WP_Post Object ( [ID] => 101949 [post_author] => 56414 [post_date] => 2021-04-22 12:30:06 [post_date_gmt] => 2021-04-22 12:30:06 [post_content] =>Les linguistes le savent bien : entre la langue écrite et la langue parlée il existe un gouffre, au point qu’on peut parfois se demander s’il s’agit bien du même idiome. L’ouvrage de l’Italien Lorenzo Tomasin le confirme.
Il s’intéresse à une langue très particulière, éminemment orale : celle des marchands de l’Europe romane des xive et xvie siècles. Sa conclusion : autant la littérature a eu tendance à cloisonner les différentes langues nationales, autant le langage des marchands se moque des règles et des frontières. La langue littéraire, résume l’écrivain Nicola Gardini dans le quotidien Il Sole 24 Ore, n’a rien de « spontané, même lorsqu’elle semble l’être. Elle sélectionne et réorganise des éléments choisis selon des critères esthétiques et tend à imposer des normes grammaticales ». À l’inverse, la langue des marchands est ouverte : « Le vocabulaire, les expressions idiomatiques, les fautes même passent d’une langue vernaculaire à une autre, créant un espace composite qui semble ignorer le concept d’identité linguistique, tant au niveau national que sur le plan individuel. » Tomasin en fait la démonstration à travers l’exemple de six personnes de nationalités diverses. L’avantage des marchands est, bien entendu, qu’ils savaient écrire et qu’ils ont laissé des Mémoires, des lettres et des contrats.
« À partir d’un échantillon de ces écrits, Tomasin dévoile le fonctionnement de la contamination verbale, explique Gardini. Il passe de la situation spécifique de chacun à l’examen d’idées plus générales : la marginalisation progressive du latin, l’exportation du français et de l’italien, le recours aux traductions, l’essor des dictionnaires. »
[post_title] => La langue des marchands [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => la-langue-des-marchands [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2021-05-07 09:02:01 [post_modified_gmt] => 2021-05-07 09:02:01 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=101949 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
WP_Post Object ( [ID] => 101946 [post_author] => 56414 [post_date] => 2021-04-22 12:29:19 [post_date_gmt] => 2021-04-22 12:29:19 [post_content] =>On l’a oublié : il y a soixante ans, un Premier ministre turc, élu démocratiquement, fut exécuté sur l'ordre des militaires qui avaient pris le pouvoir.
L’avocat Adnan Menderes avait remporté la victoire lors des premières élections libres jamais organisées dans son pays, renversant le régime mis en place depuis la chute de l’Empire ottoman par Atatürk et ses successeurs. Il avait à la fois rouvert les mosquées et instauré une démocratie libérale, assurant l’essor de l’économie et faisant de la Turquie un membre de l’Otan. Mais lorsqu’il fut élu pour un second mandat, il céda aux sirènes de l’autoritarisme. Les journalistes remplirent les prisons et la communauté grecque fut victime d’un pogrom. Recep Tayyip Erdogan, qui a lui-même évité de justesse un coup d’État militaire en 2016, s’y réfère comme l’un de ses dignes prédécesseurs, rappelle The Economist.
Un musée à sa gloire a été ouvert à Yassiada, petite île de la mer de Marmara où il fut pendu. Elle a été rebaptisée « L’île de la démocratie et des libertés ».
[post_title] => Un modèle pour Erdogan [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => un-modele-pour-erdogan [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2021-05-07 09:01:33 [post_modified_gmt] => 2021-05-07 09:01:33 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=101946 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
WP_Post Object ( [ID] => 101943 [post_author] => 56414 [post_date] => 2021-04-22 12:28:13 [post_date_gmt] => 2021-04-22 12:28:13 [post_content] =>Après quelques ouvrages de non-fiction qui ont fait grand bruit en Suède, c’est au tour d’un roman de jeter un regard empathique sur les Sámis, cette minorité autochtone installée en majorité dans le nord du royaume et dans les pays voisins.
Un jour, Elsa, une fillette de 9 ans, voit un inconnu égorger un renne dans l’élevage de ses parents. Il menace de la tuer si elle parle. Elle n’ose donc rien dire, malgré d’autres incidents du genre. De toute façon, son père affirme que la police n’accorde que très peu d’attention aux violences diverses visant depuis des générations ceux qu’on appelait naguère les Lapons, terme désormais jugé péjoratif. Ann-Helén Laestadius, connue pour ses récits pour enfants, suit le personnage d’Elsa jusqu’à ses 20 ans.
