WP_Post Object ( [ID] => 101658 [post_author] => 56414 [post_date] => 2021-04-21 13:46:57 [post_date_gmt] => 2021-04-21 13:46:57 [post_content] =>Ce 26 décembre 1962, il neige sur le manoir de Sissinghurst, dans le Kent, où la jeune Juliet Nicolson passe Noël en famille. Le lendemain aussi, il neige, et la fillette de 8 ans s’émerveille : « Les murs, les pelouses, les statues, les vasques » du parc ont comme disparu. Le surlendemain encore et dix semaines durant, jusqu’au 6 mars 1963, il neige sur le Royaume-Uni. Prise dans la vague de froid qui balaie alors l’Europe, l’île connaît l’hiver le plus glacial depuis 1895.
Près de soixante ans plus tard, l’écrivaine Juliet Nicolson livre avec Frostquake la chronique d’une société britannique frappée de plein fouet par un cataclysme climatique. Trois mois de chaos bien vite jetés aux oubliettes des accidents sans suite. À tort, estime l’auteure. Elle a plongé dans les journaux de l’époque et dans ses souvenirs pour en tirer un « agréable mélange d’histoire sociale et de souvenirs personnels », estime Trevor Phillips dans The Sunday Times. Et Nicolson d’avancer que la glaciation a eu pour effet le dégel d’une Angleterre conservatrice. « D’après l’auteure, l’hiver du siècle a catalysé le changement social dans une nation qui était encore, à la fin de l’année 1962, sous l’emprise de la morale edwardienne et qui s’est réveillée au printemps suivant, chevauchant gaiement les Swinging Sixties », poursuit Phillips. Un monde d’avant, un monde d’après… La rengaine est de saison. Publié en pleine pandémie de Covid-19, Frostquake figure parmi les grands succès éditoriaux du moment en Grande-Bretagne.
Le tableau de cet hiver-là, croqué par Juliet Nicolson, est surréaliste. On circule à skis dans Londres. À Oxford, on traverse la Tamise en voiture tandis que les trottoirs de Manchester disparaissent sous deux mètres d’une neige qui engloutit les mégalithes de Stonehenge. Au zoo de Paignton, des gardiens se relaient pour veiller à ce que les singes ne franchissent pas la fosse gelée. Le 14 janvier, The Guardian titre : « Les gens meurent de froid ». Un laitier, dans sa camionnette ; une famille, piégée dans une voiture en panne. L’air de la capitale est jaune des poêles à charbon, au point que les Londoniens désertent pubs, parcs et stades. Les canalisations explosent dans les appartements, même dans celui, très chic, des parents de Juliet, à Londres. L’écrivaine se revoit faisant la queue à la citerne publique, avec une certaine excitation. Elle est fille d’aristocrates lettrés et, de fait, Frostquake chronique aussi la vie d’une haute société transie, ce qui fait partie de son charme, et de sa faiblesse. Gillian Tindall, dans The Times Literary Supplement, reproche à Nicolson de ne pas mentionner l’« eau gelée dans les toilettes » situées à l’extérieur pour 6 millions de Britanniques. Elle salue néanmoins un « livre à large spectre ».
L’écrivaine sonde en effet l’Angleterre bien en deçà de sa couverture neigeuse pour mettre au jour une société dont le corset craque. « La seule télévision à Birch Grove (demeure du Premier ministre Harold Macmillan), dans le Sussex, se trouve dans le salon des domestiques », relève-t-elle. Cet hiver-là, la star d’un feuilleton comparaît en justice pour avoir souri à un homme dans un urinoir. Dans le même temps, la pilule se banalise et les Beatles enregistrent leur premier tube. Côté politique, « c’était la guerre froide », rappelle The Sunday Times. Mais aussi, l’heure des débats sur l’ouverture à l’Europe. Et, surtout, le scandale Profumo, du nom du secrétaire d’État à la Guerre, accusé de s’être compromis avec un mannequin de 19 ans. L’affaire, qui scellait la désacralisation des mœurs des puissants, allait faire tomber les conservateurs. « Un an plus tard, le travailliste Harold Wilson était Premier ministre et soufflait un vent de réformes incluant la décriminalisation de l’homosexualité, l’abolition de la peine capitale, l’interdiction de la discrimination raciale », note Brian Groom dans le Financial Times.
L’évocation de l’époque séduit. Le lien entre météo et dégel social ne convainc pas. « La pilule était autorisée aux femmes mariées dès 1961, et John Profumo n’a pas découché pour qu’on lui tienne chaud », lance, dans The Guardian, Kathryn Hugues, qui concède toutefois : « Le grand froid est à l’origine du passage des bas aux collants. » Quoi qu’il en soit, estime Trevor Phillips, « la révolution a fait long feu. Le pays vit à nouveau une glaciation, avec des écoles fermées et une récession à l’horizon. Nous sommes à nouveau en dehors de l’Europe. Le Premier ministre est encore un ancien élève d’Eton. » Comme Macmillan, né en 1894.
[post_title] => L’hiver où L’Angleterre s’arrêta [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => lhiver-ou-langleterre-sarreta [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2021-05-07 07:45:19 [post_modified_gmt] => 2021-05-07 07:45:19 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=101658 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
WP_Post Object ( [ID] => 101649 [post_author] => 56414 [post_date] => 2021-04-21 13:39:33 [post_date_gmt] => 2021-04-21 13:39:33 [post_content] =>Je suis profondément attristée et en colère. Votre revue, source de réflexion et de compréhension, aurait dû être déclarée d’intérêt public.
