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Daté de 7,175 millions d’années, un fossile grec pourrait bien être notre plus lointain ancêtre. P. 13

La Méditerranée était entourée d’une immense savane entre – 9 millions et – 6 millions d’années. P. 15

636 120 combinaisons de symptômes peuvent être attribuées à un « trouble de stress post-traumatique ». P. 18

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Américains ont fait intervenir des psychiatres dans leurs hôpitaux de campagne. P. 22

La plupart des souffrances liées à un traumatisme sont vécues à travers le prisme déformant de la psychologie. P. 27

En 1980, le DSM-III statua que l’homosexualité ne devait plus être considérée comme une maladie. P. 35

La fabrication d’un pain au levain nécessite l’équivalent d’environ 5,5 cuillerées à soupe de diesel. P. 59

En France, les 13-19 ans passent en moyenne trois heures cinquante sur leurs écrans. P. 63

Certaines mouches sont capables de maintenir une activité sexuelle pendant cinquante-six heures. P. 64

Une idée est une pensée inattendue, surprenante, tout sauf banale. P. 86

Un graal était un grand plat à poisson. P. 92

TikTok a franchi en 2021 la barre du milliard d’utilisateurs. P. 95

Les legs importants sont plus nocifs que bénéfiques pour les récipiendaires. P. 97

HSBC a gelé les comptes des politiciens hongkongais prodémocratie. P. 98

[post_title] => 14 faits & idées à glaner dans ce numéro [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => 14-faits-idees-a-glaner-dans-ce-numero [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2022-09-01 06:33:03 [post_modified_gmt] => 2022-09-01 06:33:03 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=121767 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
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Le palmarès publié par l’Union du livre russe est une photographie fidèle du marché du livre, mais aussi un baromètre de l’état d’esprit des Russes. Or, ce qui peut surprendre dans la compilation des données des quatre principales librairies du pays pour le premier semestre 2022, c’est qu’on n’y trouve aucun écho de la guerre déclenchée par la Russie en Ukraine le 24 février. En première position trône le livre de développement personnel de la journaliste biélorusse Olga Primatchenko, « Être tendre vis-à-vis de soi-même ». Faut-il y voir une quête de douceur en réaction à la violence des derniers mois ? 

Le succès du roman « L’été en foulard rouge » est plus inattendu. Il relate une romance naissante entre un jeune pionnier(membre d’une organisation de jeunesse communiste) et un animateur dans un camp de vacances du temps de l’URSS. Sorti en 2021, ce récit est vite devenu culte auprès des jeunes. Il faut dire que, depuis la loi de 2013 interdisant la « propagande homosexuelle » auprès des mineurs, la publication d’un tel livre n’a rien de banal. Une députée a saisi le Roskomnadzor, un organe de régulation des médias, afin de faire interdire ce roman qui, selon elle, discrédite le mouvement des pionniers. 

Pourtant, ce nouvel engouement du public russe pour la littérature homoérotique est confirmé par le succès du livre de Mo Xiang Tong Xiu, une auteure chinoise de « danmei », un genre centré sur la romance entre deux personnages masculins. Introduits en Chine dans les années 1990, ces romans bravent la censure et sont lus majoritairement par des femmes hétérosexuelles, notamment parce qu’ils ne mettent pas en scène le corps féminin et présentent les partenaires sur un pied d’égalité.

Dans un tout autre genre, l’essai historique de Boris Akounine nous ramène au début du XXe siècle. Il diagnostique « les raisons qui ont poussé le monde dans la Première Guerre mondiale et la Russie dans l’abîme révolutionnaire », selon Novaïa Gazeta. L’incurie du pouvoir russe, pour l’auteur, vient de l’« hypercentralisation » qui étouffe tout développement. Et d’appeler de ses vœux une gouvernance « horizontale ». On est tenté de mettre cet ouvrage en parallèle avec le roman La Grève, de la libertarienne Ayn Rand. En Russie, il figure parmi les livres les plus lus depuis la crise financière de 2008. « D’une société selon Marx, qui tentait de construire le bien commun, nous sommes passés à une société selon Darwin, où seuls survivent les plus forts », se désole Sergueï Medvedev sur le site Forbes, expliquant ainsi l’engouement des élites au pouvoir pour ce « livre médiocre ». 

[post_title] => Le grand refoulement [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => le-grand-refoulement [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2022-09-01 06:32:56 [post_modified_gmt] => 2022-09-01 06:32:56 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=121813 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
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Les traumatismes ont leurs mérites, en littérature du moins. Les traumatisés ont en effet besoin de se raconter, et les lecteurs ont besoin d’histoires. Et quel meilleur réceptacle d’histoires que le divan du psychothérapeute, ce confessionnal horizontal ? Pourtant, sauf le psychanalyste qui est payé pour ça, personne ne voudrait se pencher sur les troubles et interminables ruminations d’autrui à l’état brut. On connaît certes quelques tentatives de restitution de cures sous une forme allégée, à commencer par celles de Freud par lui-même ; ou, mieux encore, celles de Freud que Mikkel Borch-Jacobsen a décrites à son tour avec plus de verve et d’impertinence (il communique tout de même l’impression que les patients de Freud, qui sont surtout des patientes, sortaient en général de leur analyse plus perturbés qu’avant et à peu près ruinés) 1.  

