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Que viennent donc faire tous ces bourgeois endimanchés aux portes de Cologne entre l’automne 1870 et l’été 1871 ? Par centaines, ils se rendent avec femmes et enfants dans un camp de prisonniers. Pendant plusieurs mois, c’est la grande attraction de la ville. Qu’ont donc ces prisonniers de si particulier ? Ce sont des Français, en tout cas des soldats appartenant aux armées françaises, défaites par la Prusse. Et un certain nombre d’entre eux sont noirs. La plupart des habitants de Cologne n’en ont jamais vu.
C’est un épisode que les conflits mondiaux ultérieurs ont rejeté dans l’ombre : après la déroute de Sedan, le 1er septembre 1870, puis la capitulation de Metz, le 27 octobre, 400 000 soldats français sont retenus captifs en Allemagne, dont 19 000 à Cologne. Pour la première fois, on construit d’immenses camps de prisonniers – 200 dans toute l’Allemagne. Les officiers y échappent : « Ils sont logés chez des particuliers ; en échange, ils ont dû promettre de ne pas s’enfuir, rapporte Mario Kramp dans Die Zeit. Ils prennent du bon temps au théâtre et au zoo. » Les habitants de la ville profitent, eux, d’un autre genre de zoo : le camp de prisonniers compte 800 tirailleurs arabes, kabyles, ouest-africains. La plupart ont la peau foncée, des uniformes exotiques, et ils sont qualifiés indifféremment de « Turkos ». La Prusse a interdit tout contact entre eux et la population. La propagande a présenté ces Africains comme des « sauvages ». « Ils passent pour des combattants sans scrupule qui ne font pas de quartier », explique Mario Kramp, qui vient de sortir un ouvrage sur le sujet sous-titré « Les prisonniers oubliés de la guerre franco-allemande ».
On les compare à des animaux, « singes, chats ou chiens ». Qu’importent les interdictions et les rumeurs, à présent que ces hommes qu’on redoutait tant ont été vaincus, on se presse pour les observer, souvent avec compassion : « On leur apporte par exemple des rafraîchissements », poursuit Kramp. Certains journaux mettent en garde contre cette pitié « malavisée et typique du sexe féminin », le plus exposé pourtant à leur « virilité bestiale ».
Les Allemands ne compren­nent pas comment des Blancs et des Noirs peuvent cohabiter au sein de l’armée française. Les clichés vont bon train quand il s’agit de décrire les différences entre les deux « races » : « Les Français seraient vivants et pleins d’esprit, les Africains, en revanche, d’une lourdeur tout orientale. »
Une bonne partie de ces soldats africains parlent arabe et sont musulmans ; c’est là encore une grande nouveauté pour les Allemands. « Un catholique de Cologne résume naïvement : “Les Turkos croient encore à Mohammed.” »
On s’étonne de leurs tatouages, des bagues en or que certains portent presque à chaque doigt. D’étranges dialogues ont lieu. Ainsi ce vétéran africain qui raconte « avoir déjà combattu en Algérie, en Italie et au Mexique et qui se révèle donc bien plus ouvert sur le monde que ses interlocuteurs de Cologne ». 

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Dans un livre paru récemment, le Britannique Richard Scholar remarque : « La langue anglaise a – et a toujours eu – besoin de mots étrangers pour atteindre l’élégance et réussir à tout bien exprimer ; pourtant, les Anglais se refusent à le reconnaître. » Principale victime de cette réticence : le français (que Scholar enseigne et traduit). Après la conquête de Guillaume le Conquérant, en 1066, l’Angleterre se francise, le vieil anglo-saxon s’enrichit de milliers de termes et de tournures de phrases venus du continent (7 000 seraient encore d’usage courant). Le rayonnement politique et culturel du royaume capétien au cours des siècles suivants n’arrange pas les choses. Dans son Dictionary of the English Language, paru en 1755 et cité par Scholar, Samuel Johnson regrette que l’anglais se soit « peu à peu éloigné de son caractère original teutonique pour dériver vers la structure et la phraséologie gauloise ». Il redoute d’en être bientôt réduit à « bafouiller un dialecte de la France ». C’est la peur du franglais, mais à l’envers. Michael Wood rapporte dans la London Review of Books que certains mots, « clinquant », « entour », « façonnier », qui semblèrent longtemps indispensables à tout Anglais raffiné, sont, bien sûr, aujourd’hui tombés en désuétude, même en France.

