WP_Post Object
(
    [ID] => 116026
    [post_author] => 48457
    [post_date] => 2022-02-24 08:45:40
    [post_date_gmt] => 2022-02-24 08:45:40
    [post_content] => 

Nous traversons la vie accompagnés. Certains de ces compagnons, comme nos parents, sont présents dès notre naissance ; d’autres croisent notre route plus tard, à l’école ou au travail, et deviennent nos amis ou notre conjoint(e). Ces êtres ont une influence sur notre comportement et nos émotions, ils contribuent à notre santé physique et mentale. Mais, comme le montrent Alessio Fasano et Susie Flaherty dans Gut Feelings, nous vivons aussi avec un compagnon invisible : le microbiome, ces milliards de microbes (bactéries, champignons, virus, voire protozoaires et parasites) qui résident dans notre tractus gastro-intestinal [notre tube digestif], nos voies respiratoires supérieures et notre peau. Les chercheurs pensent que l’activité de ces micro-organismes modifie le fonctionnement de nos gènes (un phénomène appelé « épigénétique ») et de nos organes vitaux.

Le microbiome est introduit chez le nouveau-né lors de l’accouchement, via les microbes vaginaux de la mère, puis par l’allaitement. Sa composition peut varier : il peut favoriser la croissance, l’équilibre émotionnel et le développement cognitif, ainsi que la maturation des défenses immunitaires. Il peut également présenter des anomalies et contribuer à l’apparition de troubles inflammatoires comme la maladie de Crohn, voire, spéculent certains, de syndromes neuropsychiatriques comme la dépression et l’autisme. Le microbiome semble jouer un rôle crucial dans notre fonctionnement biologique, et pourtant nous sommes nombreux à traverser la vie sans nous en douter.

Gut Feelings est un état des lieux détaillé et rigoureux de nos connaissances scientifiques sur le sujet. Alessio Fasano est gastro-entérologue pédiatrique à l’Hôpital général du Massachusetts ; il enseigne à la faculté de médecine de l’université Harvard et à l’École de santé publique T. H. Chan (également rattachée à Harvard). Susie Flaherty, elle, est directrice de la communication au Centre de recherche et de traitement de la maladie cœliaque (intolérance au gluten) de l’Hôpital général du Massachusetts. Dans leur livre, Fasano et Flaherty passent scrupuleusement en revue les nombreuses études sur le microbiome et la santé humaine, à grand renfort de conditionnels et de précautions oratoires. Ils avertissent le lecteur que les résultats d’expériences menées sur des rongeurs peuvent ne pas être transposables à l’homme, et que des corrélations observées au sein de populations humaines ou chez des patients isolés peuvent au bout du compte ne rien prouver du tout. Leur livre, par sa prudence, se distingue des ouvrages de vulgarisation sur la nutrition qui regorgent d’exagérations – par exemple sur la façon dont la manipulation du microbiome pourrait soigner diverses maladies. Gut Feelings, au contraire, donne aux lecteurs une idée plus claire de l’état actuel des connaissances médicales.

En février dernier, deux articles publiés dans la revue Science ont permis à la recherche sur le microbiome de faire un grand pas en avant. L’un provenait du Centre médical Chaim Sheba, en Israël, l’autre du Centre Hillman sur le cancer de l’université de Pittsburgh. Les deux concernaient des essais cliniques sur la manipulation du microbiome chez des patients atteints de mélanome métastatique. Jusqu’à récemment, un mélanome dont les métastases s’étaient propagées dans le corps était presque toujours mortel. Mais, au cours de la dernière décennie, une nouvelle thérapie a été développée pour inciter les cellules immunitaires à attaquer les cellules cancéreuses, permettant la survie de 20 à 40 % des patients – les chercheurs à l’origine de ce traitement par immunothérapie ont reçu le prix Nobel de médecine en 2018. Ce chiffre implique toutefois que 60 à 80 % des patients atteints de mélanome traités par immunothérapie n’en tirent aucun bénéfice. Pour bon nombre d’entre eux, les médecins ne peuvent pas faire grand-chose.

Des études antérieures ont révélé que le microbiome intestinal agissait sur la maturation et le fonctionnement du système immunitaire des rongeurs ; des recherches plus approfondies ont suggéré que le microbiome pourrait en quelque sorte rendre les souris plus réceptives à l’immunothérapie contre les cancers. Chez les patients humains, certains groupes de bactéries intestinales ont été identifiés comme favorisant une meilleure réaction à l’immunothérapie – mais ces résultats varient de façon contradictoire d’une étude à l’autre. Des travaux portant sur la transplantation de microbiote fécal (TMF) – soit le transfert de microbes intestinaux d’un hôte à un autre – ont montré que l’immunothérapie était plus efficace chez les souris ayant reçu une TMF de patients qui étaient atteints de mélanome et avaient réagi au traitement que chez les souris ayant reçu une TMF de patients résistant au traitement. Les souris de laboratoire utilisées dans de telles expériences sont généralement consanguines et dotées de patrimoines génétiques similaires ; elles ont le même âge et n’ont connu ni maladie ni traumatisme. Les patients humains ont des patrimoines génétiques et des âges divers, ils présentent de nombreuses différences physiologiques, dont certaines résultent de traumatismes antérieurs (une intervention chirurgi­cale, par exemple), de pathologies concomitantes ou de traitements invasifs comme la chimiothérapie. Est-ce qu’agir sur le microbiome de certains d’entre eux pourrait venir à bout de leur résistance à un traitement susceptible de leur sauver la vie ? 

Les équipes de chercheurs d’Israël et de Pittsburgh ont mené des essais cliniques sur la TMF chez des patients atteints de mélanome qui n’avaient pas réagi à des traitements répétés d’immunothérapie. Dix patients ont participé à l’étude israélienne, seize à l’étude américaine. Même si les protocoles des deux expériences comportaient quelques différences, leur démarche était similaire : prélever des échantillons du microbiome intestinal de personnes ayant très bien réagi à l’immunothérapie contre le mélanome, puis transférer leurs microbes à des patients résistant au traitement. 

En Israël, un patient s’est retiré de l’étude ; sur les neuf autres, une personne a vu toutes ses métastases disparaître et deux ont constaté une régression significative de leur cancer mais pas sa disparition complète. Les cellules immunitaires de ces trois patients, qui avaient reçu une TMF du même donneur, s’attaquaient activement à leurs métastases, signe que désormais la thérapie fonctionnait. À Pittsburgh, le cancer d’un des seize participants a complètement disparu après la TMF, les cancers de deux autres ont considérablement régressé, et, chez trois autres, le cancer n’a pas diminué mais il a cessé de croître. Plus de douze mois après l’expérience, aucune rechute n’a été observée. La TMF n’a porté préjudice à aucun des patients.

Malgré le nombre relativement faible de participants à ces études, celles-ci laissent supposer qu’un microbiome d’un certain type peut vaincre la résistance d’un patient à un traitement par immunothérapie susceptible de lui sauver la vie. Pour les chercheurs, les prochaines étapes sont claires : prendre en charge un plus grand nombre de patients atteints de ce genre de mélanome ; affiner les protocoles pour maximiser leur efficacité ; chercher à savoir si la TMF peut vaincre la résistance à l’immunothérapie chez des patients atteints d’autres types de cancers, comme le cancer du poumon et les lymphomes ; et essayer d’identifier lesquelles des centaines de bactéries composant le microbiome stimulent le système immunitaire d’un patient atteint d’un cancer pour l’aider à réagir à la thérapie. 

Environ deux mois après la publication de ces articles dans Science, des chercheurs ont fait une nouvelle découverte d’importance sur le microbiome. Il s’agissait cette fois-ci d’aider les enfants souffrant de malnutrition sévère dans les pays en développement. Le professeur Jeffrey Gordon et son équipe de la faculté de médecine de l’université Washington de Saint Louis, dans le Missouri, ont étudié les microbiomes d’enfants malnutris dans l’espoir de comprendre comment un microbiome « endommagé » limitait leur croissance et leur développement. En avril, The New England Journal of Medicine a publié les résultats d’un essai randomisé mené dans le quartier de Mirpur, à Dhaka, au Bangladesh. Cette étude, dirigée par l’équipe de Gordon, a comparé les effets de deux aliments thérapeutiques. L’un, nommé « prêt à l’emploi », est le complément alimentaire actuellement administré aux millions d’enfants qui souffrent de malnutrition dans le monde. Il contient du riz, du lait en poudre et des lentilles. L’autre était une préparation expérimentale composée de pois chiches, de bananes, de farine de soja et d’arachides. L’équipe de Gordon avait précédemment montré que cette mixture pouvait favoriser la croissance de souris rachitiques dont les intestins avaient été colonisés par un échantillon d’excrément provenant d’un enfant malnutri. De tels résultats laissaient penser que cet aliment à lui seul pouvait remédier à la déficience du microbiome de l’enfant, sans recourir à une TMF. Au cours de l’étude menée à Dhaka, des enfants souffrant de malnutrition modérée ou sévère ont reçu de manière aléatoire soit l’aliment thérapeutique « prêt à l’emploi », soit la préparation conçue pour agir sur le microbiome, qui avait eu des effets positifs sur les rongeurs. Cent dix-huit enfants ont participé à cette étude jusqu’au bout. Parmi les enfants de 12 à 18 mois, deux critères de croissance se sont révélés nettement supérieurs chez ceux qui avaient reçu la préparation expérimentale. En outre, des analyses de sang ont montré que ces enfants avaient des niveaux plus élevés de protéines plasmatiques, qui jouent un rôle dans la croissance osseuse et le développement du système nerveux central. D’importantes questions subsistent néanmoins, notamment celle de savoir si cet effet bénéfique sur la croissance des enfants perdurera, si l’amélioration prévue de leur développement neuronal se produira bel et bien, et quels sont exactement les composants du microbiome qui réagissent au nouveau complément alimentaire. Malgré tout, on peut en tirer la conclusion suivante : le microbiome intestinal joue un rôle dans la malnutrition infantile – l’un des problèmes de santé publique les plus urgents –, et les traitements diététiques actuels pourraient être beaucoup plus efficaces.