Salué par la critique, Stöld évoque « la grande menace qui pèse sur les derniers Sámis éleveurs de rennes du fait des changements climatiques rapides et de l’expansion des industries minière et forestière », pointe le quotidien suédois Aftonbladet. Dans une prose « retenue et parfois poétique », ajoute Expressen, Laestadius « décrit la nature, les contradictions et la magie d’un territoire qui a longtemps été sous-représenté dans la littérature suédoise ».
[post_title] => Les derniers Sámis [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => les-derniers-samis [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2021-05-07 09:01:09 [post_modified_gmt] => 2021-05-07 09:01:09 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=101943 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
WP_Post Object ( [ID] => 101940 [post_author] => 56414 [post_date] => 2021-04-22 12:27:15 [post_date_gmt] => 2021-04-22 12:27:15 [post_content] =>Un livre de philosophie sur le sexe ? Dans Die Zeit, Maja Beckers s’en alarme. Ne doit-on pas redouter qu’il verse dans le « mysticisme » ou, à l’inverse, dans une froide et « convulsive objectivité » ? Heureusement, dans son Sexkultur, Bettina Stangneth parvient à « contourner ces deux écueils ».
Un avis confirmé par Andrea Diener dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung : « L’auteure propose une réflexion de fond, mais le fait dans une langue compréhensible et non dénuée d’humour. » L’Europe, rappelle-t-elle, a hérité d’une tradition qui la distingue du reste du monde : en séparant nettement le corps de l’esprit, elle a cantonné le sexe au domaine de la « nature ». Résultat, au lieu de faire partie intégrante de la « culture », le sexe s’oppose à elle. Le plus étonnant est que la libération sexuelle des dernières décennies n’a pas gommé ce clivage.
« Même si, aujourd’hui, il est explicitement recommandé d’avoir une vie sexuelle épanouie, ce n’est pas parce que cela fait du bien, mais parce que cela réduit le stress, parce que les orgasmes sont bons pour la santé, parce que cela brûle des calories. Ainsi, notre culture, tout en se prétendant décomplexée par rapport au sexe, n’ose pas en faire une fin en soi, mais seulement un moyen. Elle continue de regarder au-delà de la matière elle-même », commente Beckers.
[post_title] => Bien penser le sexe [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => bien-penser-le-sexe [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2021-05-07 09:00:41 [post_modified_gmt] => 2021-05-07 09:00:41 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=101940 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
WP_Post Object ( [ID] => 101937 [post_author] => 56414 [post_date] => 2021-04-22 12:26:19 [post_date_gmt] => 2021-04-22 12:26:19 [post_content] =>L’arme biologique létale découverte le plus récemment est la poignée de main. Un centimètre carré de peau manuelle contient quelque 70 millions de bactéries. Sans compter les virus : celui du rhume peut survivre jusqu’à trois heures sur la paume d’une main. C’est donc un livre d’une actualité brûlante qu’a écrit Ella Al-Shamahi.
Mais en tant que paléoanthropologue, elle s’intéresse plus encore à l’histoire longue de cette étrange coutume. Celle-ci ne remonte pas au Moyen Âge européen comme on l’a cru (serrer la main de l’autre permet de s’assurer qu’il ne tient pas un couteau), mais au moins à la Mésopotamie : Al-Shamahi a débusqué au musée de Bagdad un bas-relief du ixe millénaire avant notre ère qui l’évoque d'une manière irrésistible. Et l’on en trouve des allusions chez Homère. Comme la coutume n’existe pas en Asie, on peut en conclure qu’elle est typiquement indo-européenne. Témoin la célèbre poignée de main entre Donald Trump et Emmanuel Macron : vingt-neuf secondes au compteur. Hélas, ces temps sont révolus. Faut-il souhaiter qu’ils reviennent ? Il nous faudra arbitrer entre bénéfices émotionnels et arme de destruction massive, suggère Stephen Bayley dans The Spectator.
[post_title] => Je vous en serre cinq [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => je-vous-en-serre-cinq [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2021-05-07 08:59:53 [post_modified_gmt] => 2021-05-07 08:59:53 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=101937 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
WP_Post Object ( [ID] => 101934 [post_author] => 56414 [post_date] => 2021-04-22 12:25:32 [post_date_gmt] => 2021-04-22 12:25:32 [post_content] =>La Chine a-t-elle définitivement renoncé à s’engager sur la voie de la démocratie ? En dépit des apparences, les dés ne sont pas jetés, estime Jiwei Ci, professeur de philosophie à l’Université de Hongkong. Il est l’une des rares « voix chinoises » à continuer d’exprimer un espoir en ce sens, note Barbara Demick dans The New York Review of Books. « Devenue la deuxième économie du monde et n’ayant plus rien de rouge bien qu’elle reste dirigée par un parti nominalement communiste, la Chine, écrit Jiwei Ci, doit faire évoluer sa puissance incontestable de manière à susciter l’admiration et l’allégeance. Elle doit parvenir à fédérer grâce à ses valeurs culturelles et morales au lieu de s’imposer par la force et les gratifications matérielles. C’est aussi vrai de ses relations avec Hongkong que de son image sur la scène internationale. »
Pour Jiwei Ci, le système politique chinois est ossifié. Il a perdu sa légitimité historique et doit s’adapter s’il veut survivre. « Seule la démocratie peut aider la Chine à éviter une crise de légitimité paralysante. » La « crise qui vient » est rendue inéluctable par la baisse tendancielle du taux de croissance.