[post_title] => Franglais à l’envers [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => franglais-a-lenvers [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2022-04-28 07:22:22 [post_modified_gmt] => 2022-04-28 07:22:22 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=118723 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
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Étrange personnage que Shin­tarō Ishihara : voilà un homme qui, après avoir remporté en 1956, à 23 ans, le plus prestigieux prix littéraire du Japon, fréquenté Mishima, réalisé et scénarisé plusieurs films, se lance dans la politique et se fait élire député, puis, de 1999 à 2012, gouverneur de Tokyo. Un peu comme si Le Clézio ou Françoise Sagan étaient devenus maires de Paris. Les éditions Belfond ressortent le recueil de nouvelles qui l’a fait connaître : La Saison du soleil, plus qu’un succès de librairie (2,6 millions d’exemplaires écoulés), un scandale et un phénomène de société. Ishihara, qui est décédé le 1er février dernier, y décrit, non sans une certaine outrance, la jeunesse dorée d’une époque désenchantée. « Il écrit mal, reconnaît le spécialiste du Japon Marcel Giuglaris dans sa postface. On l’a dit et répété. C’est sans doute vrai, mais le public japonais est très indulgent pour les auteurs qui savent raconter une histoire et ne pas faire seulement de la littérature traditionnelle. » Le grand modèle d’Ishihara ? Hemingway, son rythme rapide, ses personnages à la psychologie souvent sommaire. Les siens sont en révolte sans vraiment l’être. « Ishihara a préféré s’en tenir aux conséquences de cette révolte, note Giuglaris, à l’amoralité, aux bagarres, au désir de vivre, à la recherche d’une individualité, à la folie du sexe. »

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Entre 2011 et 2015, l’Espagne a connu une vague de manifestations sans précédent, ce que l’on a appelé le mouvement des Indignés. Son origine était évidente : la crise économique de 2008 et ses conséquences sociales souvent dramatiques. Pourtant, une grande partie des débats parmi les militants qui organisèrent ces manifestations ne portait pas sur la crise et la façon d’y remédier. Très vite, il s’est agi d’« inclure le maximum de gens », rapporte Daniel Bernabé dans son dernier ouvrage. On s’est mis à critiquer l’usage des drapeaux rouges ou espagnols, trop excluant. « À un moment donné, poursuit Bernabé, les débats ne portaient même plus sur le fond, mais sur la façon dont devaient se tenir les débats eux-mêmes : les tours de parole, la manière de s’exprimer, etc. Il fallait être inclusif, horizontal, respectueux de toutes les sensibilités. […] Le plus absurde est qu’au milieu de tous ces débats byzantins, de tout ce gaspillage de temps et d’énergie, personne n’a fait remarquer que l’objectif numéro un d’une manifestation est justement de polariser. »
Il est rare qu’un essai espagnol, qui plus est politique, soit traduit en français. Si celui-ci l’a été, c’est sans doute parce qu’il traite d’un problème majeur de notre temps, qui touche aussi la France : l’impuissance de la gauche.
Étrangement, la volonté croissante d’inclure à tout prix, de ne froisser personne, s’est accompagnée ces dernières décennies d’un effondrement de notre capacité à agir collectivement. Ce paradoxe est au cœur de l’ouvrage de Bernabé. Certains s’amuseront qu’il ait reçu un prix du Parti communiste (espagnol) ou trouveront cela anecdotique. En réalité, rien de plus significatif. On peut, bien entendu, reprocher bien des choses à l’idéologie communiste. Reconnaissons-lui tout de même une vertu : les différents partis qui en sont issus furent longtemps de formidables machines à organiser l’action collective. Or, pour Bernabé, la source d’une grande partie de nos maux est précisément notre réticence nouvelle à dépasser l’autisme individualiste, à accepter de voir ce qui, au-delà de toutes les petites différences de couleur, d’origine, d’orientation sexuelle ou alimentaire, pourrait nous rassembler.