Gut Feelings retrace les précédents historiques sur lesquels s’appuient les articles récemment publiés dans Science et dans The New England Journal of Medicine : 

« Le recours à une TMF pour traiter différentes maladies humaines, principalement des troubles gastro-intestinaux, remonte à la Chine du IVe siècle, où l’on buvait une “soupe jaune” en cas d’intoxication alimentaire grave et de diarrhée. Au XVIe siècle, les Chinois avaient mis au point divers produits dérivés de matières fécales pour soigner les troubles gastro-­intestinaux et ses symptômes systémiques tels que la fièvre et la douleur. Certains témoignages suggèrent par ailleurs que des tribus de Bédouins consommaient les excréments de leurs chameaux comme remède contre la dysenterie bactérienne. L’anatomiste et chirurgien italien Hieronymus Fabricius Acquapendente (1537-1619) s’est fondé sur ce principe pour développer son concept de “transfaunation”, c’est-à-dire le transfert du contenu gastro-intestinal d’un animal sain à un animal malade. Depuis, cette pratique s’est largement diffusée dans le domaine de la médecine vétérinaire. Il est intéressant de noter que de nombreuses espèces animales pratiquent naturellement la coprophagie, une sorte de TMF autoadministrée, ce qui permet à leur intestin d’abriter une plus grande diversité de micro-organismes. »

La TMF a été reconnue pour la première fois par la médecine occidentale en 1958. À l’époque, elle servait à traiter la colite pseudomembraneuse, cette forme grave de diarrhée causée par la bactérie Clostridium difficile. Ce traitement n’était autre que l’application logique des pratiques de TMF qui existaient depuis des siècles. Jusqu’en 2021, on ne connaissait pas en Occident d’autre utilisation possible de la TMF. Les résultats empiriques suggèrent que l’incidence croissante, dans les pays développés, de troubles inflammatoires, comme la maladie de Crohn, et des allergies alimentaires pédiatriques pourrait être liée à des changements dans le microbiome. « Le microbiome intestinal des résidents de pays industrialisés semble contenir 15 à 30 % d’espèces en moins par rapport au microbiome intestinal des personnes non occidentales », indiquent Fasano et Flaherty. Une explication possible de ce phénomène nous vient du professeur Martin Blaser, éminent spécialiste des maladies infectieuses de l’université Rutgers, dans le New Jersey. Selon lui, notre usage extensif des antibiotiques aurait fait disparaître certaines espèces bactériennes de notre microbiote ancestral. Et cela entraverait notre développement immunologique, métabolique et cognitif, ouvrant la voie à des troubles inflammatoires chroniques. Blaser postule en outre que l’interaction entre notre microbiome et nos gènes influe sur la capacité de notre organisme à lutter contre les maladies inflammatoires lorsqu’elles apparaissent. Ceci, ajoutent Fasano et Flaherty, « expliquerait pourquoi, parmi les personnes qui ont une prédisposition génétique à une maladie donnée, certaines déclareront effectivement la maladie et d’autres pas ». En dehors des antibiotiques, le régime alimentaire joue aussi un rôle dans la composition de notre flore intestinale, comme le montrent certaines études qui comparent des populations de chasseurs-cueilleurs avec des citadins consommant beaucoup d’aliments transformés. Fasano et Flaherty soulignent cependant que les hypothèses de Blaser reposent sur des bases scientifiques ­fragiles, aussi se gardent-ils d’embrasser sa théorie :

« Peut-être ne parviendrons-nous jamais à régler la question de la disparition des microbes anciens, à déterminer si cette disparition est liée à nos modes de vie contemporains. Il est toutefois clair que le microbiome intestinal des populations rurales qui ont un mode de vie durable, c’est-à-dire qui ne vivent que des produits de leur environnement naturel immédiat, est substantiellement différent de celui des personnes vivant dans des pays industrialisés. Déterminer si ces différences sont la cause de l’épidémie actuelle de maladies inflammatoires chroniques, ou la conséquence de ces maladies, ou simplement un épiphénomène, reste l’un des défis les plus stimulants auxquels sont confrontés les scientifiques qui s’intéressent à l’influence du microbiome humain sur la santé et la maladie. »

Le microbiome est d’une redoutable complexité : non seulement il varie d’une personne à l’autre, mais il évolue tout au long de la vie. Chaque individu possède quelque 23 000 gènes, mais, écrivent Fasano et Flaherty, « nous sommes le produit de la coévolution de notre génome avec le métagénome (l’ensemble des gènes de notre microbiome), qui contient 100 à 150 fois plus de gènes que nous ». L’expression de ces gènes peut être affectée par ce que nous mangeons et par notre environnement, ce qui rend très difficile de saisir précisément comment le microbiome interagit avec le reste de notre corps et comment on peut le manipuler. De plus, Fasano et Flaherty soulignent la complexité de notre microbiome en remettant en cause l’idée qu’il existerait une population « normale » d’organismes gastro-intestinaux :

« Tenter de déterminer ce qu’est un microbiome “normal” en séquençant les micro-organismes présents dans n’importe quelle partie du corps humain, par exemple l’intestin, est probablement vain. De nombreux spécialistes du microbiome sont maintenant convaincus qu’il n’existe pas de microbiome normal. Le temps de terminer le séquençage, l’écosystème de la zone analysée aura peut-être changé, sous l’influence de facteurs environnementaux et d’autres facteurs. »

Notre intestin abrite des virus, expli­quent les auteurs, et ces virus peuvent transférer des gènes d’une bactérie à une autre, créant « encore plus de variabilité dans la fonction du microbiome d’une partie du corps donnée, même si la composition du microbiome ne change pas au cours du temps ». On ne peut pas dire que cette biologie complexe, et tout ce qui nous reste encore à découvrir sur elle, constituent un frein pour les fabricants de remèdes « naturels » comme les probiotiques – ces aliments riches en bactéries, comme le yaourt et le kombucha 1, censés doper le fonctionnement du microbiome. Les probiotiques représentent une industrie de plusieurs milliards de dollars, et la désinvolture avec laquelle ces produits sont commercialisés est scandaleuse. Fasano et Flaherty font valoir les arguments avancés par Claudio De Simone, un pionnier dans le domaine des probiotiques, qui affirme que les régulateurs de l’UE et des États-Unis ne tiennent pas compte de la composition complexe des produits probiotiques. Ceux-ci renferment des microbes vivants et donc biologiquement dynamiques, qui varient considérablement selon les espèces et les souches, et peuvent interagir différemment les uns avec les autres. Ces préoccupations remettent en question la sécurité et la fiabilité des probiotiques, et plus particulièrement lorsqu’il s’agit de « populations vulnérables » – des patients dont le système immunitaire est affaibli ou dont le traitement pourrait être rendu moins efficace par les probiotiques.

« Il est devenu rare de voir en consultation des enfants qui n’ont pas été exposés aux probiotiques », observent les auteurs (en s’appuyant sans doute sur l’expérience de Fasano en service pédiatrique). Ils nous mettent en garde :

« L’utilisation généralisée de probiotiques, sans prescription claire, peut compromettre l’efficacité de cet outil susceptible de modifier la composition et le fonctionnement du microbiome de manière à stimuler le système immunitaire et à renforcer la barrière intestinale, voire traiter des processus ­inflammatoires spécifiques. […] Parce que les êtres humains ne sont pas génétiquement et biologiquement égaux, on ne peut pas généraliser l’utilisation d’une formule probiotique donnée et affirmer qu’elle est bénéfique pour la santé de tous. »

Les critiques de Fasano et Flaherty reposent sur plusieurs études rigoureuses. Deux articles publiés dans le numéro du 22 novembre 2018 du New England Journal of Medicine présentaient les résultats d’essais cliniques sur les probiotiques. L’une des deux études portait sur le cas d’enfants amenés aux urgences à cause d’une diarrhée infectieuse et concluait que l’administration d’un probiotique n’empêchait pas le développement d’une gastro-entérite modérée voire sévère dans les quatorze jours. L’autre étude s’intéressait à une préparation probiotique disponible en vente libre aux États-Unis. Elle montre que ce produit n’apportait aucun bénéfice par rapport à un placebo : il ne réduisait pas la diarrhée ni les vomissements, n’influait pas sur le nombre de consultations médicales ou la présence à la garderie. « Bien que ces résultats ne puissent pas être étendus à d’autres souches et à d’autres préparations probiotiques, écrivent Fasano et Flaherty, ils montrent que nous sommes loin d’avoir élucidé quels probiotiques pourraient être bénéfiques à quels patients et dans quels contextes cliniques. » 

L’attrait des probiotiques par rapport aux traitements médicamenteux traditionnels est évident : ils agissent de façon a priori naturelle et vraisemblablement non toxique, et pourraient répondre aux besoins spécifiques des patients. Certains vont jusqu’à affirmer que l’on pourrait utiliser le microbiome pour traiter l’autisme ou les dépressions sévères – autant d’allégations dépourvues de réels fondements scientifiques. Les microbes intestinaux produisent des molécules comme la sérotonine et la dopamine qui agissent sur le cerveau, mais cela ne signifie pas que l’on puisse facilement exploiter ce phénomène de façon thérapeutique. Toujours est-il que de nombreuses sociétés de biotechnologie ont été créées dans l’objectif de mettre au point des thérapies exploitant les bactéries intestinales pour soigner des troubles allant de la schizophrénie à la maladie de Parkinson. 