[post_title] => Chine : la crise qui vient ? [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => chine%e2%80%89-la-crise-qui-vient%e2%80%89 [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2021-05-07 08:59:27 [post_modified_gmt] => 2021-05-07 08:59:27 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=101934 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
WP_Post Object ( [ID] => 101931 [post_author] => 56414 [post_date] => 2021-04-22 12:24:36 [post_date_gmt] => 2021-04-22 12:24:36 [post_content] =>Encore une biographie de Leopold Tyrmand ! En Pologne, on ne compte plus les livres consacrés à cet écrivain, icône de la jeunesse rebelle des années 1950, né à Varsovie en 1920 et mort en 1985 aux États-Unis. Et pourtant, « on ne s’en lasse pas », se réjouit la romancière Sylwia Chutnik à propos de la sortie de Tyrmand. Pisarz o białych oczach. Surtout que l’auteur du livre, Marcel Woźniak, 37 ans, est le spécialiste en chef de ce grand promoteur du jazz, ami de Gombrowicz, qui interviewa Picasso, skia avec Jean-Paul II et inventa le premier super-héros polonais – un homme aux yeux blancs qui lutte contre le crime organisé pour défendre les plus faibles (ce roman est devenu culte en Pologne dès sa sortie en 1955). « Woźniak vit pour Tyrmand depuis l’université », lit-on dans l’édition polonaise de Vogue.
Pour le quotidien Gazeta Wyborcza, le « médium » Woźniak est même capable de converser avec l’esprit de l’écrivain, « parvenant à ramener son monde à la vie ». Le biographe chronique ses années d’étudiant à Paris, son passage par les geôles communistes et nazies, le service du travail obligatoire en Allemagne – où il se retrouva volontairement sous une fausse identité –, son exil aux États-Unis… Une vie de James Bond beatnik qui fit de Tyrmand, comme l’écrit Gazeta Wyborcza, « un paon dans la grisaille polonaise des années 1950 ».
[post_title] => Une icône polonaise [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => une-icone-polonaise [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2021-05-07 08:59:01 [post_modified_gmt] => 2021-05-07 08:59:01 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=101931 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
WP_Post Object ( [ID] => 101928 [post_author] => 56414 [post_date] => 2021-04-22 12:23:22 [post_date_gmt] => 2021-04-22 12:23:22 [post_content] =>No es un río, le roman de l’Argentine Selva Almada, vient clore un cycle commencé une dizaine d’années plus tôt par Après l’orage (Métailié, 2014) et poursuivi avec Sous la grande roue (Métailié, 2019). Si les intrigues ne se suivent pas d’un livre à l’autre, chaque volet du triptyque explore une facette de l’univers masculin.
Dans ce dernier opus, la romancière dépeint le quotidien d’un petit village du littoral argentin – quotidien rythmé par les parties de pêche, les bières bues entre hommes à l’ombre des toits de tôle et les rivalités qui se règlent parfois dans le sang. « L’univers de Selva Almada combine deux traditions littéraires à première vue inconciliables : la poétique du littoral et le gothique latino-américain, pointe Verónica Boix dans le quotidien argentin La Nación. Les phrases sont courtes, les images, précises et les descriptions, tirées au cordeau. » Quant à Milena Heinrich, de l’agence de presse Télam, elle voit dans No es un río « un texte épuré qui fait la part belle aux paysages ».
Le roman bascule lorsque trois protagonistes partent pêcher aux abords d’une île située à quelques encablures du village. Après avoir ferré une raie géante, ils l’abattent d’un coup de pistolet et la rejettent à l’eau, ce qui ne plaît guère aux insulaires. Écrit dans le sillage de « Ni una menos », ce mouvement féministe qui secoue l’Argentine depuis 2015, No es un río donne à voir un monde d’hommes où la violence est omniprésente. Comme le souligne Patricia Kolesnicov dans le quotidien Clarín, la région décrite par Selva Almada – celle des villages côtiers éloignés des grands axes – est sous-représentée au sein de la littérature argentine. Et la critique de saluer « un roman contemporain qui n’est pas urbain, écrit dans un espagnol qui n’est pas celui de Buenos Aires ».