Depuis la fin des années 1970, la gauche s’est focalisée sur les questions de diversité et d’identité. Elle a défendu les droits des minorités sexuelles ou raciales – des combats louables en eux-mêmes et dont Bernabé ne conteste pas la légitimité, mais des combats qui ne peuvent pas remplacer ni même être mis sur le même plan que la lutte des classes. « On a parfois l’impression, note-t-il, que la gauche, faute de savoir prendre à bras-le-corps les problèmes de l’économie et de la mondialisation, trouve une sorte de plaisir malsain à se focaliser sur des questions qui sont d’autant plus sujettes à discordes que le nombre de personnes concernées est faible. » La question des transgenres illustre parfaitement ce point de vue. Alors qu’elle concerne une part infime de la population (peut-être 0,05 %¹), elle occupe une place centrale dans les préoccupations progressistes actuelles.
Bernabé constate que « les groupes définis sur la base d’une identité spécifique deviennent de plus en plus restreints, car la diversité tend vers l’infini » : on n’est plus seulement ouvrier ou cadre supérieur, mais, par exemple, femme, noire, lesbienne et végane. Avec pour conséquence que « si chacun d’entre nous est une somme infinie de spécificités, alors il ne peut pas y avoir de “nous” ». Il n’y a plus que des individus cherchant à se distinguer les uns des autres, enfermés dans l’affirmation de leurs irréductibles différences : « Les lesbiennes s’opposent aux transgenres, les féministes musulmanes s’opposent aux féministes laïques, les activistes décoloniales s’opposent aux féministes blanches, les queer s’opposent aux féministes, et les animalistes s’opposent à tout le monde. » L’atomisation de la société a brisé la saine dynamique de la lutte des classes.
Le Piège identitaire se veut journalistique. Bernabé s’en tient « à formuler des intuitions et suggérer des hypothèses ». Il le reconnaît avec franchise : « Cela permet d’économiser de l’énergie et du temps, surtout quand il n’est même pas sûr que des preuves tangibles soient disponibles. » Le résultat est un livre qui ne s’embarrasse pas de « justifier le moindre petit paragraphe avec une citation d’un auteur obscur », qui va vite, qui, avec un instinct souvent très sûr, frappe juste et fort.
Le politiquement incorrect est en général l’apanage de la droite et de l’extrême droite. Bernabé prouve qu’il peut tout aussi bien être de gauche, voire, comme lui-même, d’extrême gauche. Il a le sens de la formule. À propos du concept de « sororité », qui voudrait qu’il existe une solidarité entre toutes les femmes et que chacune doive se réjouir quand l’une d’entre elles accède à un poste de pouvoir, il note qu’« être une femme n’a rien de progressiste en soi ». Pour donner chair à ses idées, il s’appuie avec bonheur sur le cinéma et la télévision, montrant comment la critique sociale a peu à peu déserté ces médias : le premier Rocky ou le premier Rambo, si surprenant que cela puisse paraître, étaient des films de gauche, ancrés dans des problématiques de classe. On ne saurait en dire autant de leurs suites. Le deuxième volet du Parrain donnait une vision de la révolution castriste étonnamment positive. S’il existe toujours des cinéastes engagés, comme l’inoxydable Ken Loach ou Costa-Gavras, le temps est loin où nombre de grands films, comme Vol au-dessus d’un nid de coucou, Taxi Driver ou Voyage au bout de l’enfer, sans être explicitement de gauche, avaient une profonde portée sociale. Ce qui compte désormais, c’est de représenter les minorités.