Récemment, la société de biotechnologie Seres a annoncé l’échec d’un essai clinique portant sur une thérapie par microbiome destinée à traiter une maladie inflammatoire de l’intestin, la colite ulcéreuse. Ce fut une profonde déception et une vraie douche froide pour les acteurs du secteur. Les patients et leurs familles sont – et c’est tout naturel – désespérément à l’affût de nouvelles approches pour traiter ces pathologies, ce qui les rend vulnérables aux discours peu scrupuleux vantant les mérites de transplantations fécales dont l’efficacité n’a pas été prouvée par des essais cliniques rigoureux.

Fasano et Flaherty estiment que chaque individu est le produit de deux génomes évoluant en parallèle, mais ils reconnaissent à juste titre que les facteurs socio-économiques, « comme les inégalités en matière de santé ou d’accès aux soins », peuvent avoir des répercussions négatives sur le microbiome. Selon eux, trop de maladies sont mises sur le compte d’un déséquilibre de la flore microbienne ; c’est oublier que la pauvreté, la discrimination, la pollution de l’air, le manque d’accès à des aliments sains et d’autres maux sociétaux influencent l’alimentation et le comportement. Tous ces éléments jouent un rôle majeur dans l’apparition de maladies chroniques comme l’obésité et l’asthme, lesquelles touchent de manière disproportionnée les populations défavorisées.

Comment faire progresser l’étude du microbiome ? Fasano et Flaherty répondent à cette question en commençant par présenter les écueils actuels :

« La progression de la recherche pâtit de la focalisation étroite des études individuelles, de la petite taille des échantillons, du manque de standardisation et, surtout, de l’élaboration d’études transversales qui comparent des patients atteints d’une maladie donnée à des sujets en bonne santé. »

Comparer le microbiome des patients, insistent-ils encore une fois, repose sur l’hypothèse que « les sujets sains abritent forcément un microbiome “normal” vers lequel il faudrait tendre pour être en bonne santé. Or il reste très difficile de définir ce qu’est un microbiome “normal” ». Chaque personne développe son microbiome ; ce qui est sain pour elle peut ne pas l’être pour quelqu’un d’autre. Si tel est le cas, alors chercher à traiter des troubles inflammatoires chroniques comme la maladie de Crohn en intervenant sur le microbiome devra se faire de manière individualisée, au cas par cas.

Les études menées sur les patients atteints d’un mélanome et sur les enfants souffrant de malnutrition ont été publiées après la rédaction de Gut Feelings. Et elles sont porteuses d’espoir. Elles montrent que, malgré la redoutable complexité des phénomènes biologiques à l’œuvre, des essais cliniques bien conçus, fondés sur une compréhension même incomplète du microbiome, peuvent déboucher sur des thérapies efficaces contre la maladie. Tous les essais cliniques ne réussiront pas, si bien conçus soient-ils : le progrès de la science repose souvent sur des échecs. Mais les résultats de ces études – vaincre la résistance à un puissant traitement contre le cancer et favoriser la prise de poids chez des enfants souffrant de malnutrition sévère – montrent tout ce que l’on peut gagner à considérer le microbiome comme un allié de notre santé et de notre bien-être. 

— Jerome Groopman est professeur de médecine à la faculté de médecine de Harvard. Il couvre le domaine de la biologie pour The New Yorker depuis 1998. — Cet article a été publié par The New York Review of Books le 21 octobre 2021. Il a été traduit par Frédéric Ogée.

[post_title] => Voyons ce que vous avez dans le ventre ! [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => voyons-ce-que-vous-avez-dans-le-ventre%e2%80%89 [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2022-02-24 08:45:41 [post_modified_gmt] => 2022-02-24 08:45:41 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=116026 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
WP_Post Object
(
    [ID] => 116013
    [post_author] => 48457
    [post_date] => 2022-02-24 08:45:33
    [post_date_gmt] => 2022-02-24 08:45:33
    [post_content] => 

Le 16 avril 2021, Raúl Castro a quitté ses fonctions de Premier secrétaire du Parti communiste cubain. La plupart des commentateurs ont souligné que c’était la première fois depuis soixante ans qu’aucun des principaux postes politiques de l’île n’était occupé par un Castro. Ce départ a marqué l’arrivée d’une nouvelle génération : l’actuel président et premier secrétaire du Parti, Miguel Díaz-Canel Bermúdez, auquel Raúl Castro a confié les rênes du gouvernement en avril 2018, n’était même pas né en 1959, l’année de la révolution. Sous peu, le système fondé par le Mouvement du 26 juillet 1 de Fidel Castro aura survécu à ses fondateurs. Cette longévité, qui a fait mentir les nombreux oiseaux de mauvais augure lui prédisant une fin prochaine, aurait dû battre en brèche la vieille idée selon laquelle le système socialiste cubain n’est qu’une survivance de la guerre froide. Après tout, n’a-t-il pas vécu dans le monde de l’après-1989 plus longtemps que dans celui d’avant ? On persiste néanmoins à considérer Cuba comme le dinosaure d’une ère révolue, sans voir que cet État n’a cessé d’évoluer à son rythme.

L’histoire moderne de l’île est un sujet notoirement clivant où le seul choix des mots exprime des sympathies politiques opposées. Ce que la plupart des Américains appellent « l’embargo » – c’est-à-dire l’arrêt total du commerce entre les États-Unis et Cuba imposé en 1962 et plusieurs fois renouvelé –, les Cubains l’appellent el bloqueo, « le blocus ». Le premier terme renvoie à des restrictions commerciales, le second implique une guerre économique totale. Idem avec le mot « révolution » : il désigne soit un événement unique survenu en 1959, soit, pour les partisans du modèle cubain, un processus toujours en cours. Selon le point de vue, les visions de Cuba semblent relever d’univers parallèles.

Le livre « Les Cubains » 2 présente les histoires d’un échantillon d’habitants de Guanabacoa, une ville située de l’autre côté de la baie de La Havane. Anthony DePalma, ancien correspondant du New York Times, y décrit ce que plusieurs de ses interlocuteurs considèrent comme des acquis de la révolution, sans cacher les frustrations et les déceptions de leur vie d’aujourd’hui. Il met notamment en scène Caridad Ewen, une Afro-Cubaine originaire d’une région rurale et pauvre de l’est de l’île, devenue vice-ministre du Commerce ; son fils Oscar Matienzo, qui appartient à la nouvelle génération d’hommes d’affaires cubains ; Arturo Montoto, peintre dissident naguère exilé mais revenu à Cuba pour sa lumière extraordinaire ; et Jorge García, critique implacable du régime depuis que les garde-côtes cubains ont coulé le bateau qui emmenait deux de ses enfants aux États-Unis. L’émigration, vers la Floride en particulier, est centrale dans les histoires de DePalma, comme pour toutes les familles cubaines. « Les Cubains » repose sur de nombreuses heures d’entretiens et des années de recherche. Ce n’est ni exactement du journalisme, ni de l’histoire orale : l’auteur adopte le point de vue omniscient propre aux romans écrits à la troisième personne et s’immisce souvent dans la tête de ses personnages. On ne sait pas toujours à qui attribuer les pensées et les opinions exprimées. Tel ou tel de ses interlocuteurs reste fidèle à la révolution, mais l’histoire que DePalma choisit de raconter est surtout celle des illusions perdues. Ce désenchantement remonte pour l’essentiel aux privations des années 1990, époque que les autorités cubaines ont baptisée « période spéciale ». La perestroïka et l’effondrement de l’URSS avaient alors privé Cuba de sa principale source de revenus : les Soviétiques achetaient son sucre (qui constituait 80 % des exportations de l’île) trois fois le prix du marché. Pénuries et rationnement s’ensuivirent. Les États-Unis donnèrent un tour de vis supplémentaire en renforçant l’embargo par le Cuban Democracy Actde 1992 et la loi Helms-Burton de 1996 3. Les pharmacies n’étaient plus à même de fournir les médicaments essentiels ; la faim et la malnutrition se généralisèrent. On recyclait ou on transformait le moindre déchet : on faisait des repas à partir d’écorces de pamplemousse frites ou de peaux de banane. Aujourd’hui encore, les Cubains emploient sans cesse les mots luchar, « lutter », et resolver, « résoudre un problème ».