[post_title] => Âpres rivages argentins [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => apres-rivages-argentins [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2021-05-07 08:58:19 [post_modified_gmt] => 2021-05-07 08:58:19 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=101928 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
WP_Post Object ( [ID] => 101925 [post_author] => 56414 [post_date] => 2021-04-22 12:22:17 [post_date_gmt] => 2021-04-22 12:22:17 [post_content] =>L’un des paradoxes de la science économique est que les prévisions à long terme ont plus de chance de se réaliser que celles à court ou moyen terme. Comme le montre la pandémie actuelle – ou des événements comme le choc pétrolier de 1974 ou la crise financière de 2008 –, les prévisions à brève échéance volent en éclats à l’arrivée du moindre « cygne noir ».
Il peut en aller autrement des prévisions à long terme, si elles intègrent les tendances lourdes, de caractère structurel, susceptibles de résister aux accrocs de l’Histoire. Ainsi les prévisions faites en 1945 par Jean Fourastié sur l’avènement d’une société dominée par les services [lire « Un optimiste impénitent » p. 20]. C’est à un exercice de ce genre que se livrent deux économistes britanniques : l’octogénaire Charles Goodhart, un ancien de la Banque d'Angleterre, et Manoj Pradhan, qui a été l’un des directeurs de la banque Morgan Stanley. Ils appartiennent à des générations différentes, et ce n’est peut-être pas un hasard car leur livre place les différences de génération au cœur de l’évolution économique. Dans The Great Demographic Reversal, ils s’intéressent aux tendances lourdes de la démographie et en tirent des conclusions précises, dont certains gouvernements pourraient s’inspirer pour mieux vendre leurs projets de réforme des retraites.Voici le raisonnement : l’essor de la Chine de 1990 à 2018 et son intégration dans les échanges mondiaux a amené 240 millions de nouveaux travailleurs sur le marché de l’emploi global, contre « seulement » 60 millions pour l'ensemble des États-Unis et de l'Europe. Dans le même temps, on a assisté à l’effondrement de l’URSS, ce qui a permis aux travailleurs des pays de l’Est d’accéder à l’économie mondiale. Dans beaucoup de pays développés les « baby-boomeurs » de l’après-guerre ont continué à gonfler le marché du travail, lequel a été aussi alimenté par une fraction croissante de la population féminine.
Il en est résulté un déclin du pouvoir de négociation des travailleurs. La situation des moins qualifiés s’est dégradée au profit des plus qualifiés. Le prix des biens manufacturés et des services a baissé, l’inflation a pratiquement disparu, les taux d’intérêt ont chuté et le prix des biens immobiliers et des actions a grimpé, favorisant les riches et creusant les inégalités.Mais, maintenant, s’engage un « grand renversement ». La chute du taux de natalité conduira à un déclin global de la force de travail, notamment en Chine et en Europe. La proportion de retraités va croître, de même que la part de ceux qui ont besoin de soins coûteux. Logiquement, les salaires et les prix vont augmenter. « Le résultat inévitable sera l’inflation », écrivent les auteurs. Mais comme le pouvoir de négociation des travailleurs augmentera, les inégalités se réduiront. Les taux d’intérêt monteront et le coût des énormes dettes contractées par les États s’alourdira.
Or la marge de manœuvre des gouvernements sera étroite. Les options ? Élever l’âge de la retraite, inciter les travailleurs à épargner plus tôt et davantage, augmenter les impôts. Rien d’évident. Surtout si l’inflation vient rogner les retraites et les bas de laine.
Dans la Literary Review, l’économiste britannique Frances Cairncross se dit convaincue par ce « message simple et déconcertant ». The Wall Street Journal y voit aussi un livre important, même si les auteurs sous-estiment peut-être le rôle à venir des banques centrales. Dans le Financial Times, l’économiste britannique Diane Coyle considère The Great Demographic Reversal comme une « expérience de pensée » plus qu’un véritable exercice de prévision – un excellent antidote au point de vue dominant, qui voudrait que les fondamentaux actuels (faible inflation, faibles taux d’intérêt) soient là pour durer.