— Gisèle OnnoCher Books, bien souvent, je n’ai pas été d’accord avec toi, mais nos divergences n’ont fait qu’aiguiser davantage mon esprit critique… La disparition de Books est regrettable et, hélas, symptomatique de notre époque où seule la pensée facile semble avoir droit de cité. Le débat d’idées est mort, vive le débat d’idées !
— Bernard BernolliAbonnée depuis un an seulement, je suis littéralement et littérairement tombée amoureuse de votre magazine. Vous faites un travail extraordinaire.
— Anne-Louise LuquinAbonné depuis très longtemps, je voudrais vous faire part du plaisir que j’ai eu à lire Books : les recensions longues et complètes de livres que je n’aurais jamais eu le temps de lire – comme les articles sur des livres parus dans des langues que je ne lis pas et qui ne seront jamais traduits sans doute. J’aime toujours vos rubriques originales comme le « mot manquant » ou le palmarès des ventes dans les autres pays.
— Pascal Penaud, ParisJe suis Books depuis ses débuts. Ce magazine m’a beaucoup appris. Il a fortement influencé mes jugements et aiguisé mon esprit critique. Il était devenu ma lecture de référence. Je conserve ma collection qui reste d’actualité et dont je pourrai faire lire quelques numéros à mes petits-enfants quand il s’agira de les faire réfléchir à certains sujets sensibles, de développer leur ouverture d’esprit et de leur donner le goût de la lecture (c’est d’ailleurs le seul reproche que je fais à Books : après chaque nouveau numéro, mes factures de librairie avaient tendance à augmenter).
— Patrick Philippot, ParisJe suis une abonnée de la première heure. Vous m’avez inspiré la lecture de dizaines de livres. Je vous en suis très reconnaissante. Vous allez me manquer.
— Janine ThomaVotre constante promotion, explicite ou implicite, de l’esprit critique m’a beaucoup marqué.
— Hubert BaratinRenaissez vite, je me réabonne tout de suite.
— Linda SchneiderBooks m’aidait à élargir ma réflexion et mon mode de pensée, à remettre en question mes idées, en les confrontant à des visions élargies et non plus seulement franco-françaises, renforçant mon idée utopique d’un monde humaniste sans frontières…
— Hélios LopezCher Books, nous t’avons suivi depuis la parution de ton premier numéro et n’avons jamais été déçus par les thématiques très variées, par ton esprit critique – pas chagrin du tout –, par les questions abordées : sociétales, politiques, philosophiques, éthiques….
— Claude-Alain & Suzanne Dubois, Porrentruy, SuisseUn immense bravo. J’ai gardé tous les numéros de Books, qui reste une pépite, une petite merveille de la culture et de l’intelligence.
— Emmanuel RenaudChaque année, je dis à mes étudiants et à mes collègues de classes préparatoires aux grandes écoles tout le bien que je pense de Books, revue indispensable, sans équivalent dans la presse française.
— Johanne FavreJe crois que je suis abonné à votre revue depuis le tout début. Elle a eu une grande importance pour moi, dans l’ouverture sur les auteurs étrangers qu’elle a toujours favorisée. Je ne compte plus le nombre de livres que j’ai lus sur le conseil de vos articles.
— Hervé LéostCette revue avait une teneur, un ton inégalé, une volonté d’explorer tous les angles de vue, aussi dérangeants qu’ils puissent être…
— Linda BabinComme Books va me manquer ! Le seul (presque) titre de presse que je lisais, le seul (?) qui nous donnait de la hauteur, qui faisait entendre tous les points de vue.
— Christophe DaudinMerci pour ces moments où l’on pouvait prendre de la distance avec le fracas de ce qui nous entoure.
— Jean-Paul RaillardMa collection de Books restera fièrement dans ma bibliothèque, témoin aussi précieux qu’enrichissant sur les idées, les débats et les œuvres qui ont marqué ces dernières années. Vous nous les avez transmis avec une curiosité et une ouverture d’esprit qui me manqueront beaucoup, particulièrement dans cette période où nuances, impartialité et ouverture d’esprit disparaissent petit à petit des médias au profit d’affrontements aussi agressifs que stériles.
— Marie Péjouan-CassanelliQue de choses apprises, que de culture historique, philosophique, scientifique mise à ma disposition grâce à vous.
— Guillaume EcolivetUne revue qui alimentait mes réflexions et des conversations familiales. Une fenêtre sur le monde se referme, allons-nous être condamnés aux idées toutes faites, franco-francaises ?
— Marie-Yasmine AuclertL’essentiel est que Books revienne, tôt ou tard, moins souvent peut-être, avec une pagination différente, mais toujours dans l’ouverture.
— Jean-Luc ChesneauMagazine exceptionnel de qualité, de créativité et de probité.
— Marie et Frédéric OgéeSi j’avais été au courant de la situation, j’aurais été disposé à vous payer l’abonnement à un prix, disons, trois fois supérieur au prix officiel.
— Gabriel ColoC’est une grande perte pour le monde de l’information et des livres. J’aimais beaucoup le lire et le proposer à mes étudiants.
— Florence Le Cam, Chaire de journalisme, Université libre de BruxellesAbonné depuis 2014 seulement, j’avais trouvé dans votre revue une partie de l’aliment dont j’ai besoin pour maintenir cette distance nécessaire à ma liberté de penser et d’agir.