D’après DePalma, c’est la débrouillardise des Cubains ordinaires qui a permis au système de subsister. Mais cette débrouillardise a aussi constitué une « faiblesse paralysante » : « Au lieu d’investir la Plaza de la Revolución pour exiger des changements ou de s’allier aux dissidents pour agir sur la triste réalité cubaine, la plupart des Cubains se contentent d’accepter la dernière privation et de s’y adapter. » L’État cubain est implicitement assimilé à un monolithe immuable, analogue à ceux qui ont été renversés en Europe de l’Est en 1989. Si l’hypothèse de l’auteur – un changement de régime réglerait les problèmes de Cuba – est répandue aux États-Unis, il détaille à la fin de l’ouvrage les raisons personnelles qui fondent ce jugement : son épouse est une Cubaine dont la famille s’est exilée peu après la révolution. Mais, en expliquant la survie du modèle cubain par cette seule raison – un régime tyrannique face à une population asservie et passive –, DePalma nous laisse sur notre faim, comme la plupart des récits de la guerre froide qui refusent d’accorder la moindre légitimité à l’État sans même l’avoir étudié. Il affirme sans rougir qu’il a travaillé « sans prendre contact avec aucun représentant du gouvernement ». Il ne se soucie pas de comprendre le fonctionnement réel du système.

Le postulat d’Helen Yaffe est à l’opposé de celui d’Anthony DePalma : au lieu d’insister sur l’antagonisme entre l’État et sa population, elle qualifie leurs rapports d’« extrêmement perméables ». Elle soutient que les citoyens sont directement impliqués dans le système de gouvernance et qu’ils contribuent à l’adapter en dépit des pressions extérieures. Là où DePalma décrit la stagnation et une population soumise, elle voit la participation populaire et une réinvention constante. Son recours aux sources du gouvernement cubain et aux données officielles pourra contrarier certains lecteurs, tout comme son soutien assumé au modèle cubain. Mais son hypothèse directrice est que, à un degré tout à fait unique, les Cubains sont l’État. Pour écrire We Are Cuba! elle a rencontré des hauts fonctionnaires, des diplomates, des travailleurs sociaux, des syndicalistes étudiants, des économistes, des écologues et des immunologues, qu’elle qualifie tous de « personnes “ordinaires” auxquelles le système cubain donne la possibilité d’accomplir des choses extraordinaires ». Elle fournit en outre quantité d’informations en général absentes des autres exposés. Dans un ouvrage
antérieur, Che Guevara: The Eco­nomics of Revolution 4, Helen Yaffe avait abordé certains des questionnements qui préoccupaient le Che et ses camarades : comment concilier croissance et justice sociale ? Comment trouver un juste équilibre entre la planification et l’économie de marché ? Quelles formes de propriété sont compatibles avec une économie socialiste ? Yaffe suggère que ces questions n’ont rien perdu de leur pertinence et expose les diverses solutions adoptées par l’État cubain, ainsi que la façon dont il s’est adapté aux bouleversements économiques et géopolitiques. L’auteure, qui a séjourné un an à Cuba au milieu des années 1990, ne dissimule pas les nombreuses privations subies par la population pendant la « période spéciale ». Elle étaye son propos en citant des chiffres : « Le PIB s’est effondré de 35 % en trois ans, un phénomène d’ordinaire associé à une guerre, une famine ou une catastrophe naturelle. » Le gouvernement a réagi en diminuant de moitié les dépenses militaires tout en augmentant les dépenses de santé et les pensions de retraite. Le prix des biens de première nécessité a été encadré. Mais, les importations se réglant en devises, les finances du pays se sont fatalement détériorées. Pour la plupart des Cubains, les années 1990 ont été catastrophiques : entre 1989 et 1993, les salaires réels ont diminué de moitié ; la consommation des ménages a baissé d’un tiers, ainsi que l’apport calorique moyen. Le désespoir a poussé des milliers de personnes à s’exiler aux États-Unis à bord de radeaux de fortune. En août 1994, le Malecón, la fameuse avenue de La Havane qui longe le front de mer sur près de 10 kilomètres, a été le théâtre de la première grande manifestation antigouvernementale en plus de trois décennies. Cuba était certes parvenue à éviter l’hyperinflation et le chômage massif qui ont accompagné le passage à l’économie de marché dans la plupart des pays d’Europe de l’Est, mais la population ne voyait pas comment la situation aurait pu être pire. Si Yaffe aborde brièvement la grogne populaire, elle ne rend pas réellement compte de l’ampleur ni de l’impact de l’émigration. Entre 1995 et 2015, quelque 650 000 Cubains ont afflué aux États-Unis ; des milliers d’autres ont rallié l’Espagne et différents pays d’Amérique latine. Il s’agit là de chiffres considérables pour une île peuplée de 11 millions d’habitants.

L’économie cubaine s’est redressée au cours de la décennie suivante : entre 2002 et 2007, la croissance du PIB s’est établie à 7 % en moyenne, soit près du double de celle de l’Amérique latine prise dans son ensemble. On en attribue souvent le mérite au soutien apporté par le gouvernement d’Hugo Chávez – comme si l’île avait troqué sa dépendance au régime soviétique contre une dépendance à la révolution bolivarienne. Mais le pétrole vénézuélien ne fournit qu’une partie de l’explication. Durant les années 1990 et 2000, l’économie cubaine s’est transformée en cessant de reposer sur l’industrie sucrière. Produit d’exportation jadis dominant, le sucre ne représentait plus que 12 % des recettes de l’État en 2004. Cuba a trouvé d’autres sources de revenus grâce aux investissements réalisés bien avant la « période spéciale ». La planification à long terme avait posé les bases de la reprise économique.

Toutes les nouvelles sources de revenus n’ont pas profité à l’ensemble de la population. Longtemps méfiant à l’égard du tourisme en raison des inégalités et de l’exploitation qu’il engendre, le gouvernement a malgré tout été contraint de miser massivement sur ce secteur dans les années 1990. En 1994, confrontées au besoin urgent d’augmenter les recettes de l’État, les autorités ont créé un peso convertible en dollars afin d’attirer les devises étrangères. Efficace, cette mesure a aussi scindé l’économie cubaine en deux : le secteur public sinistré payait les salaires et les pensions en monnaie « nationale », tandis que les travailleurs du secteur privé s’enrichissaient en gagnant des pesos convertibles. Les déséquilibres sautaient aux yeux. Des enclaves prospères, hors de portée de la plupart des Cubains, se mirent à fleurir sur une île par ailleurs passablement délabrée. Cependant, d’autres sources de revenus étaient disponibles, grâce à d’anciennes décisions du gouvernement révolutionnaire – notamment celle d’investir massivement dans la médecine. Cuba dispose aujourd’hui d’un système de santé gratuit pour tous, de 8 docteurs pour 1 000 habitants – près de trois fois plus qu’au Royaume-Uni – et de facultés de médecine qui attirent des étudiants du monde entier. Les médecins du pays sont à la fois une source de revenus et un atout diplomatique : durant l’année 2020, on les a dépêchés dans plus de 40 pays sévèrement touchés par le Covid-19. Le secteur des biotechnologies, qui a émergé dans les années 1980, s’est développé rapidement. Rien que pour l’année 2007, les exportations pharmaceutiques ont rapporté 350 millions de dollars – la deuxième source de revenus du pays après le nickel. Des vaccins contre la méningite et l’hépatite B, ainsi qu’un vaccin prometteur contre certaines formes de cancers, comptent parmi les innovations du secteur. Cuba est le seul pays d’Amérique latine à avoir mis au point des vaccins contre le Covid-19. Deux d’entre eux, Soberana 02 et Abdala, sont désormais distribués dans toute l’île ; trois autres en sont aux phases finales des essais cliniques. Le gouvernement a entamé des pourparlers avec plusieurs pays en vue d’une production de masse pour l’exportation. Une fois de plus, Cuba est porteuse d’espoir pour les pays en voie de développement tandis que les nations riches veillent à protéger les brevets des entreprises pharmaceutiques.

Cuba continue de donner la priorité au progrès social à long terme plutôt qu’à la croissance immédiate. En 2017, un plan sur cent ans a été dévoilé pour faire face à l’impact du changement climatique sur l’île. Mais la réflexion à long terme et le court-termisme convergent parfois, comme en 2005-2006, lorsque le réseau électrique cubain a été décentralisé pour améliorer son efficacité énergétique et réduire sa vulnérabilité aux catastrophes naturelles ou au sabotage. Dans le cadre de cette même « révolution énergétique », des dizaines de milliers de travailleurs sociaux ont remplacé plus de 9 millions d’ampoules à incandescence par des ampoules basse consommation au cours d’une campagne de six mois. C’est un bel exemple de l’approche cubaine : se donner des buts ambitieux que l’on atteint à peu de frais grâce à la mobilisation des masses.

