagères ; la femme qui a tout perdu et celle qui s’en est sortie à nouveau ; la femme hantée par la vieillesse ; la lectrice des Méditations de Marc Aurèle ou des Métamorphoses d’Ovide, de Marcel Proust, de Poe, de Cortázar ou de Virginia Woolf. »
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Bien peu de Français en sont conscients : la « musique chrétienne contemporaine » (CCM) représente aux États-Unis un marché de plusieurs milliards de dollars. Une industrie fondée sur une tension première, observe Tom Zoellner dans la Los Angeles Review of Books : concilier des valeurs de contrition, de pénitence, de renoncement au monde, avec le clinquant et les techniques marketing du marché dominant de la musique pop et rock séculière. L’historienne Leah Payne s’empare du sujet en montrant d’abord comment l’histoire de ce genre si particulier, fondé sur la « louange » du Seigneur, a singé et éprouvé les évolutions de la musique populaire depuis l’époque des Beatles jusqu’à la révolution Internet. Avec pas mal de succès à son actif, car au fil des décennies bon nombre de tubes ont conquis le grand public, y compris le plus païen. Véhiculant une idéologie très conservatrice, assise sur les valeurs « blanc hétéro », la CCM n’en a pas moins permis l’éclosion de grands talents féminins, souligne dans The American Catholic Studies Newsletter la musicienne Deanna Witkowski, dont l’adolescence a été bercée par le Age to Age d’Amy Grant. Elle met aussi en relief le second volet de l’analyse menée par Leah Payne : le rôle de la CCM dans la montée en puissance des éléments du conservatisme républicain qui vont faire le lit du trumpisme. À suivre désormais, dans la même veine, la Contemporary worship music (CWM), qui rivalise désormais avec la CCM, un cran au-dessus en fait de charismatisme.
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