— Jean-Luc ChazerandGrâce à vous, j’ai découvert des livres qui m’ont émue, nourrie, intriguée… Des livres qui m’ont ouvert les portes de mondes que je ne connaissais pas ou trop peu.
— Emmanuelle GrundmannOui, votre magazine grattait là où l’on préfère fermer les yeux.
— Charles Journé, LyonCette revue de qualité est un remède contre la médiocrité.
— Sylvie HauserBooks m’a toujours énormément apporté. Des idées nouvelles, des perspectives inconnues, des avis que je ne partageais pas mais que, grâce à vous, je comprenais mieux, de nombreuses lectures vers lesquelles je ne serais jamais allé sans vous.
— Jean-Baptiste Beuscart, CHU LilleJe ne sais comment vous exprimer ma gratitude d’avoir proposé Books pendant toutes ces années, en y mettant ce qui fait la vie, ce qui contribue à la liberté, ce qui touche au bonheur et à l’essence.
— Danielle HoffeltVos milliers d’articles ont été et sont encore pour moi une source infinie de réflexion, de remise en question et d’ouverture d’esprit.
— Patrick JeannesJ’avais un réel plaisir à vous retrouver de mois en mois, à découvrir le thème que vous aviez retenu, toujours très éclairant.
— Marie-Emmanuelle Dulous de MeritensBooks était le seul magazine que je lisais.
— Julien MajouxNous ne nous connaissons pas personnellement mais, étant abonnés depuis le début de votre projet éditorial, nous avons éprouvé avec vous une grande proximité, sans doute comparable à celle que pouvaient éprouver entre eux les promoteurs des Lumières cernés par les obscurantistes de tout poil.
— Isabelle Eynaud-Chevalier et Yves Chevalier, ParisNous aimions ce rendez-vous avec votre publication et la joie qu’il nous procurait. Une douce addiction qui se transmettait à notre famille, à nos proches et qui suscitait, souvent, des discussions constructives.
— Jackson Mackay et Jean-Michel EbléJe ne compte pas le nombre de livres que j’ai achetés grâce à votre magazine.
— Pierre BéguinSouvent je me suis dit : heureusement qu’il y a encore des journaux comme Books. Grâce à sa lecture, j’ai acheté des livres que je n’aurais jamais découverts sans vous. J’espère que Books pourra bientôt renaître.
— Mireille BerretBooks, loin des prismes idéologiques obsessionnels promus par tant de magazines. Grâce à vous, j’ai acheté et lu tant de livres dont je n’aurais jamais entendu parler autrement. En vous souhaitant bonne chance pour vos projets et en espérant que vous aurez encore la force d’en porter d’autres pour lutter contre la tentation croissante des idées simplistes qui semble submerger tant la « droite » que la « gauche » en cette époque angoissée, emportée par la furie cybernétique.
— Florian HerberVotre regard singulier, vos choix éditoriaux, vos enquêtes pointues, étonnantes, dérangeantes, exotiques nous manquent déjà.
— Françoise AubertCette publication n’avait aucun équivalent francophone, et je l’attendais chaque mois avec beaucoup d’impatience.
— Pr Jean-Luc Nizet, CHU LiègeVotre magazine de haute tenue intellectuelle et indispensable à la discussion des idées va me manquer, comme à beaucoup de lecteurs.
— David MichelJ’y ai trouvé à la fois un réel plaisir et une source de réflexion pour mes enseignements, ne manquant jamais de conseiller la lecture à mes étudiants.
— Jean-Baptiste Bruneau, Université Bretagne SudJe vous souhaite, à vous et votre équipe, de rebondir et de trouver d’autres moyens pour porter ce message d’intelligence et d’ouverture d’esprit dont nous n’avons jamais eu autant besoin.
— Charles Tellier, Nouvelle-CalédonieMerci pour cette aventure incroyable. Votre slogan résumait tout – « l’actualité à la lumière des livres » –, l’ambition culturelle constante, la singularité d’une vision. L’audace, surtout, d’une respiration, offrant le luxe de la réflexion et du fond, dans un environnement médiatique sacrifié à l’immédiateté.
— Hervé JavelotTriste d’apprendre la fin d’un journal qui permettait de lire ce qu’on ne lit nulle part ailleurs.
— Pierre-Henri Tavoillot, Sorbonne-UniversitéJe suis une DRH du privé, et votre lecture a souvent représenté une forme de compensation de ce que je vis en entreprise, le globish, le court-termisme et la financiarisation de tout. J’adorais votre revue, unique et présentant les qualités que j’apprécie entre toutes : l’équilibre et la modération des points de vue, la diversité et l’ouverture.
— Cécile VigneauL’équipe de Books a fait un travail remarquable. Merci pour tous les numéros publiés depuis toutes ces années. Merci de nous avoir proposé cette approche originale et approfondie de l’actualité, un concept hors du commun et des sentiers battus ; bref, l’info traitée avec subtilité et pondération.
— Arnaud JunckerJe garde chaque exemplaire de Books, depuis douze ans. Considérez que vous avez une amie ici, séparée d’un pays-continent et d’un océan.