[post_title] => Plus durs seront les temps [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => plus-durs-seront-les-temps [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2021-05-07 08:57:14 [post_modified_gmt] => 2021-05-07 08:57:14 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=101925 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
WP_Post Object ( [ID] => 101863 [post_author] => 56414 [post_date] => 2021-04-22 11:55:03 [post_date_gmt] => 2021-04-22 11:55:03 [post_content] =>Home Body, le nouveau recueil de la jeune auteure Rupi Kaur a été traduit en français ce printemps (chez NiL Éditions). Elle a été nommée par la presse internationale « reine de l’instapoésie » et son succès planétaire invite à s’interroger : de quoi ce nouveau genre est-il le nom ?
Pour ceux qui ne vivraient pas scotchés à leur smartphone, Rupi Kaur est une jeune femme de 28 ans, canadienne d’origine indienne, qui cumule plus de 4 millions d’abonnés sur Instagram et peut se targuer d’avoir arraché à Homère le titre de poète le plus vendu de l’Histoire. Elle déclame ses œuvres en vêtements de créateurs dans des salles de concerts pleines à craquer, devant un parterre de fans transis. Pour résumer, Rupi Kaur est une star. Comme toutes les stars, elle a une histoire bien rôdée à raconter.
À 21 ans, elle est fermement décidée à suivre sa vocation littéraire, mais les poèmes qu’elle envoie pour publication sont refusés par les revues spécialisées. Elle ne se démonte pas et décide d’autoéditer son premier recueil en 2014. Intitulé Lait et Miel, il est composé de ce qui fait désormais sa patte et son succès : de courts poèmes en prose qui parlent de résilience et de beauté de la vie (en bref). Il passe inaperçu à sa sortie. En 2017, l’aspirante poétesse sort de l’anonymat, après avoir posté sur Instagram des photographies qui seront supprimées par la plateforme. En cause, le sujet : une jeune femme (Kaur elle-même), dos à l’objectif, allongée sur un lit et dont le jogging est taché de sang à l’entrejambe. Le réseau social supprime les photos par deux fois, signe que l’évocation des règles suscite encore le malaise chez une partie de l’humanité. Qu’à cela ne tienne, Kaur rédige un texte outré qui fait le tour d’Internet et est repris par les médias du monde entier. Sa renommée est faite, les maisons d’édition s’intéressent enfin à elle. Un juteux contrat plus tard, son deuxième recueil paraît. Il fait un carton – il est traduit, comme le précédent, dans plus de 40 langues. On peut parler sans crainte de l’opération éditoriale la plus rentable du siècle, appuyée sur deux piliers : un contenu hautement partageable et la fidélisation d’une fan base exponentielle, prête à dépenser de l’argent.
Car Rupi Kaur est dotée d’un certain génie pour le marketing. Son site officiel pointe que célébrer l’acceptation de soi, c’est bien, mais qu’en faire un business archirentable, c’est mieux. Oubliez vos questions existentielles, une centaine d’euros vous permettra d’arborer un sweat-shirt orné du poème « Everything I Need Already Exists in Me » (« Tout ce dont j’ai besoin existe déjà en moi ») et un tatouage éphémère vous rappelant qu’il y a des « miracles » en vous qui « attendent leur tour » avant de s’effriter en milliers de petites croûtes. Vous l’aurez compris, l’instapoète est aujourd’hui une marque qu’il est de bon ton d’arborer.
Avec sa prose ultra-accessible qui fait l’économie de métaphores complexes, ses images parfois mièvres qui ont l’épanouissement personnel et la résilience comme thèmes privilégiés, on est loin de l’image torturée du poète-voyant syphilitique à laquelle nous avons été biberonnés. Sans doute est-ce la clé de son succès. Ses sujets permettent de générer une identification forte et d’en faire des contenus viraux. Les textes de Kaur abordent les problèmes des jeunes femmes de son âge, en prenant parfois la forme de slogans non clivants qui en font des petites bouchées aisément partageables sur les réseaux sociaux. Ceux qui l’attaquent sur la pauvreté de sa prose sont vite taxés de mauvais esprits, comme s’il y avait quelque chose de louche à critiquer une production si manifestement bienveillante.
Chez les instapoètes, le propos prime sur la forme : peut-être est-ce là leur plus grande innovation. Les amoureux du Bateau ivre pourront se consoler en apprenant que leur succès a permis à bon nombre de librairies américaines de remettre la poésie en avant dans leurs rayons. Tâchons de voir le verre à moitié plein : et si, en plus de sécher des larmes adolescentes, il en naissait des vocations ?
— Floriane Zaslavsky est sociologue.
[post_title] => La poésie sur écran brillant [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => la-poesie-sur-ecran-brillant [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2021-05-07 14:38:33 [post_modified_gmt] => 2021-05-07 14:38:33 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=101863 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
Elle a publié avec la journaliste Célia Héron Dernier brunch avant la fin du monde (Arkhê Éditions, 2020).