Mais le récit de cure demeurerait pur plaisir d’initié sans les ouvrages d’Irvin Yalom, psychothérapeute californien ultraréputé, devenu dans la seconde moitié de sa très longue vie romancier à succès. À coups de best-sellers, Yalom apporte la preuve qu’on peut faire à la fois le bonheur du patient et celui du lecteur. Son secret ? Yalom approche – et restitue – chaque cas « avec un sentiment d’émerveillement face au récit qui va se déployer » 2. La forme de cure qu’il pratique se focalise non pas sur le passé du patient mais sur son présent, et plus précisément sur la relation qui se noue là, en direct, dans le cabinet. De surcroît, au mépris de toutes les règles, Yalom lui aussi se dévoile. Si bien que se dessine devant le lecteur une véritable intrigue – un pas de deux amoureux à base de transfert et contre-transfert, plein de suspense. L’attirance réciproque thérapeute/patient(e) aura-t-elle raison de la déontologie ? Pas impossible : Carl Jung lui-même était bien tombé dans les bras de sa patiente Sabina Spielrein… Pour Yalom, voyez par vous-même. Et puis une autre intrigue, policière celle-là, vient s’ajouter à la première. Il s’agit de la quête subtile et pleine de fausses pistes du thérapeute traquant la vérité du patient et la source cachée de ses maux. Habilement narrée par Yalom, cette enquête palpitante fait aussi jaillir sur la page les grandes angoisses de ses personnages/patients – crainte de la mort, de l’abandon ou du deuil, qui est le cumul des deux. Les mots mis par Yalom sur leurs maux permettront au lecteur de détecter des afflictions familières. Il se trouvera moins seul et, comprenant autrui, se comprendra mieux lui-même, tout en s’amusant au passage. Quelle meilleure publicité pour la lecture ? 

[post_title] => Parlez-moi de vous – et de moi [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => parlez-moi-de-vous-et-de-moi [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2022-09-01 06:32:50 [post_modified_gmt] => 2022-09-01 06:32:50 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=121896 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
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En Occident, la description des souffrances psychiques remonte au moins à Homère et à la Bible. Elle prend un nouvel essor lors du romantisme européen – que l’on pense à Goethe ou à Goya. Vers le milieu du XIXe siècle apparaît un phénomène nouveau : la reconnaissance d’une souffrance durable venue s’ajouter à la souffrance engendrée par un traumatisme initial – d’abord dans le sillage de ce dernier, après un accident grave ou l’épreuve du feu, puis, sous l’influence de la psychologie et de la psychanalyse, avec un effet retard significatif. Dans la seconde moitié du XXe siècle, la psychiatrie en vient à introduire, puis à banaliser, la notion de stress post-traumatique. 

Aujourd’hui, le « trauma » a complètement envahi notre paysage mental. Mis à toutes les sauces, il résonne sur les réseaux sociaux, dans les romans, le cinéma, le théâtre, les séries, les procès, les commémorations, la politique. Le premier article de notre dossier s’interroge, avec quelque impertinence, sur son impact dans la littérature et le septième art. Le deuxième évoque l’avalanche de best-sellers produits sur le sujet par des « psys » qui nous veulent du bien. Le troisième, plus acide, met en cause les effets jugés pervers de cette profession. Le dernier apporte le recul de l’historien et propose un surprenant retour sur une inquiétude exprimée par Goethe. En quête d’explications, nos auteurs formulent plus de questions qu’ils n’apportent de réponses. À vous de juger. 

Dans ce dossier :

[post_title] => L’ère du traumatisme [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => lere-du-traumatisme [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2022-09-01 06:49:46 [post_modified_gmt] => 2022-09-01 06:49:46 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=121609 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
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Le poète élisabéthain John Donne a été « particulièrement gâté par ses biographes », note l’hebdomadaire The Spectator – à commencer par son ami Izaak Walton, qui fut le premier à écrire le récit de sa vie. Parmi les ouvrages qui ont fait florès, on compte John Donne: A Life (Oxford University Press, 1970) de R. C. Bald, John Donne: Life, Mind and Art (Faber & Faber, 1981) de John Carey ou, plus récent, John Donne: The Reformed Soul: A Biography (W. W. Norton & Company, 2007) de John Stubbs. À cette liste est venu s’ajouter, au mois d’avril, l’ouvrage de Katherine Rundell, universitaire, spécialiste de John Donne et auteure de livres à succès pour enfants, qui a immédiatement séduit les lecteurs britanniques (sa parution aux États-Unis est prévue pour septembre). C’est « un des best-sellers les plus inattendus de l’année », assure The Sunday Times, qui l’a placé en tête de son influent palmarès des meilleures ventes. Quant aux critiques, ils évoquent une biographie « habile », « sensible », « pleine d’esprit », « rafraîchissante ». « Super-Infinite, de Katherine Rundell, est un livre merveilleusement donnien, salue ainsi The Spectator. Il s’inscrit dans une longue lignée de travaux bienveillants et érudits sur le poète, tout en saisissant avec une intelligence rare la variété et la richesse de son sujet. »

Né en 1572, Donne aura été tour à tour étudiant en droit, poète, soldat, député, pirate, essayiste, courtisan et prédicateur. De confession catholique, la famille de Donne subit de plein fouet les persécutions religieuses qui suivent le schisme anglican (son frère meurt en prison pour avoir hébergé un prêtre). Après de brillants passages à Oxford (où il est privé de diplôme en raison de sa religion) et à Cambridge, il rejoint Londres pour étudier le droit à Thavie’s Inn, puis à Lincoln’s Inn. 