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— Catherine Beeckman Delen, Vancouver
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Nous devons aussi à Cabell cet aphorisme :« L’optimiste proclame que nous vivons dans le meilleur des mondes possibles ; le pessimiste craint que ce ne soit vrai. » Schopenhauer avait moins d’esprit. Il a inversé la formule de Leibniz – nous vivons dans « le meilleur des mondes possibles » – pour affirmer platement : nous vivons dans « le pire des mondes possibles ».Les spécialistes des sciences cognitives le savent ; au quotidien, sauf état dépressif, nous sommes atteints d’un « biais d’optimisme ». Une illusion bienvenue, qui nous aide à surmonter les épreuves et nous soutient jusqu’au seuil du trépas. « Un octogénaire plantait. “Passe encore de bâtir, mais planter à cet âge !” » dit joliment La Fontaine. Mais il s’agit là de l’optimisme de tout un chacun (charité bien ordonnée commence par soi-même). Le phénomène brillamment épinglé par Voltaire dans son Candide ou l’Optimisme est tout autre. Il ne s’agit plus de soi, mais du collectif. Les choses vont-elles de mieux en mieux, ou de mal en pis ? L’avenir de l’humain est-il radieux ou sinistre ? Ce sujet propre à échauffer les esprits forts est aussi un moteur de l’Histoire. Car le pessimisme sur le-cours-des-choses-si-rien-ne-change alimente les rêves de cité radieuse sur le long terme. « L’homme est né libre, et partout il est dans les fers », déplorait Rousseau, maître des utopistes.
Mais si l’optimisme rédempteur nourrit des illusions dangereuses, le pessimisme collectif qui imprègne aujourd’hui les pays nantis charrie son lot d’effets pervers. Il nous met des œillères qui nous empêchent de faire la part de ce qui va mieux, ne nous laissant voir que ce qui va mal. Il jette la suspicion sur toute forme d’optimisme raisonnable et accuse d’irresponsabilité ceux qui s’y livrent.
Si nous bénéficions individuellement d’un biais d’optimisme, nous souffrons collectivement d’un biais de pessimisme. Comment s’en défaire ? S’il existait un psy chargé de soigner le patient collectif, que lui dirait-il ? Que les choses pourraient être pires, bien pires encore ! Et regardez, il y a même des miracles qui se produisent. La renaissance de Books par exemple ! Qui l’eût cru ?
— Olivier Postel-Vinay
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WP_Post Object ( [ID] => 101642 [post_author] => 56414 [post_date] => 2021-04-21 13:30:24 [post_date_gmt] => 2021-04-21 13:30:24 [post_content] =>À Oxford, en 1963, on traversait la Tamise en voiture.
Le plagiat est la forme d’admiration la plus sincère.
Plus on dispose de lits d’hôpitaux, plus on est tenté de les utiliser.
Le nombre de décès dus aux catastrophes naturelles a baissé de plus de moitié au cours des cent dernières années.
La vaccination était déjà pratiquée par des femmes en Turquie au début du xviiie siècle.
Pour créer son imprimerie, Gutenberg avait exploité la technique des presses des vignerons.
Le déclin des idéologies de gauche et de droite atteignit son nadir dans les années 1990.
Un quart du pétrole mondial transite par le détroit d’Ormuz.
Près de 30 % de la richesse mondiale est détenue par les Américains.
Le Talmud fut brûlé sur la place de Grève, à Paris, en 1242.
L’essor de la Chine de 1990 à 2018 a amené 240 millions de nouveaux travailleurs sur le marché de l’emploi global.
Un centimètre carré de peau manuelle contient quelque 70 millions de bactéries.
La science est aussi soumise aux effets de mode que l’industrie du vêtement.
Frédéric le Grand se faisait préparer son café avec une goutte de champagne.
Une fois la Russie conquise, les Mongols n’imposèrent ni leur religion ni leur manière de vivre.
En Mauritanie, les nomades sont passés en quelques décennies de 85 % à 6% de la population.
La scriptothérapie est l’écriture de soi à des fins thérapeutiques.
La stratification éducative favorise une vision de l’art élitiste et narcissique.
[post_title] => 18 faits & idées à glaner dans ce numéro [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => 18-faits-idees-a-glaner-dans-ce-numero [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2021-05-07 06:46:26 [post_modified_gmt] => 2021-05-07 06:46:26 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=101642 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
WP_Post Object ( [ID] => 101560 [post_author] => 56414 [post_date] => 2021-04-21 09:55:38 [post_date_gmt] => 2021-04-21 09:55:38 [post_content] =>« Mais tout le monde sait que ce putain de masque ne sert à rien ! » éructait-il devant Bellemain, l’infectiologue, qui en doutait poliment, arguments à l’appui.
« Certitude contre savoir, me fit observer Mireille, cette émission pue le bothsidesism.
– Le quoi ? demandai-je.
– La soupe aux équivalences », dit-elle. Avant de conclure : « En général on en meurt. »D.P.
Bothsidesism est un néologisme américain désignant le fait de considérer que, sur un sujet politique sensible, les arguments des uns valent d’être présentés sur le même plan que ceux des autres. Le mot vise explicitement un travers de certains médias et journalistes.
Aidez-nous à trouver le prochain mot manquant :
Existe-t-il dans une langue un mot désignant le fait de faire preuve d’une franchise brutale, au risque d’être désobligeant ?(Il n’y aura peut-être pas de prochain mot manquant…)
Écrivez à
[post_title] => Bothsidesism [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => bothsidesism [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2021-05-07 13:14:54 [post_modified_gmt] => 2021-05-07 13:14:54 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=101560 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
WP_Post Object ( [ID] => 101554 [post_author] => 56414 [post_date] => 2021-04-21 09:53:37 [post_date_gmt] => 2021-04-21 09:53:37 [post_content] =>Le réchauffement actuel est « sans précédent », répètent les scientifiques et d’autres. Mais qu’entend-on par là au juste ? Ce qui est sans précédent, c’est l’accroissement des gaz à effet de serre d’origine humaine et, peut-être, mais sans certitude, le rythme du réchauffement depuis les années 1970.