Cependant, une question vive demeurait : comment un pays dont l’économie est largement contrôlée par l’État, où les salaires sont bas et la productivité faible, pouvait-il s’en sortir dans un marché mondial hyperconcurrentiel sans renoncer aux acquis égalitaires de la révolution ? À quoi s’en ajoutait une autre : « Quand les pionniers, les socialistes de la première heure, commenceront à disparaître au profit de nouvelles générations de dirigeants, que ferons-nous et comment ? » Telle était la question posée par Fidel Castro en novembre 2005. Quelques mois plus tard, on annonçait sa maladie et le transfert du pouvoir à son frère Raúl, ministre des Forces armées révolutionnaires depuis 1959 et vice-président depuis 1976. Il ne s’agissait pas exactement d’un profond renouvellement. Mais, une fois au pouvoir, Raúl a supervisé une série de réformes qui ont marqué une nouvelle étape dans l’évolution du modèle cubain. Le cœur de ces réformes était un ensemble de 300 « directives » (lineamientos) visant à remodeler la politique sociale et économique. Ébauchées fin 2010, elles ont été amendées après une consultation publique à laquelle des millions de Cubains ont participé. (Anthony DePalma n’y voit qu’un gadget sans intérêt.) Elles annonçaient des changements dans tous les domaines : les coopératives agricoles, le commerce extérieur, le budget de l’éducation, l’octroi de licences dans la restauration, la rémunération des ministres, les conditions de vente des appartements et des voitures. Dans l’ensemble, elles marquaient le passage d’une économie contrôlée par l’État à une société où coexistent secteurs public et privé, planification et économie de marché. Il s’agit d’une transformation majeure. Les rares tentatives de libéralisation recensées, telles les coentreprises à capitaux étrangers, n’étaient auparavant tolérées qu’à titre exceptionnel.

Les lineamientos étaient différents : leur préambule attribuait les difficultés économiques de Cuba au poids excessif du secteur public et prônait l’assouplissement des restrictions imposées aux auto- et petites entreprises. Les processus de libéralisation amorcés en Chine et au Vietnam dans les années 1980 – dans le but de créer une « économie de marché socialiste », ou « d’obédience socialiste » dans le cas du Vietnam – ont souvent été comparés aux réformes cubaines. Certains économistes de l’île interrogés par Yaffe se sont d’ailleurs inquiétés des analogies, en soulignant notamment les inégalités actuelles de la société chinoise et en mettant en garde contre une attention excessive portée à l’économie. Les autorités cubaines semblent partager certaines de ces inquiétudes : après 2016, le rythme des réformes s’est ralenti. L’élection de Trump y a contribué, dans la mesure où l’attitude des États-Unis s’est faite plus hostile. La Maison-Blanche a durci les sanctions et rétabli certaines restrictions sur les voyages et les transferts de fonds à destination de l’île. S’ajoutait à cela un certain malaise devant l’émergence soudaine d’une nouvelle couche d’entrepreneurs, soit l’embryon d’une bourgeoisie. Mais, pour Helen Yaffe, le rythme saccadé des réformes ne traduit aucune hésitation : on doit surtout y voir la volonté de protéger los logros (« les acquis ») de la révolution. Certaines réformes cruciales pouvaient entraîner des effets collatéraux délétères : c’était un véritable exercice d’équilibriste.

En février 2019, après une série de consultations populaires, une nouvelle Constitution a été approuvée par référendum. Elle insiste toujours sur la nature socialiste du régime cubain et sur la primauté du Parti communiste, mais elle comporte des différences significatives avec la version de 1976. Elle lève certains des obstacles juridiques à la mise en œuvre des directives de 2011 et prend également en compte les grandes évolutions de la société. L’article 42 interdit toute discrimination sur la base du sexe, du genre, de l’origine ethnique, de la couleur de peau ou de la religion ; quant à l’article 81, il protège la famille « quelle que soit son organisation ». Il s’agit là d’une version très édulcorée d’un projet d’article qui aurait reconnu le mariage homosexuel : ce projet a été retiré au cours du processus de consultation sous la pression conjointe de la vieille garde du Parti et des Églises catholiques et évangéliques. Ces dernières, qui reçoivent des fonds généreux (non soumis à l’embargo) des États-Unis, sont de plus en plus influentes sur l’île. Mais le changement ne s’arrête pas là : un nouveau Code de la famille est sur le métier, qui pourrait légaliser le mariage des couples de même sexe. La nouvelle Constitution a également réorganisé le système politique. Le pouvoir était naguère entre les mains du Conseil d’État et plus particulièrement de son président – Fidel Castro durant trente-deux ans, puis son frère. Il est désormais exercé conjointement par un président, un Premier ministre et le premier secrétaire du Parti communiste. Actuellement, les fonctions de président et de premier secrétaire du Parti sont occupées par la même personne, Miguel Díaz-Canel, tandis que le poste de Premier ministre est confié à l’ancien ministre du Tourisme, Manuel Marrero Cruz. Le président n’est ni tout-puissant ni inamovible : il ne peut exercer plus de deux mandats de cinq ans et doit avoir moins de 60 ans lors de son arrivée au pouvoir. Le renouvellement des générations fait désormais partie intégrante du système.

Mais de nouvelles tensions sont apparues. L’une des premières mesures du président Díaz-Canel, après sa prise de fonctions en 2018, a consisté à approuver le décret 349, qui renforce le contrôle de l’État sur les arts. Les artistes du pays ont aussitôt protesté contre cet « instrument de censure ». Leur campagne a débouché sur la formation du Mouvement San Isidro, un collectif d’artistes qui a fédéré la contestation populaire, en particulier lors d’une manifestation en novembre 2020, la première depuis le Maleconazo de 1994. Les anticastristes chevronnés s’y sont ralliés, ce qui a permis au gouvernement de prétendre que les événements avaient été orchestrés par Washington. Mais beaucoup d’autres citoyens se sont associés à la contestation (dont des rappeurs suivis par de nombreux abonnés sur la Toile). Cette convergence hétéroclite est sûrement éphémère, mais elle traduit un profond mécontentement.

La pandémie a porté un rude coup à l’économie. Le système de santé cubain est certes parvenu à limiter le nombre de contagions et de décès – moins de 13 000 cas ont été recensés pour l’ensemble de l’année 2020 –, mais le tourisme a baissé de 90 % sur l’année. La décision de l’administration Trump d’interdire les transferts de fonds vers l’île a en outre privé nombre de familles cubaines d’une ressource vitale et encore aggravé une situation économique déjà catastrophique. Au beau milieu de cette crise, le gouvernement cubain a lancé une vaste série de réformes économiques et monétaires. Depuis longtemps promises mais plusieurs fois différées, elles sont entrées en vigueur le 1er janvier 2021, le « jour zéro ». Jusqu’alors, il existait une différence notable entre le peso convertible (CUC) et le peso cubain (CUP) : le premier était aligné sur le dollar américain – 1 peso convertible égale 1 dollar – mais valait 24 pesos cubains. Il en résulte que le secteur convertible était largement surévalué, les exportations pénalisées et le secteur public cantonné aux faibles revenus et à une productivité médiocre. Pendant ce temps, le gouvernement devait payer les biens importés – dont les denrées alimentaires, qui s’y taillent la part du lion – à leur prix sur le marché international, puis les subventionner, dans la mesure où aucun salarié rémunéré en pesos cubains n’aurait pu se les acheter. Tout cela exerce une forte pression sur l’économie cubaine depuis des années ; l’unification des monnaies était déjà l’un des objectifs définis par les directives de 2011. Mais les effets redoublés des sanctions états-uniennes ajoutés à ceux de la pandémie ont rendu cette mesure urgente. Sans envois de fonds ni touristes, le flux de devises s’est trouvé drastiquement réduit, et le gouvernement dépourvu de marge de manœuvre budgétaire. En 2020, le PIB a chuté de 11 % et les pénuries qui affectaient déjà presque toute l’île se sont aggravées. Si la conjoncture avait été meilleure, on aurait pu imaginer unifier graduellement les deux monnaies via des dévaluations périodiques. Mais la crise a poussé le gouvernement à abandonner complètement le CUC et à le remplacer par une monnaie unique au cours officiel de 24 pesos pour 1 dollar. La demande de dollars a explosé après l’annonce de la réforme, et l’on a vu sa valeur grimper en flèche – 1 dollar valait jusqu’à 2 CUC au marché noir.

Pour couronner le tout, les cas de Covid-19 se sont mis à augmenter début 2021. Au 15 juin, le nombre total de contaminations enregistrées sur l’île dépassait 160 000, dont la moitié environ à La Havane, avec plus de 1 100 décès – soit quelque 1 400 cas et 10 décès pour 100 000 habitants. Ces chiffres sont sensiblement plus élevés qu’en 2020. Cependant, ils restent meilleurs que ceux des voisins caribéens de Cuba : en Jamaïque et en République dominicaine, le taux de mortalité lié au Covid est presque quatre fois supérieur ; à Porto Rico, il est huit fois plus élevé. Et les chiffres cubains soutiennent aisément la comparaison avec ceux de nombreux pays bien plus riches : songeons aux 188 morts pour 100 000 habitants du Royaume-Uni – près de vingt fois le taux cubain. Les vaccins développés sur l’île devraient faire baisser rapidement le nombre de cas, mais la situation économique reste peu engageante. Le président Biden ne s’est jusqu’ici guère écarté de la politique de son prédécesseur vis-à-vis de Cuba : il ne paraît pas désireux de revenir au « dégel » de l’époque Obama. Les sanctions vont probablement perdurer.