De cette époque datent ses premiers poèmes, empreints d’une sensualité exubérante et d’irrévérence à l’égard des puissants. Pour Rundell, le jeune Donne n’était pas le libertin qu’on a l’habitude de dépeindre, relève l’hebdomadaire New Statesman : « Il est indéniable, en revanche, que sa poésie est profondément charnelle, d’une complexité intellectuelle et métaphysique quasi démente. » « Les premiers chapitres donnent corps à un Donne sexy, nous faisant revivre l’émotion de la première rencontre avec sa poésie amoureuse lorsque nous étions adolescents », commente de son côté The Times Literary Supplement, avant de citer le poème « La puce », l’un des plus emblématiques.

En 1596 et 1597, John Donne prend part à l’expédition britannique commandée par Robert Devereux, 2e comte d’Essex, à Cadix et aux Açores. À son retour, il entre au service de sir Thomas Egerton, garde des Sceaux, dont, en décembre 1601, il épouse en secret la nièce, Ann More, âgée de 16 ans, au péril de sa carrière. Le poète ne peut en outre se retenir de signer son audace d’un jeu de mots en écrivant au père de la jeune mariée : « It’s irremediably done », « C’est sans appel » (done sonnant comme Donne), rappelle The Spectator. Destitué de son poste, un temps emprisonné, il plonge dans la précarité alors même que sa famille s’agrandit : Ann More, dont la figure occupe une place importante dans l’ouvrage de Rundell, lui donnera douze enfants en seize ans (six mourront en bas âge).

Le parti pris stylistique risque de faire tiquer certains lecteurs, prévient cependant The Times Literary Supplement. La biographe dépeint ainsi Donne en jeune homme fringant, arborant un chapeau « assez grand pour y faire naviguer un catamaran ». Ou écrit que « sa beauté aurait mérité une musique d’accompagnement, un luth rock’n’roll ». Elle raconte même que le grand sceau d’Angleterre était conservé « dans une bourse brodée de complexes entrelacs de perles d’or, le genre d’accessoire que les lycéennes rêvent d’exhiber en soirée ». Malgré ces anachronismes inopinés, « il y a des passages moins clinquants à savourer », relativise le journal, notamment lorsque l’auteure s’interroge sur les raisons de la conversion de Donne à l’anglicanisme, ou encore lorsqu’elle « nous émeut en décrivant un Donne qui affronte l’adversité, la souffrance physique, les malheurs et le désespoir, un mortel obsédé par sa propre finitude ». À la fin de sa vie, les écrits de Donne prennent une teneur de plus en plus dévote. En 1621, il est nommé doyen de la cathédrale Saint-Paul de Londres, où ses prêches connaissent un formidable succès. Les fidèles s’y pressent « simplement pour le voir prêcher depuis la chaire, pour éprouver l’énergie émanant de ses paroles », note le New Statesman. À l’instar de Donne, Rundell affirme que son livre est « un acte d’évangélisation ». Mission accomplie pour cette prosélyte qui voulait convertir les lecteurs d’aujourd’hui à la poésie quadricentenaire de Donne. 

[post_title] => John Donne, poète rock’n’roll [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => john-donne-poete-rocknroll [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2022-09-01 06:32:40 [post_modified_gmt] => 2022-09-01 06:32:40 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=121805 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
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« Un dauphin qui écholocalise un humain est capable de percevoir sa forme extérieure, mais aussi ce qu’il a à l’intérieur. Les embryons de grenouille arboricole peuvent détecter les vibrations d’un prédateur et dissoudre l’enveloppe qui les abrite, ce qui leur permet de s’échapper », égraine Jennifer Szalai dans The New York Times. Le nouveau livre d’Ed Yong, journaliste scientifique pour The Atlantic, foisonne de faits étonnants sur la perception animale. « Le fait que j’aie été si souvent surprise à la lecture de An Immense World […] témoigne des dons de conteur d’Ed Yong », poursuit Szalai. Propulsé rapidement au rang de best-seller, l’ouvrage est structuré autour d’une succession de stimuli associés aux sens correspondants, depuis l’odorat jusqu’à la capacité de certains animaux à détecter le champ magnétique terrestre. Guère porté sur le jargon, l’auteur recourt au terme allemand Umwelt (« environnement »), qui avait été utilisé par le pionnier de l’éthologie Jakob von Uexküll pour désigner le monde perceptif d’un animal – sa bulle sensorielle. Ed Yong « nous rappelle que, “en dépit de notre intelligence tant vantée”, notre Umwelt n’est qu’un parmi des millions d’autres », commente The New Yorker

[post_title] => Dans la bulle sensorielle des animaux [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => dans-la-bulle-sensorielle-des-animaux [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2022-09-01 06:32:36 [post_modified_gmt] => 2022-09-01 06:32:36 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=121817 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
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Mia est une écrivaine danoise mordue par la « faim » d’enfanter depuis sa jeunesse. À 35 ans, alors que la vie l’a sevrée de ce côté-là, elle se lance dans un traitement contre l’infertilité avec le soutien de son compagnon, Emil, qui a déjà deux enfants d’un précédent lit. Et, parce que cette démarche l’empêche d’écrire un nouveau livre, elle se résout à tenir un journal intime. 