Quant au réchauffement lui-même, c’est une autre histoire. Il est bien établi que dans certaines régions du monde, au Moyen Âge, les températures étaient comparables et parfois supérieures à celles d’aujourd’hui. Il en allait de même lors de l’optimum romain, dont la fin contribua sans doute à la chute de l’empire (lire l’entretien avec l’historien Kyle Harper, Books no 95, mars 2019).Et il faisait plus chaud qu’aujourd’hui dans les millénaires qui ont vu l’invention de l’agriculture : « Les débuts de l’holocène furent, pendant plus de 4 000 ans, la période la plus chaude que la Terre ait connue au cours des 100 000 années précédentes, plus chaude qu’elle ne l’a jamais été depuis », note John L. Brooke dans sa somme sur l’histoire de l’homme et du climat.
Si l’on remonte plus loin dans le temps, il est désormais établi qu’il a fait plus chaud qu’aujourd’hui durant au moins deux des périodes interglaciaires ayant précédé l’holocène. Lors de l’éémien, l’interglaciaire qui a commencé il y a environ 130 000 ans, les températures affichaient 2 à 4 °C de plus qu’aujourd’hui, le niveau de la mer était de 8 mètres plus élevé, il y avait des hippopotames au pays de Boris Johnson et, dans celui d’Angela Merkel, des macaques cohabitaient avec les néandertaliens.La plus grande masse de glace sur Terre se trouve dans la partie est de l’Antarctique, et l’on croyait jusqu’à récemment que cette énorme calotte n’avait guère bougé au cours des centaines de milliers d’années qui ont précédé la dernière déglaciation, celle qui a donné naissance à l’holocène.
Or une étude publiée l’été dernier dans Nature montre que, il y a 400 000 ans, pendant l’interglaciaire MIS 11, un gros morceau de l’Antarctique oriental a fondu, la glace s’étant retirée de 700 kilomètres par rapport à sa position actuelle. Cette fonte a entraîné à elle seule une élévation du niveau de la mer de 3 à 4 mètres. À cette époque où les températures étaient plus élevées qu’aujourd’hui, Homo heidelbergensis maîtrisait déjà le feu depuis 400 000 ans (en Afrique), et notre cousin néandertalien avait fait son apparition en Europe.
Quand on observe les « sans précédent » qui émaillent textes et discours sur le réchauffement, il est amusant de constater la récurrence d’un autre tour de phrase : on aime dire « sans précédent depuis… ». Sur le site de l’Encyclopédie universalis, on lit ainsi « sans précédent depuis des décennies, voire des millénaires ». Et, dans le magazine en ligne Numerama, à propos de deux articles savants parus dans Nature et Nature Geoscience, « sans précédent depuis 2 000 ans ». So what ? dirait-on outre-Manche. Sur le site Éco-Bretons, le climatologue Jean Jouzel, coqueluche des médias et mentor d’Emmanuel Macron, après avoir énoncé le sacro-saint « sans précédent », déclare : « Il est extrêmement probable que l’influence de l’homme soit la cause principale du réchauffement observé depuis le milieu du xxe siècle. »
Mais ce dont témoignent ces différents épisodes, c’est que cela est loin d’être établi. Nous vivons dans un interglaciaire, et il n’est donc pas étonnant que nous connaissions des épisodes chauds. Le xxe siècle en a d’ailleurs connu dans les décennies 1920 et 1940, que la plupart des experts n’attribuent pas aux effets de la révolution industrielle. Masquée par la rhétorique dominante, une vraie question scientifique se pose : dans le réchauffement actuel, quelle est la part de la nature et quelle est celle de la culture ? 10 % d’un côté, 90 % de l’autre ? 50-50 ? 90-10 ? Pour l’instant, nous n’en savons rien.
— O. P.-V.
[post_title] => Sans précédent, le réchauffement ? [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => sans-precedent-le-rechauffement%e2%80%89 [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2021-05-07 13:11:54 [post_modified_gmt] => 2021-05-07 13:11:54 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=101554 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
WP_Post Object ( [ID] => 101546 [post_author] => 56414 [post_date] => 2021-04-21 09:48:06 [post_date_gmt] => 2021-04-21 09:48:06 [post_content] =>La vie édifiante d’un dignitaire de l’Église catholique dans l’Angleterre de l’ère victorienne, sur fond d’affrontements doctrinaux et de manœuvres politiciennes : a priori pas de quoi s’enthousiasmer, encore moins s’esclaffer. Sauf si le texte sort de cette plume que Lytton Strachey trempe non pas dans l’eau bénite mais dans un acide des plus corrosifs. Impossible de lire (entre) ces lignes austères, pleines d’érudition théologique sournoisement ironique, de feinte admiration et d’hypocrite émotion, sans être secoué d’hilarité. Le philosophe Bertrand Russell en fit l'expérience : brièvement incarcéré pour pacifisme à la fin de la Première Guerre mondiale, il lisait cet ouvrage en riant à pleine gorge lorsqu’un gardien vint lui rappeler qu’il se trouvait dans un lieu de punition.