La manière dont Cuba abordera l’avenir dépend des facultés d’adaptation de son système particulier. Ainsi, les réformes du « jour zéro » tiennent à la fois de l’improvisation et d’un pari à long terme sur la croissance économique. L’unification des monnaies vise à stimuler la production intérieure et les exportations. Les salaires du secteur public, le salaire minimum et les pensions de retraite ont été augmentés pour permettre à la population d’affronter l’inflation et préparer en parallèle la suppression progressive des subventions. Or l’unification des monnaies se met en place avec plus ou moins de bonheur selon le secteur économique. Une partie des fonctionnaires du secteur public va se tourner vers le privé, mais y trouveront-ils tous un emploi ? Le président Díaz-Canel refuse de voir dans ces réformes une « thérapie de choc », mais on peut craindre qu’une nouvelle série d’épreuves n’attende ses compatriotes à mesure que s’instaurera un nouvel équilibre entre planification et économie de marché, fondé sur un modèle hybride inédit (un socialisme de marché version cubaine ?). Les Cubains usent souvent d’une autre formule : « No es fácil » (« ce n’est pas facile »). En général, ils la prononcent d’un air déterminé, en l’accompagnant d’un hochement de tête. 

— Tony Wood est professeur d’études latino-américaines à l’Université de Princeton, dans le New Jersey. — Cet article a été publié par la London Review of Books le 1er juillet 2021. Il a été traduit par Guillaume Villeneuve.

[post_title] => Cuba : les habits neufs de la révolution [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => cuba-les-habits-neufs-de-la-revolution [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2022-02-24 08:45:35 [post_modified_gmt] => 2022-02-24 08:45:35 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=116013 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
WP_Post Object
(
    [ID] => 116212
    [post_author] => 48457
    [post_date] => 2022-02-24 08:45:26
    [post_date_gmt] => 2022-02-24 08:45:26
    [post_content] => 

Dun bras doré, tout contre son sein, elle tient l’enfant potelé. Les yeux baissés sur la petite tête duveteuse qu’elle effleure du menton, elle sourit. Une lumière chaude baigne les deux corps nus. La photographie, en couverture du livre de Lisa Sorgini, exhale la douceur des peintures du Quattrocento, de même que les 34 clichés de cette série intitulée Behind Glass. La photographe y interroge l’expérience de la maternité dans son espace le plus intime, la maison. De quelles émotions est chargé ce temps où la femme est également mère ?

Au premier regard, la réponse s’impose. Une beauté éthérée irradie de chaque image : ces femmes aux corps moelleux, vêtues d’une chemise ou d’un simple slip, protègent, portent, offrent leur sein à la chair de leur chair ; les bambins sont des angelots qui tètent, enlacent, s’élancent sur la pointe de leurs pieds dodus en des gestes gracieux, joueurs, rêveurs. Là, tout n’est que calme et volupté…

Trop calme. Au fil des pages, le doute infuse. Ici, la vie n’est-elle pas en suspens, figée à la façon de ces natures mortes de la Renaissance d’où semble s’être échappée cette tranche de pastèque d’un rouge éclatant ? Et les regards, pourquoi sont-ils si absents, comme perdus dans le vague ? Quant à la volupté, voilà que les tendres étreintes corps contre corps paraissent des corps-à-corps étouffants : un enfant, deux, trois, quatre, cinq parfois se pressent contre leur mère qui les enveloppe de ses grands bras tandis que son visage trahit une expression de lassitude, indicible peut-être. Invisible, pour sûr, s’il n’y avait eu la transparence d’une fenêtre fermée, et de l’autre côté de la fenêtre, postée dans le jardin, la photographe.

Behind Glass. « Derrière la vitre. » La force du travail de Lisa Sorgini sur le lien maternel tient d’abord au détournement du lieu commun de l’art pictural, la fenêtre. De Dürer à Rothko, elle est, avec son cadre, l’instrument par excellence de multiples mises en abyme : du quadrillage (outil de la perspective), du tableau, voire de l’acte créateur qui ouvre sur le monde. Lisa Sorgini, elle, se place dans le monde pour capter l’intimité domestique. Parodie de paparazzi : hors l’éclairage, rien n’est naturel ni pris sur le vif. Les scènes sont construites comme des tableaux où l’on voit poindre, en deçà des strates gracieuses de l’amour maternel, des enfermements enchâssés comme des matriochkas. Les fenêtres closes en sont le symbole ; les regards égarés, le symptôme.

Ces femmes vouées à leurs petits, happées par ce lien nouveau qui les unit, immobiles – nulle frénésie domestique ici, ni changement de couche ni préparation du dîner –, sont coupées du monde bien vivant, arbres, feuillages, nuages, dont les reflets s’agitent à la surface des vitres. Elles sont, qui plus est, cloîtrées, car c’est dans les premières semaines de la pandémie, en mars 2020, que Lisa Sorgini réalise cette série. Sa bourgade de South Golden Beach, à 800 kilomètres de Sydney, vise comme toute l’Australie le « zéro Covid ». Le confinement, le premier d’une longue série, sera des plus sévères : sorties restreintes, isolement social quasi total. Elle a alors 39 ans et un bébé de 7 mois. 

Dans une série précédente intitulée In-Passing, Lisa Sorgini a déjà interrogé le lien maternel, qu’elle-même avait découvert dans des circonstances tragiques : « Au cours de la même année, il y a cinq ans, je suis devenue mère de mon premier enfant, puis j’ai perdu ma mère. Cela a mis en lumière l’intensité de cette relation », expliquait-elle alors dans Time. Elle reprend donc le fil de son questionnement dans le contexte de surcroît de solitude imposé par le confinement. Elle contacte par téléphone, par e-mail ou via les réseaux sociaux une trentaine de jeunes mères. Celles-ci poseront avec leurs chérubins, en petite tenue – gage d’intimité –, souriant aux anges derrière la vitre, émouvants tableaux. Behind Glass signifie aussi, dans le langage de l’encadrement, « sous verre ». 

— C. Bn.

[post_title] => Fenêtres avec vue sur mères [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => fenetres-avec-vue-sur-meres [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2022-02-24 08:45:27 [post_modified_gmt] => 2022-02-24 08:45:27 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=116212 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
WP_Post Object
(
    [ID] => 115891
    [post_author] => 48457
    [post_date] => 2022-02-24 08:45:17
    [post_date_gmt] => 2022-02-24 08:45:17
    [post_content] => 

«Les contributeurs sont tenus de ne pas par­ti­ciper à une guerre d’édi­­tion sous peine de blocage », annonçait Wikipédia dans un bandeau rouge coiffant la page consacrée à Éric Zemmour. Ce dernier est un juif d’ascendance arabe ou berbère (berbère, préfère-t-il dire), dont la famille algérienne avait reçu la nationalité française en 1870. Ayant bénéficié, si l’on ose dire, de la colonisation française, ses parents sont partis pour la « métropole » en 1952. Il est donc un produit de l’immigration nord-africaine, qu’il dénonce sur son site officiel (un « podium des titres de séjour délivrés en un an » place en tête le Maroc, suivi de l’Algérie et de la Tunisie).

En 1885, un réfractaire allemand sans le sou arriva à New York. Les États-Unis n’imposaient à l’époque aucune restriction à l’immigration. Il fut enregistré sous le nom de Friedrich Trumpf. Profession : sans. On devine la suite : c’était le grand-père de Donald Trump – lequel, nul ne l’ignore, est aussi viscéralement hostile à l’immigration qu’Éric Zemmour.

On peut rapprocher ce comportement de celui des membres du Parti des Américains natifs, qui, dans les années 1850, militaient contre l’immigration des catholiques allemands et irlandais pour préserver la prééminence des protestants nés sur le sol américain (comme s’ils n’étaient pas eux-mêmes les rejetons d’immigrés venus s’installer sur les terres d’autres « natifs »). Le politologue français Jean-Yves Camus l’a fait remarquer : pour désigner ce type d’attitude, mieux vaudrait employer le mot « nativiste » plutôt que « xénophobe » ou « raciste » 1. Le politologue néerlandais Cas Mudde plaide aussi pour le mot « nativiste », en usage dans le monde anglo-saxon. Il désigne, au-delà d’une réaction venue des « tripes », une conception de l’État selon laquelle celui-ci doit réguler les entrées sur le territoire afin de préserver une identité fondée sur la culture de ceux qui y sont nés (ou dont les parents y sont nés) 2. Autrement dit, ce n’est pas seulement de la xénophobie mais d’abord une forme de nationalisme culturel.