C’est celui-ci que Tine Høeg donne à lire en guise de troisième roman, clairement autobiographique. « Un journal, c’est désordonné et potentiellement sans fin, la seule forme, donc, qui puisse contenir la honte, le chagrin et la déception endurés par Mia », observe le quotidien danois Politiken

Sur quoi écrit Mia, jour après jour, pendant neuf mois ? Sur l’épuisant traitement, les difficultés qu’ Emil  et elle traversent, y compris dans leur sexualité. Sur le fait de savoir qu’une amie va avorter alors qu’elle-même se bat pour un fœtus qui ne vient pas. Sur la faim pendant la grossesse, la jalousie de voir son compagnon déjà papa ou encore la communion qu’elle perçoit entre les deux enfants de celui-ci et leur mère lorsqu’elle se trouve avec eux.

En résumé, « la banalité du quotidien enrichie d’explications tout aussi banales sur le traitement », glisse un autre quotidien, Berlingske. « Bien que Sult soit écrit dans le style caractéristique de Tine Høeg, avec peu de vir­gules et de majuscules, pas de points, des retours à la ligne soudains, de grands espaces entre les lignes et souvent très peu de mots sur les pages, ces qualités stylistiques ne parviennent pas à sortir le texte de la tristesse » qui en émane, estime le quotidien danois. Triste aussi est la langue employée, à en croire Berlingske, malgré des passages où « l’écriture se déploie magnifiquement […], sans fioritures, avec un humour subtil ». Cet ouvrage, conclut-il, « s’apparente à une source de consolation pour les lecteurs dans la même situation que l’auteure, et il n’y a rien de mal à cela. Mais ce n’est pas ce dont est faite la grande littérature ».

D’autres titres sont admiratifs. Grâce à son style particulier, « le roman déroule sa poésie vibrante sur les pages », se métamorphose en « un espace passionnant entre sens et non-sens linguistiques et existentiels », et « le langage commun devient art », dissèque Information. « La lutte pour tomber enceinte et créer une nouvelle littérature », titre pour sa part Jyllands-Posten, qui voit en Sult le meilleur des romans de cette trentenaire. Le plus grave aussi, pointe-t-il, en se demandant « où se situe la frontière entre l’auteure elle-même et la protagoniste du roman ». De fait, sur les réseaux sociaux, Tine Høeg ne fait pas mystère de ce qu’elle aussi a suivi un traitement. Un sujet qui « a trop longtemps été entouré de tabous, un défi que les couples devaient relever seuls. Mais ils ne sont pas seuls, insiste Politiken. Environ un bébé danois sur dix naît aujourd’hui après une forme de traitement contre les troubles de la fertilité. Celui que porte désormais Tine Høeg est attendu en septembre. 

[post_title] => Mémoires d’une affamée [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => memoires-dune-affamee [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2022-09-01 06:32:31 [post_modified_gmt] => 2022-09-01 06:32:31 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=121821 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
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Le 23 mai 1992, le juge sicilien antimafia Giovanni Falcone mourait dans un attentat : Cosa Nostra avait placé 500 kilos d’explosifs sous l’autoroute entre l’aéroport et la ville de Palerme, puis déclenché la mise à feu au passage du convoi de Falcone. L’Italie devait à ses méthodes d’enquête une victoire historique de la justice contre la mafia : le « maxi-procès de Palerme », en 1986-1987, qui avait débouché sur 360 condamnations. Parmi les publications marquant le trentième anniversaire de la mort du juge se trouve le dernier roman de Roberto Saviano (journaliste et écrivain napolitain qui vit sous escorte policière depuis 2006), « fruit d’un gigantesque travail de reconstruction », lit-on dans la revue Pulp Libri. L’auteur s’en est expliqué dans une interview : il s’agit de « rassembler toutes les informations et de bâtir une histoire narrative où les passages dialogués sont reconstruits par le biais de la recherche ». Une façon pour Saviano de rendre hommage au courage d’un homme qui a dû affronter l’adversité, y compris au sein de la magistrature, dans son combat contre la mafia. Il met aussi en cause les personnes qui ont entravé le travail du magistrat. Comme le disait Falcone : « On meurt souvent parce qu’on ne dispose pas des alliances nécessaires, qu’on est privé de soutien. » 

[post_title] => Falcone par Saviano [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => falcone-par-saviano [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2022-09-01 06:32:26 [post_modified_gmt] => 2022-09-01 06:32:26 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=121825 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
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Néogothiques, écologi­ques, noirs, sanglants, fol­kloriques, pornographiques… « Les romans de Miloš Urban ont un double effet sur le lecteur, estime l’hebdomadaire tchèque Respekt. Leur lecture est divertissante, grâce à l’ingéniosité avec laquelle l’auteur joue avec les genres, élabore des intrigues mystérieuses et crée une atmosphère captivante. Et puis le lecteur apprend plein de choses, par exemple sur l’architecture, la mycologie ou le design des voitures. » L’architecture en question, c’est souvent celle de Prague, comme dans Les Sept-Églises (Au Diable Vauvert, 2010) ; les champignons étaient au cœur de Boletus arcanus, l’industrie automobile au cœur de Praga piccola. Il y a eu aussi l’histoire et les légendes tchèques, ou encore la culture anglaise…

Dans « L’usine de viande », Miloš Urban, lui-même usine à best-sellers, renoue avec l’univers de la production de masse, passant des carrosseries rutilantes aux carcasses sanglantes. Prague reste le protagoniste et, cette fois, le récit est centré sur les années 1920, époque où la capitale de la toute nouvelle première République tchécoslovaque était en plein développement. Il avait alors été décidé, pour des raisons d’économie et d’hygiène, de concentrer la production de viande dans le quartier populaire de Holešovice, au sein d’un complexe si grand qu’il devint une ville dans la ville, avec ses alignements de baraquements, son propre approvisionnement en eau et en énergie, ses entrepôts et sa banque. Un « enfer qui nourrissait tout Prague et une partie de la Bohême-Centrale », selon Urban.