Lytton Strachey évoque l’effervescence qui s’empare de la scène religieuse britannique à la moitié du xixe siècle, alors que certaines très hautes figures du clergé anglican subissent l’attraction doctrinale et spirituelle du catholicisme. Rome peut alors faire quelques prises de choix, comme le théologien John Henry Newman et Henry Edward Manning, un jeune vicaire prometteur. L’ère victorienne n’est pourtant guère propice aux interrogations spirituelles, et la Grande-Bretagne a bien d’autres soucis : la révolution industrielle, l’Empire britannique, le darwinisme, les chemins de fer, les bonnes mœurs, etc. La religion anglicane n’est en réalité « qu’un commode et respectable accessoire » de l’existence, « qui inculqu[e] aux jeunes esprits un bon système moral ». « Comment se pouvait-il faire que ce rapiéçage fût devenu le réceptacle des augustes et souverains mystères de la foi chrétienne ? » fait mine de s’interroger l'auteur.
Strachey évoque ces péripéties à travers la figure de Henry Edward Manning (1808-1892), fils d’un riche marchand et député. Ses talents et son ambition le destinent aux meilleures études et à une brillante carrière politique. Hélas, Manning père fait faillite, et son rejeton doit se rabattre sur celle de clergyman. On le retrouve vicaire d’une petite paroisse du Sussex, marié (à la fille du recteur, son n+1), puis veuf. Un veuvage que Manning qualifie de « grâce spéciale de Dieu » : il se plonge en effet dans ses activités ecclésiastiques, et y fait merveille.
Mais voilà : Manning se laisse influencer par Newman et les réformateurs spirituels du Mouvement d’Oxford – des clercs, écrit Strachey, obsédés « par un idéal de sainteté et convaincus qu’il importait au plus haut point de ne pas trop manger », et dont « l’originalité remarquable était qu’ils prenaient la religion chrétienne au pied de la lettre ». Manning perd ses illusions sur l’Église d’Angleterre et ne se voit pas finir ses jours dans la peau de l’un de ces « corpulents théologiens [qui] souscrivent, avec un soupir ou un sourire, aux Trente-Neuf Articles 1 , chassent gaiement à courre le matin et le soir chopinent impunément leurs deux bouteilles ». Il finit lui aussi par se tourner vers Rome. Une décision soigneusement mûrie, comme en témoigne son journal intime, dans lequel il pèse minutieusement le pour et le contre.
Extrait :
« L’existence de Manning se prolongea jusqu’à une extrême vieillesse. À mesure qu’augmentait le nombre de ses années, son activité augmentait aussi. Meetings, missions, sermons, articles, interviews et lettres, telles étaient les multiples obligations dont il était assailli et s’acquittait avec un zèle acharné. Bien plus, avec l’âge il parut acquérir une sorte de nouvelle ferveur, une liberté d’esprit […] qui laissa la voie ouverte à des préoccupations qui ne l’avaient jamais traversé auparavant. “On dit que je suis ambitieux, note-t-il dans son journal, mais est-ce que je m’endors dans mon ambition ?” Non, certes, il ne s’endormait pas, mais désormais travaillait sans arrière-pensée pour la plus grande gloire de Dieu. […] La misère, l’alcoolisme, le vice, toutes les horreurs et turpitudes de la civilisation s’emparèrent de son esprit et le précipitèrent dans de nouveaux champs d’action […]. La trempe de son âme prit une couleur presque révolutionnaire. […] Lorsque, dans sa soutane sale et râpée, le vieillard haranguait sur les vertus de la Tempérance les foules de Bermondsey ou de Peckham, les assurant avec une passion convaincue que la majorité des Apôtres n’étaient pas des alcooliques, on aurait pu confondre ce prince de l’Église avec un prêcheur de l’Armée du Salut. »
La décision est d’autant plus douloureuse que, au même moment, se libère la charge de sous-aumônier de la Reine, un poste avec mitre à la clé. Mais, postule Strachey, « il n’est pas sûr que le plongeon de Manning fût aussi hasardeux qu’il semblait. Il n’était pas de ces gens à qui il arrive d’oublier de regarder avant de sauter, ni de ceux qui, si par chance ils s’aperçoivent qu’un matelas est étendu pour les recevoir, sautent avec moins de conviction ». Car matelas il y a. Le catholicisme confère en effet « un mérite extraordinaire et transcendant » à la profession de Manning : « Quel soulagement de penser, quand on a craint de n’être qu’un clergyman, qu’après tout on pourrait bien être quelque chose d’autre : un prêtre. »
Voire plus, beaucoup plus. Car Manning, « un néophyte grisonnant qui ne disposait d’aucun titre spécial à l’attention de ses nouveaux supérieurs », devient, quatorze ans après sa conversion, l’archevêque de Westminster et le chef suprême de l’Église catholique d’Angleterre.À vrai dire, l’affaire est délicate, et le pape Pie IX hésite longuement. Mais l’Esprit saint s’en mêle : « Pio Nono entendit une voix, une mystérieuse voix intérieure, qui lui susurrait avec insistance : “Mettetelo lì!, mettetelo lì!” » En l’occurrence, l’Esprit saint fait preuve d’une grande « sagacité politique », lit-on sous la plume narquoise de Lytton Strachey. Car Manning n’est pas qu’un glaneur d’âmes – et d’âmes issues de la meilleure société : « Il [possède] aussi une habitude des personnes et des manières officielles, don inappréciable. » Il appartient surtout « à cette classe d’éminents ecclésiastiques – assez nombreuse en vérité – qui se sont distingués moins par leur science et leur sainteté que par leur habileté aux affaires ». Devant l’exceptionnelle aptitude de Manning à se faufiler au premier rang, le destin, qui lui fut si longtemps contraire, « renonce à un combat inégal et quitte la partie ».