Une illustration récente en a été donnée par une lettre envoyée au Financial Times. Elle portait sur un article publié par Giles Merritt, auteur d’un livre expliquant pourquoi « nous avons besoin de plus d’immigrés ». Merritt faisait valoir que, dans les vingt-cinq prochaines années, l’Europe verra sa force de travail passer de 230 à 207 millions de personnes et que la plupart des études montrent l’importance décisive de l’immigration pour la prospérité des pays d’accueil. Réaction du lecteur : « Cette position n’a rien de neuf, et les riches électeurs occidentaux ont régulièrement fait savoir que ce type de changement démographique (et culturel) ne justifie pas le profit économique escompté […]. Le monde occidental est certes confronté à des défis démographiques – peut-être structurels –, et l’argument économique en faveur de l’immigration a beau être “évident”, nous devons développer des réflexions plus novatrices. Et peut-être, aussi, faire plus d’enfants ! »

L’expérience ayant montré que l’État est impuissant à maîtriser le nombre de naissances 3, il resterait à inventer, pour les natalistes, des solutions « plus novatrices ». Faute de quoi les moins excités d’entre eux devront bien, tôt ou tard, se ranger à l’avis de la grande majorité des historiens et économistes qui soulignent, comme Merritt, la nécessité d’accueillir plus d’immigrés pour assurer la prospérité des « natifs ». Loués chaleureusement par The Economist – qui n’est pas ancré à gauche –, deux autres ouvrages récents plaident en ce sens : celui de Philippe Legrain, un ancien dudit journal qui fut le conseiller en chef de José Manuel Barroso à la Commission européenne, et celui d’Alex Nowrasteh et Benjamin Powell, respectivement du Cato Institute et de la Texas Tech University 4. Eux non plus ne sont pas de gauche. Alex Nowrasteh vient de récidiver avec un autre ouvrage intitulé « Les arguments les plus courants contre l’immigration et pourquoi ils sont faux » 5

— O. P.-V.

[post_title] => Seriez-vous nativiste ? [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => seriez-vous-nativiste%e2%80%89 [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2022-02-24 08:45:18 [post_modified_gmt] => 2022-02-24 08:45:18 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=115891 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
WP_Post Object
(
    [ID] => 115795
    [post_author] => 48457
    [post_date] => 2022-02-24 08:45:10
    [post_date_gmt] => 2022-02-24 08:45:10
    [post_content] => 

On doit au génie de la langue anglaise d’avoir inventé l’expression cancel culture – culture de l’annulation, de l’effacement, de l’oblitération, de l’annihilation… Elle est née, semble-t-il, en 2019 d’une épidémie de messages sur les réseaux sociaux visant à ostraciser des personnes ayant pignon sur rue qui avaient écrit ou tenu des propos jugés soit racistes, soit désobligeants à l’égard de tel ou tel groupe pouvant se considérer comme une victime de la société ou de l’Histoire.

Antérieur à l’expression, le phénomène se traduit par diverses formes d’exclusion entraînant le licenciement ou la démission des personnes visées. Née aux États-Unis, où elle a pris l’ampleur d’une épidémie, la cancel culture est maintenant bien établie au Royaume-Uni et tend à se répandre en France et ailleurs.

Que les sociétés malades désignent des boucs émissaires et, faute de les tuer, les emprisonnent ou les ostracisent pour les gommer du paysage, il n’y a là bien sûr rien de neuf. C’est une caractéristique des régimes autoritaires, et les démocraties ne sont pas en reste. Athènes, la première d’entre elles, a condamné Socrate parce que ses idées étaient jugées dérangeantes. Et comment peut-on oublier la « chasse aux sorcières » du maccarthysme ? Même lorsque la liberté d’expression est reconnue, protégée et encadrée par la loi, les individus dont la pensée s’écarte des flux dominants sont souvent marginalisés, au point qu’on ne découvre parfois leur originalité que longtemps après leur mort. Des institutions entières développent une culture d’exclusivité, écartant d’emblée le risque d’accueillir des voix dissidentes.

En quoi la cancel culture serait-elle alors un phénomène inédit ? On en impute la nouveauté aux facilités d’expression offertes par les réseaux sociaux. Mais, dans son roman La Tache, Philip Roth exploitait déjà le cas d’un professeur de la prestigieuse université Princeton, un sociologue spécialiste des relations interraciales, qui fut l’objet d’une « investigation » diligentée par son employeur en raison d’un mot jugé, à tort, déplacé. C’était en 1985, avant le Web et Twitter.

La nouveauté tient à la conjonction de deux facteurs : la vitesse avec laquelle le virus s’est propagé (ce qu’en effet les réseaux sociaux favorisent) et la facilité avec laquelle il a contaminé les institutions les plus prestigieuses – universités d’élite, grands journaux, sociétés savantes, musées, célèbres maisons d’édition, agences littéraires, etc. Lorsqu’un collaborateur se voit pris dans la tourmente d’accusations visant à l’ostraciser, il est désormais courant de céder à la pression.

Une telle veulerie institutionnelle ne serait pas possible si le mouvement de la cancel culture ne coïncidait pas avec l’émergence d’un courant à vocation dominante, sinon hégémonique. Trois exemples tout récents. En Angleterre, l’université de Northampton alerte désormais ses étudiants sur le fait que le roman 1984 d’Orwell contient des « passages explicites » qu’ils pourraient juger « offensants et dérangeants ». Le Parlement écossais a voté en mars 2021 une « loi sur le crime de haine » (Hate Crime Act) qui introduit une peine allant jusqu’à sept ans de prison pour des propos considérés comme insultants, même s’ils sont tenus à domicile. En octobre, la Commission européenne a publié un document en anglais de 32 pages – retiré depuis – invitant ses agents à respecter les normes de la « communication inclusive » : des mots comme workman (car exclusivement masculin) ou Christmas (car chrétien) se voyaient rayés du vocabulaire,  « cancellés », comme on disait autrefois en français.

En dépit, ou peut-être en raison, de la formidable élévation du niveau d’instruction, la sottise collective est-elle en progrès ?  

Olivier Postel-Vinay

[post_title] => Le mot de trop [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => le-mot-de-trop [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2022-02-24 08:45:10 [post_modified_gmt] => 2022-02-24 08:45:10 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=115795 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
WP_Post Object
(
    [ID] => 116498
    [post_author] => 51175
    [post_date] => 2022-02-24 08:44:34
    [post_date_gmt] => 2022-02-24 08:44:34
    [post_content] => 

Pour nous, Français, l’épopée des Hohenzollern, cette dynastie qui a fait de la Prusse une grande puissance, s’achève brutalement en 1918 : face à la défaite et à la révolution qu’elle entraîne, l’empereur Guillaume II abdique et fuit avec sa famille aux Pays-Bas. Fin de l’histoire, vraiment ? En réalité, les Hohenzollern, s’ils ont perdu leur trône depuis un siècle, continuent d’exercer en Allemagne une influence non négligeable. Ils persistent toujours à réclamer une indemnisation pour les biens expropriés par les Soviétiques en 1945 : argent, tableaux, châteaux. Une loi de 1994 leur en donne le droit, à la seule condition de ne pas avoir soutenu le régime nazi. Or l’attitude des Hohenzollern en la matière n’a rien de bien glorieux, comme le narre l’historien Stephan Malinowski.
Ce dernier fait partie des quelques experts à qui avait été demandé dans les années 2010 d’évaluer le degré d’implication de l’ex-prince héritier Guillaume de Prusse avec les nazis. Contrai­rement à certains de ses collègues qui le dédouanaient, voire lui prêtaient un rôle de résistance active, lui insistait sur sa contribution déterminante dans l’ascension du Führer. Son livre, paru à l’automne outre-Rhin et qui est vite apparu dans les listes des meilleures ventes, « développe et met en perspective ses conclusions de 2014 », note Lothar Müller dans la Süddeutsche Zeitung. Au centre de l’ouvrage, et en dépit du titre, on ne trouve pas « la collaboration avec les nazis, mais ses racines, l’antirépublicanisme des Hohenzollern, plus ancien que l’appel du prince héritier à soutenir Hitler en 1932, plus ancien que l’adhésion de son frère au NSDAP et au SA [le parti nazi et sa formation paramilitaire], plus ancien que le soutien de son épouse à l’État nazi ». Jamais la dynastie déchue ne fit la paix avec le nouveau régime démocratique. Même après que Gustav Stresemann eut permis le retour de l’ex-prince héritier en Allemagne, en 1923, on ne désarma pas. Et l’on bafoua allègrement la condition à ce retour : ne pas se mêler de politique.
Peu importe pour Malinowski que l’ex-prince héritier n’ait été qu’un coureur de jupons faisant les choux gras de la presse. En vertu de son statut d’ex-prince héritier, il disposait d’un charisme s’exerçant encore sur des millions d’Allemands, et donc d’une responsabilité. L’historien Christopher Clark avait lui aussi réalisé une expertise en 2011 sur ces questions et conclu que l’ex-prince héritier n’était qu’une figure secondaire, trop méprisée pour avoir eu une influence déterminante. Dans Die Zeit, il avoue que l’ouvrage de Malinowski l’incite à réviser sa vision des événements. 