L’un des principaux reproches qu’adresse Bernabé à l’activisme contemporain est qu’il s’attaque bien davantage aux symboles qu’aux réalités. Il va vouloir changer les mots et oubliera les choses, quand il ne contribuera pas à les aggraver un peu plus. Prenons l’exemple de l’écriture inclusive : « S’iels arrivaient à nous rendre toustes plus attentives à celleux qui sont invisibilisé.e.s, comme les amixs le sont les unxs pour les autres, on parviendrait sans doute à représenter à peu près tout le monde sur le plan linguistique, sauf que la plupart des gens ne comprendraient même pas de quoi on parle », se moque Bernabé. On pourrait ajouter qu’en allemand, contrairement au français, le féminin l’emporte sur le masculin au pluriel (on y emploie sie, « elles », pour « ils »). Pour autant, la société allemande demeure beaucoup plus « patriarcale » que la société française.
Nul besoin de partager toutes les analyses de Bernabé pour apprécier son livre. On y trouve, avouons-le, quantité d’approximations, de raccourcis. Il décrit plutôt bien et de façon plaisante les phénomènes, mais il pèche en remontant la chaîne des causes. Il est alors rattrapé par sa propre idéologie antilibérale.
Le grand coupable, à ses yeux, est le néolibéralisme, dont la politique de diversité aurait fait le jeu. Nous ne débattrons pas ici des mérites ou des ravages du néolibéralisme. En tout cas, y voir, comme le fait Bernabé, une force malfaisante presque sortie de nulle part a quelque chose d’insatisfaisant. Pourquoi, à partir de la fin des années 1970, les idées néolibérales s’imposent-elles dans un certain nombre de pays ? Bernabé élude cette question. Et, parce qu’il l’élude, il a tendance à inverser les rapports de causalité. Il voit dans le néolibéralisme une cause (la cause de tout !) alors qu’il n’est bien souvent qu’un symptôme. On se heurte là aux limites d’une vision purement marxiste de l’Histoire : la lutte des classes (que Bernabé a raison de remettre à l’honneur) n’en est pas le seul moteur. Comme Emmanuel Todd (autre grand politiquement incorrect de gauche) l’a démontré dans plusieurs ouvrages, ce qui donne aussi son mouvement à l’Histoire, c’est l’éducation : l’invention de l’écriture puis le développement de la lecture, l’alphabétisation d’abord d’une minuscule élite, puis des masses, enfin le développement des études supérieures. On ne peut comprendre l’émergence du néolibéralisme sans tenir compte du fait que, à partir du milieu des années 1960 aux États-Unis et une génération plus tard dans le reste du monde développé, cette expansion des études supérieures s’est limitée à environ un tiers de la population, créant une inégalité éducative nouvelle et infusant dans ces sociétés un sentiment inconscient d’injustice. De la même manière, comment expliquer l’atomisation de nos sociétés, leur incapacité à mener une action collective, sans évoquer leur déchristianisation finale à partir des années 1960, voire, comme le fait Todd dans son dernier ouvrage, l’émancipation des femmes ? Bernabé ignore ces liens. Cela ne l’empêche pas d’avoir écrit un livre aussi percutant que salutaire.

— B. T.

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Ferdinand Desoto n’a pas la notoriété d’autres conquistadors. Et pour cause : l’expédition dont il espérait tirer richesse et gloire fut l’un des plus retentissants fiascos du XVIe siècle. Pour lui, pas d’or à foison, mais une piteuse épopée entre la Floride et le Mississippi, au milieu de tribus pauvres et belliqueuses, aboutissant à une mort sans gloire en 1542. Des 700 hommes (soldats, aventuriers, bandits et missionnaires) qui l’avaient accompagné, une poignée seulement parvint à rejoindre, un an plus tard, la côte est du Mexique. C’est la dimension monumentale de cet échec qui a intéressé l’Autrichien Franzobel. Dans un ouvrage précédent, À ce point de folie (Flammarion, 2018), il avait relaté la sordide histoire à l’origine du Radeau de la « Méduse » [voir Books n° 91, septembre-octobre 2018]. Cette fois encore, il se révèle être un grand « amateur de grotesque et d’humour décalé, note Lerke von Saalfeld dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Toute l’entreprise évoque une danse macabre ». Pour contrebalancer la litanie des cruautés, Franzobel mêle à son intrigue un autre fil narratif, contemporain celui-ci : un avocat porte plainte contre les États-Unis. Il ne demande rien de moins que la restitution de l’ensemble du territoire américain aux indigènes.

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Lorsque le Polonais Mateusz Janiszewski s’est embarqué sur les traces de l’Endurance, qui avait pris la route de l’Antarctique un siècle auparavant, nul ne savait exactement où gisait l’épave du navire d’Ernest Shackleton. Le bateau, coincé dans les glaces, avait été abandonné en 1915 par un équipage qui allait encore errer près d’un an à pied, en traîneau ou en canot avant de retrouver la civilisation. Quand, en 2018, Janiszewski a publié en Pologne le récit de son voyage, l’Endurance était encore « l’épave la plus difficile à trouver du monde », selon le géographe John Shears, interrogé par la BBC. Mais voilà que, début février 2022, au moment où sortait la traduction française du livre de Janiszewski, Un arc de grand cercle, une énième mission levait l’ancre pour aller sonder les profondeurs des eaux glaciaires : un mois plus tard, miracle !, l’épave était retrouvée, photographiée et filmée. Les médias du monde entier exhumaient son histoire, celle d’une expédition devenue mythique dans une zone que Shackle­ton avait décrite comme « la pire portion de la pire mer du monde ». À lire Mateusz Janiszewski, on comprend pourquoi.
Poussé ici dans ses retranchements, l’écrivain-marin-chirurgien-traducteur-voyageur de 46 ans est pourtant aguerri. Il a sillonné les mers et les océans, multiplié les missions humanitaires – on lui a décerné le prix Beata-Pawlak pour un reportage au Timor oriental. Et les sensations fortes, il les recherche, comme il l’explique dans son livre : pour lui, le voyage est un « impératif ». « Toujours sur le départ », écrit-il, animé par « le même besoin d’aller toujours plus loin », « [il] ne recule jamais, [il] ne [s’]arrête jamais ». Et de citer sans relâche un Herman Melville « hanté par la perpétuelle nostalgie de ce qui est loin ».
Parvenu cette fois au-delà du bout du monde, « là où il finit », « Janiszewski tient un sujet parfait pour réaliser un repor­tage d’aventures à la manière de Jacek Hugo-Bader », juge Polityka, en référence à l’un des fers de lance actuels du reportage littéraire polonais. Pourtant, selon l’hebdomadaire, Un arc de grand cercle est « plus un essai philosophique qu’un reportage classique » : « Certes, on peut y lire des passages sur la cruauté de l’océan, l’horreur de l’espace infini ou le massacre des baleines, mais celui qui s’attend à un simple récit de voyage se demandera bien vite où il est tombé. Les méditations de Janiszewski, qui jongle avec les métaphores et le jargon et assume son goût pour le faste baroque, les digressions lyriques et le pathos, peuvent submerger. »
Le magazine culturel Dwuty­godnik confirme : « Un arc de grand cercle se lit comme l’examen de conscience de quelqu’un qui se rend compte que son mode de vie est hors norme. » Quelqu’un qui fuit « la foule et la trivialité », « les vies minuscules recroquevillées pour mourir », afin de se réfugier dans une solitude insoutenable, une monotonie insupportable, le poison du mal de mer, la torture du froid, le déchaînement d’un océan où il « entend partout la mort » mais où, « pourtant, la seule chose à laquelle [il est] capable de penser, c’est la vie ». 

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De tous les grands fondateurs de religion, Zarathoustra est sans doute le plus mystérieux. On ignore quand et où il vécut exactement. Fut-ce au VIIe-VIe siècle av. J.-C. ou bien plutôt au XIe, voire au XVIe siècle ? Fut-ce dans le sud de la Russie actuelle, en Asie centrale, à l’est de l’Iran ou au cœur du Caucase, dans l’actuel Azerbaïdjan ? Et puis, a-t-il seulement existé ?
Pour répondre (ou tenter de répondre) à ces questions et à bien d’autres, l’Allemand Michael Stausberg examine les sources. Dans un ouvrage aussi bref qu’éclairant, il expose ce que l’on sait de Zarathoustra et de sa religion d’après les écrits avestiques (les plus anciens) et d’autres plus tardifs. Il décrit les « notions directrices », les divinités et les rites, certains fort singuliers. Ainsi des funérailles : interdiction étant faite d’enterrer autre chose que les os, le corps devait au préalable être livré aux charognards.