Reste un dernier obstacle : la présence sur le sol britannique d’un converti plus prestigieux que lui, l’érudit et mystique Newman. Mais ce Henry-là n’est pas bien vu à Rome. « Son esprit subtil, ses manières de binoclard oxfordien, sa réserve un peu efféminée n’étaient pas de nature à impressionner une foule de cardinaux et d’évêques affairés, qui passaient leur temps à régler les détails de l’administration ecclésiastique, à gérer les conséquences de la diplomatie papale et à se chamailler ». Pis, « les autorités romaines s’avisèrent que Newman était un homme d’idées. N’avait-il pas compris que les idées étaient pour le moins incongrues à Rome ? ». Le cœur lourd, il finit par se rendre à l’évidence : « Ce n’était pas ses vues qu’on désapprouvait mais le fait même qu’il en eût .»
Si bien que, tandis que Manning vole de succès en succès, Newman accumule les déconvenues, cause d’une souffrance qui s’exhalera dans des textes de la plus haute qualité littéraire et spirituelle. La rencontre des deux Henry sur le même territoire exigu est celle « de l’aigle et de la colombe : on vit un battement d’ailes, quelque chose qui fondait sur sa proie, puis le bec vif et les implacables serres firent leur œuvre. »Exit Newman, qui n’obtiendra, et sur le grand tard, qu’un platonique chapeau de cardinal. Manning pourra désormais déployer, seul, ses talents sur la scène londonienne et romaine, où il jouera un rôle majeur en reconduisant l’Église catholique anglaise au bercail papal, contre le goût des grandes familles catholiques et du gouvernement britanniques.
Mieux encore, Manning sera appelé à jouer un rôle essentiel dans la réalisation du grand projet de l’autocratique Pie IX : la proclamation en 1870 par un concile réuni à cet effet du dogme de l’infaillibilité pontificale. Alors que pendant des semaines on se déchire, Manning se démène en coulisse : il a toujours le mot ou le silence juste, et use de son réseau, qui va de la salle d’audience du pape au gouvernement anglais. « Il Diavolo del Concilio, l’appelaient ses ennemis, et il tirait gloire de ce surnom. » Succès total : « Presque en même temps, l’héritier de saint Pierre avait perdu son pouvoir temporel et gagné l’infaillibilité. »Mais le destin a plus d’un tour dans son sac. Grâce aux pouvoirs que Manning avait puissamment aidé son prédécesseur à acquérir, c’est Newman que le pape François canonisera en 2019. On aimerait savoir ce que Lytton Strachey aurait eu à dire sur le sujet.
— J.-L. M.
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WP_Post Object ( [ID] => 101538 [post_author] => 56414 [post_date] => 2021-04-21 09:38:30 [post_date_gmt] => 2021-04-21 09:38:30 [post_content] =>«N’oublie d’évoquer le temps qu’il fait dans ton satané livre. C’est très important, le temps ! » écrit un Ernest Hemingway un brin protecteur à son aîné et confrère John Dos Passos. Mais Hemingway n’a pas tort : nos âmes comme nos corps sont « météosensibles », et la littérature, qui se penche sur les unes comme sur les autres, doit intégrer ce facteur-là. Le créateur littéraire dispose d’un privilège qu’il ne partage qu’avec le grand créateur céleste, celui de pouvoir manipuler les éléments à sa guise, et il en profite allègrement. Quoi de mieux qu’un événement atmosphérique pour faire avancer une intrigue (c’est un authentique orage qui provoque le coup de foudre dans le cœur du jeune Werther) ou donner à un récit un socle climatique – le froid à Saint-Pétersbourg pour l’infortuné propriétaire du Manteau de Gogol, la chaleur d’Alger pour L’Étranger de Camus ?
Mieux, en déchaînant les éléments, l’auteur peut aussi déchaîner sa plume, et les intempéries servent fréquemment de prétexte à de grands morceaux stylistiques – voir Victor Hugo dans son poème L’Expiation (« Il neigeait. […] Il neigeait. […] ») et Herman Melville dans Moby Dick. Vladimir Nabokov accomplit la prouesse inverse, réussissant dans Lolita à décrire une tragédie en quatre mots et deux parenthèses : « (un pique-nique, la foudre) ».
Le romantisme, « qui a fait entrer la météo dans la littérature » (dixit Jean d’Ormesson), va plus loin en combinant émois du ciel et émois du cœur. Jean-Jacques Rousseau dote ainsi l’amant douloureux de La Nouvelle Héloïse d’un « fatal présent du ciel » : une « âme sensible » qui fait de celui qui l’a reçue le « vil jouet de l’air et des saisons », un être dont « le soleil ou les brouillards, l’air couvert ou serein régleront [la] destinée, et [qui] sera content ou triste au gré des vents ». Rousseau sait de quoi il parle, car lui-même ne cesse d’« appliquer le baromètre à [son] âme pour en connaître l’état journalier ».