Dans le roman, ces abattoirs malodorants et bruyants ont mauvaise réputation ; M. Hebvábný est embauché pour la redorer. C’est « un homme renfermé, un peu sarcastique, intelligent », selon le site d’information Aktualne.cz. Urban introduit pour la première fois de sa carrière de romancier la problématique du genre – pas très défini chez Hebvábný. Mais la tâche est difficile. Alors que, en pleine quête d’identité, le héros se laisse entraîner dans une double vie de débauche, synonyme de désintégration familiale, des restes humains sont découverts dans le four de l’usine d’équarrissage...

« Le revers sanglant de la moder­nité est un thème récurrent dans les œuvres d’Urban », note Aktualne.cz, surtout en référence à Lord Mord, roman dans lequel les pires atrocités s’abattent sur le quartier juif de Prague lors de son assainissement. Mais, pour le site, Urban est ici au sommet de son art : « Il est comme un poisson dans l’eau, il écrit avec virtuosité, ses dialogues sont souvent somptueux. » De quoi faire de ce « poète et archiviste de paysages perdus », selon iLiteratura, « l’une des voix les plus originales et les plus reconnaissables de la littérature tchèque contemporaine ». 

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Vous êtes paléontologue et professeure de paléoclimatologie à l’Université de Tübingen. Dans votre livre, vous contestez la théorie la plus couramment admise sur l’origine de l’homme, selon laquelle notre lignée est née en Afrique. Sur quels fondements ?

Je conteste non pas l’« out of Africa », qui concerne Homo sapiens et ses ancêtres directs, mais ce qu’on pourrait appeler l’« Africa only », une conception selon laquelle toutes les étapes décisives de l’évolution humaine ont eu lieu en Afrique, aussi bien l’évolution de l’australopithèque que celle du chimpanzé, du gorille et des ancêtres que nous partageons avec eux.

Le concept « out of Africa » remonte aux années 1980. Il a été forgé par un anthropologue allemand, Günter Bräuer, et s’appliquait alors à Homo sapiens, l’homme moderne. D’après cette vision des choses, Homo sapiens est apparu en Afrique avant de se répandre en Asie et en Europe. Plus tard, le concept s’est élargi au genre Homo. On a affirmé qu’un Homo primitif, en général Homo erectus, était parti d’Afrique pour migrer en Eurasie. On distingue donc deux « out of Africa ».

Dans mon livre, je remarque juste que les données ne sont pas sûres à 100 %. Homo, nous dit-on, apparaît en Afrique avec les premiers outils, il y a environ 2,6 millions d’années. Peu auparavant, il y avait des australopithèques – dont Lucy, vieille de 3,2 millions d’années, est le spécimen le plus connu. Or il n’existe aucun fossile qui, de façon claire et univoque, montre l’évolution d’Australopithecus afarensis à Homo. Il y a donc un trou du point de vue de la morphologie, un saut. Je n’exclus pas qu’Homo soit apparu en Afrique et qu’il ait ensuite migré. Mais, à l’heure actuelle, les données restent lacunaires. Nous avons, par ailleurs, découvert des outils en Inde qui sont aussi anciens que les plus vieux outils africains. Et il y en a aussi en Chine qui sont, certes, plus récents, mais de peu. Donc rien n’est très certain.

Vous suggérez surtout que la séparation entre la lignée humaine et celle des autres grands singes qui existent encore aujourd’hui, comme le gorille et le chimpanzé, pourrait avoir eu lieu en Europe. Ce qui, en un sens, revient à y situer l’origine de l’humanité. Comment est-ce possible ?

Je dispose – et pas seulement moi, d’autres aussi, comme le Canadien David R. Begun 1 – de données qui montrent que certaines étapes décisives de l’évolution lointaine des grands singes et de la lignée humaine n’ont pas eu lieu en Afrique. Je peux l’affirmer en m’appuyant sur mes propres recherches.

Mes premiers doutes remontent à 2009, quand un collègue et ami bulgare, Nikolai Spassov, qui dirige le Muséum national d’histoire naturelle de Sofia, a découvert à Azmaka, près de Tchirpan, au cœur de la Bulgarie, une dent qui ne pouvait appartenir qu’à un hominidé et qui était vieille de 7 millions d’années. C’était en complète contradiction avec la doctrine dominante selon laquelle les grands singes étaient alors depuis longtemps éteints en Europe. J’ai très vite fait le lien avec une publication du géologue Bruno von Freyberg, datant de 1949, où il rendait compte de la découverte qu’il avait faite en 1944 d’une mandibule à Pyrgos, en Grèce. Il évaluait son âge à environ 7 millions d’années et, en 1969, le paléoanthropologue Gustav Heinrich Ralph von Koenigswald, en l’examinant, avait conclu qu’il s’agissait d’un grand singe jusqu’ici inconnu. En hommage à son découvreur, il l’avait baptisé Graecopithecus freybergi. Aussi bien la datation reculée que l’attribution à un grand singe avaient suscité au mieux de l’indifférence, et souvent des moqueries.

J’y ai donc repensé et je me suis dit qu’il fallait réexaminer cette mandibule avec des moyens modernes. Problème : elle avait disparu ! J’ai mis deux ans à la retrouver, elle était dans un Tupperware, lui-même enfermé dans un coffre-fort ! Mais le jeu en valait la chandelle : ce que mon équipe et moi avons découvert nous a stupéfiés.

Qu’avez-vous découvert, et grâce à quelles méthodes ?

Lorsque Koenigswald avait décrit la mandibule, on ne pouvait pas encore examiner l’intérieur du fossile. La tomographie 2 n’existait pas. Là – nous étions en 2015 –, nous avons pu soumettre le fossile aux rayons X et nous nous sommes aperçus que les racines d’une des prémolaires étaient fusionnées à 50 %. Or cette fusion est caractéristique de la lignée humaine. Chez l’homme moderne, la fusion est complète. Chez l’australopithèque, elle est partielle. En revanche, chez les autres grands singes, les racines sont écartées.

Qu’avez-vous conclu de ces racines dentaires ainsi fusionnées ?

Eh bien ! qu’on avait affaire à un fossile qui évoquait beaucoup plus certaines espèces de préhumains africains comme l’australopithèque qu’un grand singe disparu. Avec cette différence que les fossiles africains sont beaucoup plus tardifs. Ils datent de 5,5 à 2 millions d’années. Le grécopithèque dont Bruno von Freyberg a exhumé la mandibule à Pyrgos vivait il y a 7,175 millions d’années – nous avons pu l’établir de façon précise grâce, entre autres, à des analyses paléomagnétiques. Et la molaire de Bulgarie, qui appartient elle aussi à un grécopithèque, est plus vieille d’environ 80 000 ans. Cette période représente pile le moment où, sur la base des données génétiques dont nous disposons, la lignée évolutive humaine venait très probablement de se séparer de celle des chimpanzés, nos plus proches parents toujours existants. Autrement dit, Graecopithecus pourrait bien être notre plus lointain ancêtre, le premier représentant de la lignée spécifiquement humaine. Et il vivait non pas en Afrique, mais en Europe.

Vous avez, par ailleurs, mis au jour un grand singe jusqu’ici inconnu, qui, lui, se situerait peut-être en amont de cette divergence. Et ce… en Allemagne ! Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

Oui, là encore, cela vient contredire la doctrine dominante qui voudrait que tout se soit passé en Afrique… Pour y voir plus clair, peut-être faut-il remonter dans le temps et retracer brièvement l’évolution des singes sur la très longue durée. Nous savons que les singes primitifs sont arrivés d’Asie en Afrique il y a environ 35 millions d’années, et c’est bien en Afrique que se sont développés les premiers grands singes, qui ont pour particularité d’être dépourvus de queue. Mais, entre 14 millions et 7, voire 6 millions d’années, nous sommes confrontés à une absence de fossiles sur le continent africain. Or c’est précisément de cette période que datent les fossiles de grands singes qui ont été retrouvés en Europe…
Par exemple, le fameux dryopithèque, découvert en France au XIXe siècle, décrit par le paléontologue Édouard Lartet et qui aurait vécu il y a 11 à 12 millions d’années. Mais aussi Danuvius guggenmosi, mis au jour par mon équipe en 2015 dans le sud de l’Allemagne et que nous avons surnommé « Udo » parce que, le jour de sa découverte, la radio diffusait en boucle les chansons d’Udo Lindenberg.

Qu’est-ce qu’Udo a de particulier ? Pourquoi est-il si important pour l’histoire de l’évolution humaine ?

C’est le meilleur matériau concernant cette époque jamais exhumé. Il remonte à 11,6 millions d’années et nous disposons d’environ 15 % de son squelette, ce qui est exceptionnel. Les autres découvertes en Europe sont souvent des fragments isolés liés à une seule partie du corps, et non des os de l’ensemble du squelette. En France, par exemple, je crois qu’on a trouvé trois mâchoires et un humérus fragmentaire. C’est bien, mais c’est trop peu, notamment pour déterminer comment le dryopithèque se déplaçait. Pour Udo, nous disposons d’os du crâne, de la colonne vertébrale, des bras, du pied, des jambes, d’éléments de la main, du coude, et même d’une rotule. Nous avons une idée de la manière dont fonctionnaient ses hanches, ses genoux et ses pieds  – toutes les zones importantes ayant trait à la locomotion.

Et qu’en avez-vous déduit ?

Que Danuvius était sans doute bipède. Au niveau des doigts – qu’il avait courbés – et des bras – qu’il avait longs –, il était semblable au chimpanzé, et cela en fait une espèce arboricole. Mais, au niveau des jambes et des pieds, il s’apparentait en partie à un homme et présente des indices de bipédie. Son gros orteil était, certes, opposable comme celui d’un chimpanzé, signe qu’il pouvait saisir des branches avec. Mais il le faisait avec les genoux et les hanches tendus, comme ceux de l’homme. Chez les grands singes non humains comme le chimpanzé, la poitrine est étroite et profonde. Cela tient au fait que ce sont des quadrupèdes. Or Danuvius avait une poitrine large et plate, comme nous. De même, sa colonne vertébrale était déjà en forme de S. Cela signifie qu’au niveau des hanches elle était très mobile. Il pouvait bouger le bassin comme une danseuse du ventre ! Un chimpanzé n’en est pas capable, il est trop raide à ce niveau-là. Une nécessité pour lui, car, quand il grimpe à un arbre, il faut que son corps reste très proche du tronc ou des branches. De notre côté, nous avons besoin de hanches mobiles afin d’équilibrer notre centre de gravité quand nous marchons. 

Le schéma anatomique de Danuvius n’est donc pas du tout similaire à celui d’un chimpanzé, ni à celui d’un gorille. Il n’est, bien entendu, pas identique non plus à celui d’un homme. Mais il présente plus de ressemblances avec un homme qu’avec un chimpanzé. 

Si je vous comprends bien, cela voudrait dire qu’un grand singe ayant peut-être vécu avant notre divergence d’avec les autres grands singes encore existants était non pas quadrupède mais bipède, et que la bipédie est bien plus ancienne qu’on l’a longtemps supposé…

À vrai dire, il est difficile de situer exactement Udo dans l’arbre généalogique des grands singes. Est-il l’un des derniers ancêtres communs de l’homme et des grands singes encore existants ? Se situe-t-il ultérieurement dans l’évolution, par exemple après la divergence du gorille d’avec le chimpanzé et l’homme ? Plus tard encore ? Appartient-il à la lignée spécifiquement humaine ? Ou bien à la lignée spécifique du gorille ou à celle du chimpanzé ? Dans l’état actuel de nos connaissances, impossible de le dire. 

Toujours est-il que ces découvertes à propos d’Udo posent effectivement une question dérangeante : l’anatomie humaine est-elle quelque chose de moderne, de nouveau ? Ou bien est-elle primitive ? Udo semble, de toute évidence, très moderne, très « humain ». Mais à quoi ressemblaient les préchimpanzés et les prégorilles ? Pour l’heure, on raconte l’histoire ainsi : le chimpanzé n’a jamais changé, il a toujours été aussi primitif, il est toujours resté tel qu’il était au départ. Et, quand on imagine notre ancêtre commun, on le voit en général plus proche du chimpanzé que de l’homme. Pourtant, tout cela n’est absolument pas prouvé. On ne dispose d’aucun fossile de chimpanzé archaïque ni de gorille archaïque. Pourquoi ? Certains ont dit que c’était parce qu’ils se trouvaient dans la forêt vierge et que ce n’est pas un terrain propice à la préservation des fossiles. Certes, mais à quoi penserait-on reconnaître un fossile de préchimpanzé ? À ce qu’il serait quadrupède. Pourtant... et si le chimpanzé archaïque ne ressemblait pas au chimpanzé actuel, s’il était plus primitif parce que bipède ? On a tendance à classer d’office les fossiles de bipèdes comme des fossiles de préhumains. On a peut-être tort.

Vous voulez dire que la quadrupédie pourrait s’être développée après la bipédie ?

C’est toute la difficulté quand on tente de reconstituer l’arbre généalogique des espèces, que l’on travaille sur la phylogénie 3. Il faut toujours se demander quel est le trait primitif et quel est le trait dérivé. Et ce jugement est parfois très subjectif, surtout quand on a affaire à des fossiles qui sont proches de ceux d’êtres humains. Nous partons toujours du principe que l’homme constitue le couronnement de la création et que tout ce qui est antérieur est nécessairement primitif. Or ce qui est vieux peut être très moderne.

Une anecdote amusante : lorsque j’ai publié mon livre et les résultats de mes recherches sur Danuvius dans Nature, j’ai reçu un colis de France, sans mention de l’expéditeur. À l’intérieur, un livre. Rien d’autre. Ce livre a été écrit par une scientifique française, Yvette Deloison 4. C’est peut-être elle qui me l’a fait parvenir, ou l’un de ses proches. Cette chercheuse au CNRS a toujours dit que la marche debout était primitive et que c’est l’anatomie du chimpanzé qui est moderne, c’est-à-dire biologiquement dérivée, secondaire. Elle a consacré sa vie à tenter de le démontrer, sans doute en se heurtant à beaucoup de difficultés parce que la plupart des gens refusaient de l’admettre. Il faut dire que c’est assez contre-intuitif.

Vos propres découvertes se sont-elles heurtées à des résistances ?

Elles ont certainement amené beaucoup de chercheurs à réfléchir. La description de Graecopithecus a suscité une réponse de chercheurs sud-africains, qui ont essayé de prouver qu’il était improbable qu’il s’inscrive dans la lignée humaine. Mais nous y avons répondu, et je pense que nous avons démontré que leurs arguments n’infirment pas les nôtres. Même chose pour Danuvius. Il y a eu une réaction en 2019 dans Nature. Nous y avons répondu. Et, là encore, il me semble que nos arguments ont non seulement résisté à la critique mais en sont sortis renforcés. Nous avons pu les étayer avec des données supplémentaires. Donc je ne parlerais pas de « résistances », ni de dissensions, même s’il y a eu un groupe de peut-être cinq personnes qui ont profité de l’occasion pour se faire de la publicité en rédigeant ces réponses ! Il ne faut pas oublier que c’est comme ça que ça marche... Du reste, les désaccords font partie de la science. C’est normal. Bien entendu, parfois, je souhaiterais qu’il en aille un peu différemment. Par exemple qu’un de ces auteurs vienne à Tübingen examiner l’original. Mais ils ne le font pas. Ils écrivent en s’appuyant sur notre seule publication. Tout paléontologue sait pourtant qu’on ne peut pas remplacer l’original, pas même par une reproduction en trois dimensions. 

Dans votre livre, vous remettez en cause beaucoup des théories traditionnelles. Il y en a pourtant une que vous ne battez pas en brèche : c’est l’hypothèse de la savane. Que dit-elle ? 

Cette théorie remonte au début du XIXe siècle et à Jean-Baptiste de Lamarck, qui avait déjà su formuler les concepts et problèmes essentiels. Il réfléchissait à la façon dont on passe de la quadrupédie à la bipédie. Son idée était que les quadrupèdes vivaient dans les arbres parce que c’est beaucoup plus simple de se déplacer ainsi dans ce milieu, et que c’est le passage d’un écosystème forestier à un écosystème de savane, où les arbres se font bien plus rares, qui aurait entraîné le développement de la bipédie. 

N’est-ce pas contradictoire avec ce que vous expliquiez plus haut sur une éventuelle antériorité de la bipédie ?

Il faut bien comprendre qu’il n’y a pas d’un côté la quadrupédie et de l’autre la bipédie, avec rien du tout entre les deux. Il existe de nombreuses variantes de la bipédie. La variante Udo, par exemple, est une bipédie dans les arbres avec une adaptation des bras en conséquence. Il est certain qu’Udo ne pouvait pas courir. Mais, quand il était au sol, il se tenait sur ses deux jambes. Ardipithecus, en Afrique, présente une adaptation très similaire. C’est une autre manière d’être bipède. L’extension de la savane pourrait avoir contraint nos ancêtres à améliorer leur bipédie, à apprendre notamment à courir.

Vous expliquez justement dans votre livre que cette extension de la savane a eu lieu en Europe. On associe pourtant plutôt cet écosystème à l’Afrique…

La savane évoque bien sûr l’Afrique, mais l’Afrique d’aujourd’hui. À l’époque qui m’intéresse, il n’y avait pas de savane en Afrique, le Sahara était verdoyant. En revanche, entre – 9 millions et – 6 millions d’années, on sait qu’une immense savane a pris forme sur le pourtour méditerranéen et au-delà, depuis l’Espagne jusqu’au Pakistan inclus. Et c’est dans cet écosystème que se sont développés tous les animaux qu’aujourd’hui nous considérons comme typiquement africains : la girafe, le lion, la hyène… L’exception, c’est l’éléphant, qui, lui, est vraiment africain. Le zèbre et l’âne viennent, quant à eux, d’Amérique du Nord ; ils ont traversé toute l’Asie. 

Comment tous ces animaux se sont-ils finalement retrouvés en Afrique ?

L’assèchement de la Méditerranée, il y a 5,6 millions d’années, pendant ce qu’on appelle la « crise de salinité messinienne », pourrait avoir joué un grand rôle – non pas au sens où les animaux auraient pu la traverser (cela restait impossible), mais au sens où cet assèchement aurait entraîné la constitution d’un désert très aride à l’est, en Mésopotamie, à la jointure de l’Eurasie et de l’Afrique. Ce désert, en s’étendant, a repoussé toujours plus loin les zones de savane, contribuant à disperser les êtres vivants qui s’y trouvaient auparavant. C’est précisément à cette époque que les hyènes et les grands félins arrivent en Afrique. Il est tout à fait possible que les ancêtres bipèdes de l’homme, habitant le bassin méditerranéen, les aient accompagnés. Tout comme, du reste, les ancêtres des chimpanzés et des gorilles : eux aussi étaient peut-être encore bipèdes à l’époque et ne seraient passés à la quadrupédie qu’une fois parvenus dans la forêt équatoriale africaine. 

Ce désert très aride s’est maintenu 2 millions d’années et, pendant tout ce temps, il a bloqué la sortie des êtres vivants hors d’Afrique. C’est ainsi qu’a pu se développer en Afrique, de façon endémique, c’est-à-dire indépendante, quelque chose de nouveau, et qu’a pu notamment y émerger l’australopithèque. Mais ces développements africains, comme on le voit, sont assez tardifs à l’échelle de notre longue histoire évolutive.

Et Homo sapiens, où est-il apparu ?

Il existait sans nul doute en Afrique il y a plus de 200 000 ans. Mais certains de ses premiers représentants ou de ses ancêtres directs ont été retrouvés au Maroc, en Grèce et dans la région du Levant. Au vu de ces éléments, déterminer où l’espèce a émergé n’a rien d’évident. Et je peux très bien concevoir que les plus vieux Homo sapiens vivaient sur le pourtour méditerranéen autant qu’en Afrique.

Je tiens toutefois à préciser que je ne suis pas spécialiste de cette période relativement récente. Pour ma part, je travaille sur une période très antérieure, et c’est à elle qu’est consacré l’essentiel de mon livre. 

— Propos recueillis par Baptiste Touverey.

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