Aujourd’hui, les zoroastriens sont en voie de disparition. En Inde, l’un de leurs deux principaux foyers avec l’Iran, ils étaient encore environ 100 000 à la fin du XIXe siècle, mais, nous apprend Stausberg, ce nombre « se situe désormais en dessous de 60 000 ». En cause notamment le refus, à l’heure des mariages mixtes, de considérer comme zoroastrien un enfant dont le père ne l’est pas lui-même. 

[post_title] => Parlons de Zarathoustra [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => parlons-de-zarathoustra [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2022-04-28 07:21:47 [post_modified_gmt] => 2022-04-28 07:21:47 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=118781 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
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« Sera-t-il utile à quel­qu’un, ce douloureux récit ? Son sujet n’est pas l’esprit vainqueur, mais l’esprit foulé aux pieds. Ce n’est pas l’affirmation de la vie et de la foi au sein même du malheur […], mais la désespérance et la déchéance. » Ainsi commence Souvenirs de la Kolyma, un recueil de textes écrits par Varlam Chalamov dans les années 1970, soit une vingtaine d’années après son retour des camps de la Kolyma. Ils sont postérieurs aux Récits de la Kolyma, rédigés entre 1954 et 1974, qui ont rendu l’écrivain soviétique mondialement célèbre. Chalamov a passé vingt ans dans les camps de travail. Arrêté en 1929 pour « activité contre-révolutionnaire trotskiste », il purgea une peine de trois ans au camp de Vichéra, dans l’Oural. Condamné une seconde fois en 1937, il fut envoyé dans la région de la Kolyma (extrême nord-est de l’URSS) et n’en revint qu’en 1953, après la mort de Staline.
Pour financer l’industrialisation, les autorités soviétiques avaient besoin d’or, rappelle l’écrivain Sergueï Lebedev sur le site culturel Colta. C’est dans le désert de glace de la Kolyma, où l’hiver dure neuf mois et les températures frôlent les - 50 °C, qu’elles avaient fondé en 1931 le Dalstroï, chargé de la construction des routes et de l’exploitation des mines d’or. En expansion permanente, ce réseau de camps atteignit à son apogée 2,3 millions de kilomètres carrés, un septième de l’URSS. « 800 000 personnes ont été envoyées à la Kolyma ; entre 130 000 et 156 000 d’entre elles y sont mortes », précise le journaliste Sergueï Soloviev, l’un des fondateurs du portail Shalamov.ru.
« Les récits de Chalamov, c’est l’exploit d’un homme qui a traversé l’enfer et qui l’a décrit. [L’écrivain] l’a retraversé et revécu encore et encore pendant les trente années qui lui ont été données de vivre à son retour de la Kolyma », commente le romancier Roman Sentchine sur le site God Literatury. La forme du récit choisie par Chalamov pour relater l’indicible est essentielle, note Lebedev : « Dans ce chaos d’agonisants solitaires, le roman aurait été un mensonge, un artifice littéraire. » Et de poursuivre : « Le Goulag [chez Chalamov] est l’espace de la mort et non pas celui de la vie, fut-elle infime, comme chez Soljenitsyne. » « Tout se fragmente, se désagrège, se divise en particules toujours plus infimes : morceaux, miettes, résidus, zestes – ô combien ce langage de la décomposition est parlant chez Chalamov ! Ce monde des fractions, où les gens diminuent au fur et à mesure que leurs corps rétrécissent et maigrissent. » Chalamov tenait à ce que ses Récits de la Kolyma soient lus par ses compatriotes. La première édition n’a toutefois été publiée qu’en 1989, sept ans après sa mort.

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Tant de nouveaux livres chaque année… Quelque 70 000 en France, plus de 300 000 aux États-Unis. Le lecteur, et on le comprend, se laisse souvent guider par la quatrième de couverture, alias le « prière d’insérer », alias, en franglais, le « blurb » : un texte de 50 à 200 mots qui a la lourde tâche d’inciter à lire un ouvrage de dizaines de milliers de mots. Gérard Genette, qui a étudié l’objet de près, y voit une « zone indécise entre le dehors et le dedans » 1 – un seuil, donc, à partir duquel on interpelle le chaland. Le blurb est à la charnière entre deux désirs : celui de l’auteur – être lu ; celui du lecteur – acheter à bon escient.
Bien sûr, ce que le blurb dit d’un livre n’est pas toujours très pertinent ni même véridique. Aux États-Unis, où la production de blurbs est une véritable industrie, on trouve des sites 2 qui traquent et dénoncent les plus trompeurs d’entre eux. Le blurb est un outil marketing, et comme tel il est constitué, ironisent les Américains, pour 50 % de mensonges et pour 50 % de bullshit. Au déchaînement d’hyperboles et de superlatifs s’adjoignent parfois des pratiques inavouables comme le bricolage de lambeaux de critiques pas forcément très élogieuses, pour en faire quelque chose d’allure globalement flatteuse. Sans aller jusque-là, un des maîtres américains du genre, l’écrivain Gary Shteyngart (plus de 150 blurbs à son actif), avoue ne pas toujours lire les livres qu’il blurbe et reconnaît sans états d’âme : « Je peux comparer un auteur à Shakespeare, à Tolstoï, à n’importe qui. Je peux faire absolument n’importe quoi… »
À défaut d’en dire beaucoup sur un livre, le blurb en dit cependant beaucoup sur la littérature – notamment sur le but du littérateur, qui, quoi qu’il prétende souvent, souhaite désespérément être lu, et pas seulement pour les sous. Comment faire quand on débute alors qu’il est si difficile, comme disait un éditeur, d’être connu quand on n’est pas connu ? On peut, façon Beckett, se refuser obstinément au moindre effort promotionnel, ou devenir, comme Hemingway, un virtuose de la chose. Certains auteurs préfèrent emprunter un peu de la notoriété d’un confrère déjà arrivé – Thomas More, par exemple, demanda un petit coup de pouce à son ami Érasme « pour que L’Utopie soit lancée prestigieusement, avec les plus hautes recommandations ». D’autres agissent carrément à l’insu du laudateur, tel l’inventeur présumé du blurb, le poète Walt Whitman : il avait envoyé un ouvrage au grand Emerson, puis publié effrontément les éloges polis reçus en retour. Julien Green, lui, dédaigne ces subterfuges et préfère s’autoblurber : « J’ai fait aujourd’hui la notice que l’on doit glisser dans les exemplaires de presse de mon livre. Il est ridicule et gênant d’écrire ainsi sur soi-même, mais, si je ne le fais pas, un autre le fera à ma place, et plus mal encore. » 

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Qu’est-ce que la concurrence ? Une forme de combat, mais indirect, où il s’agit de s’attirer les faveurs d’un tiers. Les éditions Payot publient un bref essai de 1903 sur la question, inédit en français, du grand Georg Simmel. La langue, passablement alambiquée, rebutera peut-être les amoureux du beau style et de la clarté immédiate ; elle réjouira en revanche les nostalgiques de cette époque fondatrice de la sociologie que fut le tournant du XXe siècle. Simmel y examine non seulement la concur­rence économique, mais aussi la concurrence dans les relations sociales, familiales et amoureuses. Il constate qu’à première vue « il y a quelque chose de tragique dans le fait que les éléments de la société œuvrent les uns contre les autres et non les uns avec les autres ». Sauf qu’en réalité, suggère-t-il, le bilan de la concurrence se révèle dans l’ensemble positif : la relation qui s’établit entre les concurrents et l’objet pour lequel ils s’affrontent « revêt bien souvent pour le vainqueur une intensité qu’il n’aurait pas connue sans cette confrontation singulière ». On peut certes imaginer une société « socialiste » où toute concurrence aurait été désamorcée. On peut aussi se contenter de limiter les excès de celle-ci, de la réguler, de la rendre le plus loyale possible. C’est pour cette seconde option que semble pencher Simmel.

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