Pourtant, Rousseau fait figure de météopsychologue amateur comparé à Marcel Proust, que son asthme terrible transforme en « baromètre vivant » obsédé par la qualité de l’air (dans son grand œuvre, il n’utilise pas moins de vingt-sept adjectifs pour qualifier cet élément, tour à tour fumeux, grumeleux, saturé, violet comme du velours, doux, glacé, humide, vénitien, nocturne, pneumatique, libre, etc.). Le temps dont Proust poursuit si assidûment la recherche est donc aussi celui qu’il fait dehors, auquel il accorde une réelle importance psychologique et même une dimension mystique, selon l’universitaire américaine Eve Kosofsky Sedgwick. Il fait même déclarer par le père du narrateur que, pour la conversation, « il n’y a rien de plus intéressant que le temps ».
Les romanciers britanniques font volontiers parler leurs personnages du temps changeant de leur île. Le sujet sert non seulement de lubrifiant social numéro un, mais aussi, à en croire Roland Barthes, de révélateur idéologique, le temps qu’il fait pouvant paraître beau ou mauvais selon la condition du commentateur. Problème : pour bien décrire les intempéries, l’écrivain doit sortir les braver. Heureusement qu’il existe du papier étanche et des stylos permettant d’écrire sous la pluie.
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WP_Post Object ( [ID] => 101535 [post_author] => 56414 [post_date] => 2021-04-21 09:37:12 [post_date_gmt] => 2021-04-21 09:37:12 [post_content] =>Difficile de porter un jugement net et définitif sur Louis XIV. Un règne de soixante-dix ans (dont plus de cinquante ans de gouvernance effective) se prête mal aux interprétations lapidaires. Si on ajoute à cela le goût du secret d’un monarque qui, obsédé par le contrôle, ne s’offrait sans cesse aux yeux de sa cour que pour mieux dissimuler ses sentiments véritables, l’exercice frôle l’impossibilité. Dans la biographie qu’il lui consacre, l’historien britannique Philip Mansel ne s’y essaie pas. Il ne s’agit pour lui ni de réhabiliter une figure dans laquelle ses détracteurs ont voulu voir un tyran fanatique et mégalomane, ni de doucher l’enthousiasme des thuriféraires du Roi-Soleil, mais plutôt de présenter ce monarque dans ses nuances et ses contradictions. L’homme qui, au nom de sa foi catholique, révoqua l’édit de Nantes (sa pire erreur, de l’avis de Mansel comme de la plupart des historiens) et persécuta les huguenots, provoquant l’émigration de plusieurs centaines de milliers d’entre eux pour le plus grand profit des puissances rivales, fut aussi le seul roi de France à pénétrer dans une synagogue et un grand protecteur des juifs. Par ailleurs, comme le rapporte Gareth Russell dans le quotidien The Times, « il promulgua des lois destinées à combattre la filiation illégitime, allant jusqu’à créer un impôt en 1697, tout en continuant à anoblir et même à légitimer ses propres bâtards – il en avait plus d’une dizaine ». L’un d’eux, le comte de Vermandois, que l’on pensait homosexuel, fut fouetté sur ordre de son père jusqu’à ce qu’il avoue son « vice », ce qui n’empêcha pas Louis XIV de tolérer cette même inclination chez son frère Philippe.
L’ouvrage de Mansel ne révolutionne pas la vision qu’on peut avoir de celui qu’il appelle le « roi du monde ». Mais « il excelle dans l’art des anecdotes bien choisies », estime Julia Prest dans The Times Literary Supplement. L’une d’elles illustre magnifiquement l’attachement de Louis à sa mère, Anne d’Autriche : alors qu’elle agonise, il change lui-même ses draps et dort tout habillé au pied de son lit. Les chapitres sur Versailles sont peut-être les plus convaincants. Dans ce palais hors norme, qui reste la demeure royale la plus visitée au monde et peut-être la plus grande réussite de Louis XIv, du moins la plus durable, le monarque peut donner libre cours à son goût du faste et à un mécénat sans équivalent dans l’histoire. Quant au domaine de Marly, le revers sombre de l’hubris louis-quatorzien s’y manifeste peut-être encore davantage. Outre le coût humain et financier de ce nouveau caprice royal, Mansel évoque le sort des carpes d’or et d’argent qui traversaient une « cascade » de 52 bassins bordés de marbre, pour la plus grande délectation du roi. Mais il se trouve, rappelle Mansel, que même les plus belles carpes ont besoin de vase pour survivre. Elles mouraient donc chaque nuit – et étaient immédiatement remplacées.
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WP_Post Object ( [ID] => 101532 [post_author] => 56414 [post_date] => 2021-04-21 09:34:39 [post_date_gmt] => 2021-04-21 09:34:39 [post_content] =>Après son essai L’Homme et le Bois (Gaïa, 2016), qui a été un best-seller international, Lars Mytting retourne à la fiction avec un roman historique qui s’est lui aussi hissé en tête des ventes en Norvège.
L’auteur ne délaisse pas pour autant son matériau de prédilection, puisque l’intrigue, située au fond d’une vallée perdue, tourne autour d’une stavkirke, une de ces églises médiévales en bois dont s’enorgueillit le royaume, et de ses deux cloches en argent, dont un homme, Eirik Hekne, a fait don au xviie siècle pour honorer la mémoire de ses filles siamoises décédées. Dans les années 1880, l’église et ses cloches font l’objet d’un projet de transfert dans la ville allemande de Dresde.
Sur cette trame se greffe une intrigue amoureuse entre une descendante d’Eirik, Astrid, employée par un pasteur moderniste, et l’architecte chargé du démontage de l’église. « Un alliage efficace de connaissances factuelles, d’imagination poétique et de travail sur la langue », estime le tabloïd Verdens Gang.
— Books no 95, mars 2019.
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