[post_title] => Toujours coupables [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => toujours-coupables [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2022-02-24 08:44:35 [post_modified_gmt] => 2022-02-24 08:44:35 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=116498 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
WP_Post Object
(
    [ID] => 116494
    [post_author] => 51175
    [post_date] => 2022-02-24 08:44:28
    [post_date_gmt] => 2022-02-24 08:44:28
    [post_content] => 

Dans ce roman clairement autobiographique, Linn Ullmann évoque une relation ambiguë entre Karin, mannequin norvégienne de 16 ans, et un photographe de mode américain, de trente ans son aîné. Une relation dont on devine qu’elle n’a pas toujours été consentie par la jeune fille. Que s’est-il vraiment passé entre eux en cette année 1983 ? « Ce livre de souvenirs est exceptionnel, brutal et sans pitié. À l’égard des hommes mûrs qui salivent sur des adolescentes comme sur des morceaux de viande. Mais aussi à l’égard de la narratrice, d’autant qu’Ullmann ne fait rien pour cacher qu’il s’agit d’elle », explique Dagbladet. Ladite narratrice dialogue avec celle qu’elle était dans son adolescence, fait des allers-retours dans le temps, pense à sa propre fille de 16 ans, essaie de se projeter en elle pour revivre ce qu’elle a vécu. « Le texte fonctionne comme la mémoire, par fragments et dans le désordre », avance Verdens Gang, conquis par la forme et le fond, à l’instar des autres journaux d’Oslo. Certains d’entre eux dressent un parallèle avec Le Consentement de Vanessa Springora, traduit en norvégien, même si Ullmann, elle, ne révèle pas l’identité de l’homme. « Mais, note Aftenposten, les deux auteures décrivent comment elles ont passé des années à tenter de se réconcilier avec les adolescentes honteuses et précoces qu’elles avaient été. » 

[post_title] => Une ado sous emprise [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => une-ado-sous-emprise [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2022-02-24 08:44:29 [post_modified_gmt] => 2022-02-24 08:44:29 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=116494 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
WP_Post Object
(
    [ID] => 116486
    [post_author] => 51175
    [post_date] => 2022-02-24 08:44:20
    [post_date_gmt] => 2022-02-24 08:44:20
    [post_content] => 

Josef Koudelka a commencé à tenir un journal à 23 ans, en 1961. Son pays, la Tchécoslovaquie, était aux mains des communistes. Il commençait une carrière d’ingénieur en aéronautique et allait bientôt se lancer à la rencontre des Gitans de Slovaquie et de Roumanie, sujets de sa première grande œuvre photographique. Depuis, il a délaissé les avions, acquis une réputation mondiale grâce à ses clichés réalisés en 1968 dans les rues de Prague face aux mitrailleuses des chars, connu la consécration en entrant à l’agence Magnum mais aussi la douleur de l’exil, tout comme le bonheur de renouer avec la liberté. Au fil des années, il a noirci 68 cahiers, publiés l’an dernier sous le titre « Journaux » et qui connaissent toujours un grand succès dans les librairies tchèques.
« Ces journaux sont une excellente source d’informations non seu­lement sur la vie, les amitiés, les amours et le travail de Koudelka, mais aussi sur la photographie de la fin des années 1960 à nos jours », détaille Aktualně.cz, avant de relever les passages particulièrement marquants, comme ceux qui décrivent les relations de Koudelka avec son ami Henri Cartier-Bresson – à qui il déclara un jour que ses photos ne l’avaient jamais beaucoup impressionné – ou la transformation de la ville de Prague, selon lui dépouillée d’une partie de son charme par le tourisme.
Le site tchèque relève aussi moult citations qui font de ces journaux un livre incontournable pour ceux qui veulent comprendre la photographie, voire un « trésor », selon l’historien de l’art, photographe et conservateur Tomáš Pospěch, qui vient de passer dix ans à éditer les 68 carnets de Koudelka. « Si j’avais lu ces journaux quand j’avais 20 ans, j’aurais eu une autre approche, j’aurais su éviter les impasses », explique-t-il sur Radio Vltava. Parmi les remarques de Kou­delka : « Où que vous soyez, vous devez toujours avoir un appareil autour du cou et prendre des photos. Dans le métro, le bateau, le train, il y a des gens qui dorment, des scènes d’adieux… TOUT. » « Quand vous regardez vos photos et que vous les jugez, vous devez vous débarrasser des émotions que vous avez éprouvées lorsque vous les avez prises. » Ou encore : « Une bonne photo est un miracle. Et les miracles sont rares. »
Exilé sur les routes d’Europe pendant près d’un demi-siècle, Koudelka a recherché sans relâche ce miracle, la bonne photo, « celle qui pénètre dans votre cerveau, que vous n’oubliez pas et qui s’améliore avec le temps ». Il l’a d’abord traquée sur les visages, puis, depuis les années 1980, dans les paysages. « Ses journaux peuvent aussi être lus comme l’histoire d’un exilé qui cherche sa place dans un environnement étranger et refuse de sacrifier la seule chose qu’il a gagnée en perdant son pays natal, à savoir sa propre liberté », écrit Aktualně.cz. Et, même quand il obtiendra la citoyenneté française en 1987, Koudelka, 84 ans aujourd’hui, n’abandonnera ni son sac de couchage, ni ses chaussures de marche, son seul vrai foyer se trouvant finalement en lui-même, comme il l’écrit dans son journal.

[post_title] => Vagabonder avec Koudelka [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => vagabonder-avec-koudelka [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2022-02-24 08:44:21 [post_modified_gmt] => 2022-02-24 08:44:21 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=116486 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
WP_Post Object
(
    [ID] => 116482
    [post_author] => 51175
    [post_date] => 2022-02-24 08:44:09
    [post_date_gmt] => 2022-02-24 08:44:09
    [post_content] => 

« La vie est une invention perverse, mal conçue et encore plus mal exécutée », se lamente Toni, héros de Los vencejos. Et pour cause : à 54 ans, Toni est un professeur de philosophie atterré par la médiocrité de ses élèves, quitté par sa femme et déçu par son idiot de fils, Nicolás, qui s’est fait tatouer une croix gammée sur le bras. Quand son meilleur ami lui annonce qu’il votera pour l’extrême droite aux prochaines élections, la coupe est pleine : il décide de mettre fin à ses jours dans exactement un an. D’ici là, il tient un journal dans lequel il consigne ses souvenirs et égratigne ses contemporains. Telle est l’intrigue du dernier roman de Fernando Aramburu, qui fait son grand retour cinq ans après le triomphe de Patria (écoulé à 1,5 million d’exemplaires et traduit en 34 langues). Loin d’être inhibé par son précédent succès, « Aramburu n’a pas froid aux yeux et ne se soucie guère du politiquement correct », jubile La Voz de Galicia. En effet, renchérit El País, le roman évoque sans complaisance les « tribulations sociales et politiques espagnoles : le renversement du gouvernement Rajoy, les clameurs du mouvement des Indignés, le procès des indépendantistes catalans ». Si certains critiques pointent quelques longueurs (700 pages !), d’autres ne boudent pas leur plaisir : « Quand de nombreux romanciers se contentent de nous donner si peu, Aramburu fait une fois de plus un pari audacieux », souligne InfoLibre

[post_title] => Fin de partie [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => fin-de-partie [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2022-02-24 08:44:10 [post_modified_gmt] => 2022-02-24 08:44:10 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=116482 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
WP_Post Object
(
    [ID] => 116477
    [post_author] => 51175
    [post_date] => 2022-02-24 08:44:01
    [post_date_gmt] => 2022-02-24 08:44:01
    [post_content] => 

L’année 2021 restera associée dans les esprits à la pandémie de Covid-19 et son cortège de restrictions. Cette atmosphère anxiogène semble avoir conduit les Italiens à rechercher une forme d’évasion dans leurs lectures, et notamment dans les histoires de réussite hors norme. La première et la dernière position de la liste des best-sellers de l’année écoulée, publiée par le quotidien Corriere della Sera, reviennent aux deux opus de la saga historique de Stefania Auci consacrée à la famille Florio, à l’origine d’un véritable empire industriel en Sicile entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle. Les Lions de Sicile est sorti en 2019 – quelque 700 000 exemplaires écoulés, des droits de traduction vendus dans plus de 30 pays –, et en mai dernier paraissait sa suite, « L’hiver des lions ».
Autre succès phénoménal en Italie, les romans de la Française Valérie Perrin [Books en a fait écho dans son numéro 117], en deuxième et en cinquième position sur la liste. Changer l’eau des fleurs, qui narre l’histoire de Violette Toussaint, garde-cimetière en Bourgogne, a été le livre le plus vendu en Italie en 2020.
D’autres titres de genres différents ont été plébiscités à l’international. D’une part, une plongée dans la mythologie grecque avec Le Chant d’Achille. Paru aux États-Unis en 2011, ce premier roman de Madeline Miller, professeure de lettres classiques, décrit la relation amoureuse entre Achille, le héros de L’Iliade, et Patrocle, du point de vue de ce dernier. D’autre part, le premier roman du Japonais Toshikazu Kawaguchi, Tant que le café est encore chaud, histoire aux vertus lénifiantes qui pourraient expliquer son succès : dans un café de Tokyo, il est possible de voyager dans le passé… ce qui permet de mieux savourer le présent. De son côté, Ken Follett fait mouche avec Pour rien au monde, un thriller géopolitique sur fond de menace de troisième guerre mondiale, où l’on trouve pêle-mêle des enjeux diplomatiques, de l’espionnage, du terrorisme, du commerce d’armes.
Le seul titre de non-fiction est Il sistema, livre d’entretiens entre le journaliste Alessandro Sallusti et Luca Palamara, membre radié du Conseil supérieur de la magistrature, poursuivi pour corruption et révélation d’informations internes. L’ancien magistrat y décrit l’univers judiciaire italien comme un système clientéliste, tributaire de ses compromissions avec le monde politique et entrepreneurial. Un pavé dans la mare qui a fait polémique.

[post_title] => Le goût des histoires qui font voyager [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => le-gout-des-histoires-qui-font-voyager [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2022-02-24 08:44:03 [post_modified_gmt] => 2022-02-24 08:44:03 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=116477 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )