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Le monde va-t-il de mieux en mieux ou de mal en pis ? Les deux, semble-t-il. En janvier 2018, le magazine Time publiait un dossier intitulé « Les optimistes ». Rédacteur en chef invité du numéro, Bill Gates constatait que, dans l’ensemble, les choses s’amélioraient. Le même mois, le Bulletin of Atomic Scientists rapprochait de trente secondes les aiguilles de son « horloge de l’apocalypse » : la fin du monde était plus proche que jamais. Ladite horloge a été créée à la fin des années 1940 pour mettre en évidence le risque d’un holocauste nucléaire. D’autres menaces y ont été ajoutées depuis : le changement climatique en 2007, le bioterrorisme et l’intelligence artificielle en 2015. La liste n’est sûrement pas close. Les aiguilles de l’horloge ont été déplacées vingt-trois fois depuis 1947, le plus souvent en direction du pire. Mais ce n’est bien sûr qu’un gadget : la seule chose qu’elle mesure, c’est le degré d’inquiétude éprouvé par un groupe de scientifiques et d’universitaires.
À l’inverse, les optimistes intervenant dans le dossier du Time entendaient fonder leur vision plus riante sur une quantification précise, « étayée par des données », écrivait Gates – comme la réduction de moitié, depuis 1990, du nombre d’enfants morts avant leur cinquième anniversaire, la diminution de la proportion de la population mondiale vivant dans l’extrême pauvreté – passée de plus d’un tiers en 1990 à environ un dixième aujourd’hui –, ou encore l’augmentation, au cours du siècle dernier, du nombre de pays où l’homosexualité est un droit reconnu – passé de vingt à plus d’une centaine.
Il se peut aussi que le nombre de livres recensant les avancées positives ait augmenté. Au moins quinze sont parus en anglais depuis la publication, en 2000, de l’ouvrage de l’économiste Julian Simon, mort deux ans plus tôt, au titre éloquent : « Cela va sans cesse de mieux en mieux. Les 100 plus fortes tendances des 100 dernières années »1. Personne n’a encore inauguré une « horloge du paradis », qui marquerait nos progrès mesurables vers l’utopie, mais beaucoup de ces auteurs semblent entendre son tic-tac.
D’autres sont moins enthousiastes, car il n’y a pas de méthode évidente pour mettre en balance les bonnes et les mauvaises nouvelles. Le livre de Simon s’ouvre sur une préface discordante de sa veuve, Rita Simon, que l’optimisme de son mari mettait mal à l’aise2. Malgré les 146 graphiques qui regorgent de données encourageantes – allant de l’augmentation de l’espérance de vie à celle du nombre de dents dans la bouche des adultes et d’orchestres dans les villes américaines –, elle rappelait que le siècle dernier avait aussi vu la montée du nazisme, du stalinisme et du maoïsme, et la mort d’au moins 170 millions de personnes du fait de leur propre gouvernement.
Même quand les bonnes nouvelles sont légion, l’optimisme peut sembler dénoter un manque de cœur et une certaine naïveté, observe Hans Rosling dans son livre instructif Factfulness : « Parce que vous savez que d’énormes problèmes subsistent […], vous avez le sentiment que lorsque je dis que le monde s’améliore cela revient à dire que tout va bien. » Médecin et professeur de santé publique suédois décédé en 2017, Rosling préférait se qualifier de « possibiliste » : « Quelqu’un qui n’espère pas sans raison, pas plus qu’il ne craint sans raison […]. En tant que possibiliste, je vois tout le progrès qui a été accompli, et cela me donne la conviction et l’espoir que plus de progrès est possible. Ce n’est pas être optimiste […]. C’est avoir une vision du monde constructive et utile. » 3
Bill Gates ne renie pas le qualificatif d’optimiste, mais le redéfinit à sa façon : « Être optimiste, c’est s’inspirer de ceux qui contribuent au progrès […] et chercher à diffuser ce progrès plus largement. » Un tel pragmatisme avait été anticipé par George Patrick, philosophe et psychologue américain, dans un article de 1913 paru dans Popular Science. Il l’avait baptisé le « nouvel optimisme ». Selon lui, l’ancien optimisme disait : « Ne vous laissez pas abattre, car le monde est bon et beau » ; le nouveau dit plus modestement : « Ne vous laissez pas abattre, car vous pouvez rendre le monde bon et beau. » Sa formule n’a pas pris, peut-être parce que la Première Guerre mondiale a éclaté juste après et que l’optimisme n’était plus de saison.
Les optimistes d’aujourd’hui ont bien souvent du mal à convaincre que l’humanité connaît de grands progrès. Le problème n’est pas seulement qu’il y a débat sur ce qu’on peut considérer comme un progrès, ni que certains redoutent d’imminentes catastrophes. C’est aussi que presque tout le monde se trompe sur les données de base permettant d’évaluer l’état du monde. Rosling illustre ce fait surprenant avec brio et montre qu’il ne saurait s’expliquer par la simple ignorance.
Des décennies durant, il a distribué des questionnaires simples à divers publics dans le monde entier. En 2017, deux instituts de sondage ont soumis une version de son quiz à 12 000 personnes, dans 14 pays. Voici quelques-unes de ses questions à choix multiples :
Sur 12 questions de ce type, portant également sur l’espérance de vie moyenne, l’instruction des femmes, les espèces menacées et l’accès à l’électricité, une personne sur 12 000 a obtenu 11 bonnes réponses, aucune n’a eu tout bon et 15 % d’entre elles ont eu tout faux. Le nombre moyen de bonnes réponses était de 2,2 : c’est dire que la plupart des gens ont fait moins bien que s’ils avaient choisi leurs réponses au hasard (ce qui aurait donné une moyenne de 4 bonnes réponses). Comme l’écrit Rosling, des chimpanzés auraient fait mieux !
Le quiz de Rosling est conçu de façon que la bonne réponse à chaque question corresponde aussi à la manière dont toute personne bien intentionnée voudrait voir le monde (dans les trois exemples ci-dessus, la bonne réponse est C) Sur ces sujets, nous souffrons visiblement d’un biais contre les bonnes nouvelles – penchant contre lequel le savoir des experts ne semble pas être d’un grand secours. Rosling rapporte qu’un public de scientifiques de la santé a obtenu des scores encore plus mauvais que ceux des profanes à la question sur la vaccination. Ses résultats rejoignent ceux d’études similaires, dont une enquête couvrant 38 pays réalisée par Ipsos MORI en 2017.
Rosling impute nos perceptions erronées à une vision du monde « exagérément dramatique ». Il identifie dix habitudes de pensée qui y contribuent. La première est un « instinct de négativité » qui nous incite à prêter davantage attention aux choses désagréables qu’à celles agréables. Cet instinct résulte de trois facteurs principaux, nous dit Rosling : les mauvaises nouvelles sont fortement médiatisées et marquent les esprits ; nous gardons un meilleur souvenir du passé qu’il ne l’était ; et nous jugeons quelque peu inconvenant de s’attarder sur ce qui va bien alors que tant de choses vont mal. Il propose une série d’astuces utiles pour surmonter les habitudes mentales susceptibles de nous fourvoyer, et de conseils pour mieux interpréter et assimiler les données.
Dans Le Triomphe des Lumières, Steven Pinker se dit aussi mal à l’aise que Rosling avec l’étiquette d’« optimiste ». Mais alors que ce dernier entendait calmement réfréner notre « passion pour le drame », Pinker trépigne de colère. Il ridiculise les « pessimistes culturels moroses » qui répugnent à admettre l’existence du progrès, et vilipende de nombreux ennemis supposés des sciences et de l’humanisme, selon lui à l’origine de cette attitude. Il est si révolté par le « déclinisme » et la « progressophobie » de notre époque qu’il a tendance à se laisser emporter. Les « intellectuels détestent le progrès », écrit-il sans préciser sa cible. Les « gens » – le lecteur ne saura pas qui exactement, mais les « élites » littéraires et la « classe bavarde » sont ses boucs émissaires – trouveraient que sauver des milliards de vies et nourrir ceux qui ont faim est simplement « barbant ».
Le Triomphe des Lumières est à ce jour le livre le plus ambitieux dans le genre et il est tout sauf barbant. Truffé de graphiques, il documente les améliorations apportées à l’existence humaine, principalement depuis le xixe siècle. Thomas Gradgrind, le personnage des Temps difficiles de Dickens, se disait « prêt à peser ou à mesurer le premier colis humain venu, et à vous en donner exactement la jauge ». Comme Gradgrind, Pinker met sur les plateaux de son impitoyable balance la santé, la richesse, l’alimentation, le bonheur, l’environnement, la paix, les droits de l’homme… Sa conclusion : quantité de choses se sont améliorées un peu partout dans le monde.
Même les hasards du destin en ont pris un coup. Aux États-Unis, le risque d’être tué par la foudre a été divisé par 37 depuis le début du xxe siècle. Ce, grâce à divers types de progrès : traitements médicaux, prévisions météo, formation en matière de sécurité – auxquels s’ajoute l’exode rural. D’autres changements positifs sont moins faciles à expliquer, mais bien réels, comme l’effet Flynn, une augmentation significative des scores de QI au cours du xxe siècle – même si ces scores ont récemment diminué dans certains endroits [lire « Sommes-nous de plus en plus bêtes ? », Books n°112, novembre 2020].
Malgré sa portée plus large, Le Triomphe des Lumières est, d’un certain point de vue, mieux étayé que le précédent ouvrage de Pinker, La Part d’ange en nous, consacré au déclin de la violence au cours de l’histoire humaine [lire « Le désir de violence », Books n°38, décembre 2012]. Son nouveau livre se focalise sur la période récente, pour laquelle les données sont plus faciles à interpréter.
Reste que son enthousiasme à prêcher la bonne nouvelle l’aveugle de temps à autre. Un chapitre sur l’inégalité économique relève du tour de passe-passe rhétorique. Pinker entend réfuter l’idée que l’augmentation des inégalités dans certains pays est « le signe que la modernité n’a pas réussi à améliorer la condition humaine ». Sa réponse est qu’il ne faut pas confondre l’inégalité avec la pauvreté ou l’injustice. C’est un argument raisonnable. Mais lorsque les gens soutiennent que l’inégalité croissante est le contraire d’un progrès, ils contestent surtout la façon dont la richesse des nouveaux super-riches a été accumulée et l’excès de pouvoir politique qu’elle leur confère. Que le mot « inégalités » soit bien choisi ou non pour désigner ce problème est une question secondaire : l’important est qu’il s’agit d’une évolution regrettable.
Pour Pinker, la raison pour laquelle l’existence humaine a changé pour le meilleur au cours des deux derniers siècles est simple : « Les Lumières ont produit leurs effets – c’est peut-être là l'histoire la plus belle et la plus rarement racontée. » Il entend les Lumières au sens large : si le dernier tiers du xviiie siècle en a été le cœur, il inclut deux cent cinquante ans d’histoire européenne, depuis les pionniers intellectuels du début du xviie jusqu’aux aux libéraux de la première moitié du xixe siècle. Ce que ces penseurs avaient en commun, selon lui, c’était la conviction que nous pouvons et devons « exercer notre raison et nos facultés d’empathie pour favoriser l’épanouissement de l’homme ».
Voilà un bon slogan pour le long siècle des Lumières, mais Pinker n’entre guère dans les détails. Il brandit une bible qu’il ouvre rarement. Et lorsqu’il l’ouvre, il a tendance à y voir son reflet. Lui-même psychologue et athée, il voit en Montesquieu, Adam Smith, Kant, Diderot et autres penseurs du xviiie siècle des « neuroscientifiques cognitifs » et des « psychologues évolutionnistes » avant la lettre – tous avaient le projet d’une forme de science de l’homme. Il admet que « tous les penseurs du siècle des Lumières n’étaient pas athées » ; mais il serait plus juste de dire que presque aucun ne l’était.
Si Pinker n’explique pas précisément comment « les cadeaux du siècle des Lumières » ont été livrés, il est persuadé qu’on lui doit l’amélioration de notre condition. On peut pourtant se demander ce que les grands penseurs ont à voir là-dedans. Si Adam Smith a fait l’éloge de l’économie de marché, il ne l’a pas inventée. Quand Pinker observe que la révolution industrielle « a inauguré plus de deux siècles de croissance économique », on est tenté de se dire qu’elle mériterait, elle aussi, notre reconnaissance. Faut-il supposer que les Lumières sont responsables de la révolution industrielle ?
Les subtilités de l’Histoire ne sont pas l’affaire de Pinker. Son but est de promouvoir les valeurs des Lumières, à savoir « la raison, la science, l’humanisme et le progrès ». La science est décrite comme « le raffinement de la raison pour comprendre le monde ». Il fait un compte rendu bref mais stimulant des travaux des psychologues sur nos facultés de raisonner. Il définit ainsi l’humanisme : « l’objectif de maximiser l’épanouissement de l’homme ». Le caractère quelque peu nébuleux de ce qu’il promeut saute aux yeux dans le dernier tiers du livre, sorte de terrain de chasse où il traque ses bêtes noires, les ennemis réels ou supposés des Lumières.
Qui sont ces ennemis, selon lui ? La foi religieuse, le populisme autoritaire, le nationalisme, le moralisme théiste, le tribalisme, le mysticisme et jusqu’au mouvement romantique, trop détaché du réel pour accepter que « la paix et la prospérité [soient] des objectifs souhaitables ». Les intellectuels d’aujourd’hui représentent une menace à ses yeux, même quand ils ne sont pas nationalistes, religieux ou indûment romantiques. Ils ont tendance à être non seulement pessimistes et « progressophobes » mais aussi ouvertement hostiles aux autres valeurs des Lumières. Au lieu d’une évaluation sereine, sobre et chiffrée des données étayant sa documentation sur le progrès, il nous livre des jérémiades faiblement argumentées.
Il écrit que la raison, la science et l’humanisme sont traités par les penseurs d’aujourd’hui avec « indifférence, scepticisme et parfois mépris ». Ce sont les sciences humaines qui sont les plus malmenées dans cette trinité d’idéaux bafoués. Dans de « nombreux » établissements, elles sont enseignées comme « un récit ou un mythe de plus », et les programmes sont « souvent conçus pour en dégoûter » les étudiants. Qui plus est, de « nombreux » historiens des sciences pensent qu’il est « naïf de traiter la science comme la recherche d’explications vraies ». Incapable de produire des preuves tangibles de ce fléau antiscientifique, Pinker s’en prend aux bibliographies remises aux étudiants. Il évoque l’analyse de 1 million de supports de cours qui montre que La Structure des révolutions scientifiques de Thomas Kuhn est le deuxième ouvrage sur la science le plus recommandé aux étudiants. Il est vrai que ce livre a été exploité par certains pour promouvoir l’idée que la science est irrationnelle. Mais ce n’était pas le propos de Kuhn. Le Manifeste du parti communiste de Karl Marx est la deuxième lecture sur la politique la plus souvent imposée aux étudiants : les universités sont-elles pour autant truffées de communistes ?
Il dénonce aussi les intellectuels « furieux » de l’intrusion de la « science » dans les humanités. « Pas encore remises du désastre du postmodernisme », celles-ci refusent, selon lui, l’intégration de disciplines dont l’apport pourrait constituer l’« une des plus grandes contributions potentielles de la science moderne ».
Selon Pinker, la diabolisation de la science compromet ses progrès, ce pour deux raisons principales. D’abord, les bureaucrates soucieux d’éthique la corsètent. Il reprend à son compte les spéculations d’après lesquelles les rayons X et d’autres percées de la médecine n’auraient jamais franchi les barrières aujourd’hui érigées par les autorités de réglementation. Seconde raison invoquée : des étudiants brillants qui auraient pu faire des découvertes servant l’humanité préfèrent se lancer dans la finance, car on leur a enseigné que la science est une « rationalisation du racisme, du sexisme et du génocide ». Pinker ne cite aucune enquête à même d’étayer cette affirmation, oubliant le précepte qu’il professe aux déclinistes : « Regardez les chiffres : une anecdote n’est pas une tendance. »
Derrière les mouvements intellectuels récents « hostiles à la science », Pinker perçoit l’ombre portée de leur « parrain », Friedrich Nietzsche, qui incarne à ses yeux le « contraire de l’humanisme » et des valeurs des Lumières. Les écrits de Nietzsche ont en effet été invoqués par les fascistes, les nationalistes blancs et les antisémites, comme le rappelle Pinker, mais ils l’ont aussi été par les libéraux classiques, les socialistes, les féministes et les sionistes. Dans un de ses livres, Nietzsche a déclaré qu’il se rangeait du côté de l’« esprit des Lumières » ; dans un autre, il a attaqué les penseurs allemands pour leur avoir tourné le dos. Vers la fin de sa vie, il lui est arrivé de rendre les philosophes du xviiie siècle responsables de la Révolution française et d’autres maux, mais il restait un fervent admirateur de Voltaire.
Il n’est pas toujours facile ni utile de répartir les grands auteurs en pro et anti- Lumières, comme Pinker aime à le faire. Dans une librairie, j’ai vu Rousseau présenté comme un « penseur clé des Lumières », dans une autre, comme un « penseur clé des anti-Lumières ». Les deux assertions sont justes, et pas seulement parce que Rousseau était un homme complexe. Comment qualifier les auteurs qui partagent tout ou partie des idéaux des Lumières mais pour qui la façon dont ils sont mis en œuvre laisse encore à désirer ?
Un bon exemple est La Dialectique de la raison, un livre influent commencé pendant la Seconde Guerre mondiale par deux Allemands en exil aux États-Unis, Max Horkheimer et Theodor Adorno. Témoins de la montée de la barbarie dans l’Europe supposée éclairée, ils se sont demandé ce qui avait mal tourné. Ils ont appelé « les Lumières à réfléchir sur elles-mêmes si l’humanité ne veut pas être totalement trahie » et engagé une critique visant à formuler « un concept positif des Lumières capable de les libérer de leur compromission avec la domination aveugle ». On peut contester leur analyse, pas leur attachement au bien de l’humanité. Pinker ne fait pas suffisamment la distinction entre les valeurs des Lumières et les tentatives concrètes menées ici ou là pour les mettre en œuvre, de sorte que, pour lui, ce type de critique ne fait qu’illustrer un parti pris anti-Lumières.
Il est loin d’être le seul à penser que les critiques de la modernité ont sapé la foi de l’Occident dans le progrès. Dans son « Histoire de l’idée de progrès »4, le sociologue américain Robert Nisbet soutenait déjà en 1980 que les intellectuels avaient plus ou moins abandonné cette foi. Il pensait aussi avoir détecté que les jeunes des classes moyennes tournaient le dos à la science et à la raison ; une évolution de « mauvais augure ».
Pinker fait l’éloge du livre de Nisbet sans faire observer qu’il a été écrit il y a quarante ans. Les trois décennies qui ont suivi sa publication ont connu le progrès matériel le plus spectaculaire de l’histoire de l’humanité. Des centaines de millions de personnes en Inde, en Chine et ailleurs sont sorties de la pauvreté. Comme le montrent les graphiques de Rosling, la mortalité infantile, le travail des enfants, l’esclavage et bien d’autres maux ont continué à décliner après 1980, tandis que l’alphabétisation, l’immunisation, l’instruction des jeunes filles, l’accès à l’eau potable et bien d’autres bonnes choses ont continué à augmenter. Cela donne à penser que le type de scepticisme intellectuel à l’égard du progrès que Nisbet déplorait – et Pinker à sa suite – est sans effet notable sur le progrès lui-même. Alors, pourquoi en faire tout un plat ?
Quels sont ceux qui contribuent le plus à rendre les gens plus riches, plus sains, plus heureux et moins susceptibles d’être tués par la foudre ? Ceux qui soulignent ce qui va bien ou ceux qui soulignent ce qui va mal ? Rosling note que les progrès en matière de droits de l’homme, d’instruction des femmes, de secours en cas de catastrophe, et dans de nombreux autres domaines, sont souvent dus en grande partie aux militants persuadés que les choses empirent – même s’il pense aussi qu’ils pourraient obtenir encore plus de résultats s’ils étaient davantage disposés à admettre ce qui va mieux. Dans son invitation à l’optimisme, Bill Gates reconnaît que, pour améliorer le monde, « il faut que quelque chose vous rende furieux ». Se focaliser sur ce qui va mal n’est pas forcément un dysfonctionnement cognitif. Voltaire n’aurait pas mené ses campagnes contre les abus de pouvoir du clergé s’il s’était contenté d’observer que, statistiquement parlant, la plupart des prêtres étaient des personnes parfaitement décentes.
Lorsqu’il a concocté son « nouvel optimisme », George Patrick a fait valoir que l’insatisfaction devant l’état du monde n’est pas un défaut. Il y voyait au contraire « la voix du progrès proclamant son mécontentement face au présent et exigeant des améliorations ». Les nouveaux optimistes ne devraient peut-être pas oublier de remercier les vieux pessimistes pour les fruits de leur mécontentement.
— Anthony Gottlieb est un historien des idées. Ancien rédacteur en chef de The Economist, il a notamment publié The Dream of Reason (« Le rêve de la raison », 2000) et The Dream of Enlightenment (« Le rêve des Lumières »,2016).
— Cet article est paru dans The New York Review of Books le 7 février 2019. Il a été traduit par Olivier Postel-Vinay.
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Experts compris, tout le monde croit savoir mais se trompe sur les données de base permettant d’évaluer l’état du monde. Sait-on que le nombre de décès par an dus aux catastrophes naturelles a diminué de plus de moitié depuis un siècle ? Une ignorance préoccupante, car elle illustre la facilité avec laquelle l’opinion publique peut être manipulée. Nous montrons aussi que dans la sinistrose ambiante, les arguments les plus sérieux en faveur d’un optimisme raisonné ne sont pas entendus. Oublieux du passé, nous avons tendance à occulter les effets positifs du progrès pour ne relever que ses « dégâts ». Le premier article de notre dossier (ci-contre) met cependant en garde contre la tentation de fustiger à l’excès les pessimistes : sans leur action passée, le monde serait encore pire… L’article suivant invite à réfléchir sur la manière dont Sapiens a innové au fil de son histoire. Un peu comme l’évolution biologique, le progrès est le produit de dynamiques qui échappent largement aux individus. « C’est une force qui va ! », aurait pu dire Victor Hugo. Deux livres qui mettent en cause le catastrophisme climatique sont ensuite analysés. Pour finir, et avant de laisser la parole à Voltaire, nous proposons une méditation sur le nouveau rôle que joue la peur dans nos sociétés et sur l’obsession sécuritaire qui en découle.
— Books
Dans ce dossier :
Préférez-vous les lunettes roses ou les lunettes sombres ?, Anthony Gottlieb (The New York Review of Books)
Quelques idées fausses sur l’innovation?, par Logan Chipkin (Quillette)
Changement climatique : pas de panique !, par Calum Chance (Forbes)
Peut-on raison garder ?, par John Horgan (Scientific American)
Nos sociétés sont malades de la peur, par Gavin Jacobson (The Times Literary Supplement)
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Pour les Français, c’est une vérité universellement reconnue : leur système de santé est le meilleur du monde. Qu’en pensez-vous ?
Je ne suis pas sûr d’être d’accord ! Mais c’est une affirmation intéressante parce qu’on la retrouve aussi bien dans la bouche des Hollandais, des Suisses ou des Australiens que dans celle des Allemands ou des Italiens. Chacun vit dans sa bulle, et, tant qu’on se contente d’un regard superficiel sur ce qui existe à l’étranger, on peut effectivement avoir l’impression de disposer de ce qui se fait de mieux. La santé est le domaine par excellence des idées reçues, et on ne manque jamais d’anecdotes montrant pourquoi tel pays (le nôtre, en général) est formidable ou tel autre (le voisin ou les États-Unis) lamentable. Pour en revenir au système français, je n’ai pas bouclé mon enquête en ayant le sentiment qu’il était le meilleur de tous… Il a des atouts : une grande liberté dans le choix des médecins, un coût des soins et des médicaments bien contrôlé. Mais il est peu innovant. Il souffre d’une trop grande fragmentation et donc d’un manque de coordination entre ses différents acteurs. On doit apporter ses propres radios à son médecin ou refaire plusieurs fois les mêmes examens, car il n’existe pas de dossier unique, informatisé, accessible aux divers praticiens auxquels le patient a affaire1. Or la bonne coordination des soins est un enjeu majeur de l’avenir : sans elle, on ne peut pas imaginer traiter convenablement les maladies chroniques, comme le diabète ou les cardiopathies, dont l’importance va croissant. En outre, la médecine préventive, que ce soit sur le plan de la vaccination ou sur celui de la détection des cancers grâce aux scanners, laisse encore un peu à désirer en France. Enfin, les infirmières pourraient être mieux employées et mieux payées. Elles sont presque les seules au monde à gagner moins que le travailleur moyen !
Mais l’Organisation mondiale de la santé n’a-t-elle pas placé la France en première position de son classement ?
Il existe beaucoup de classements, et aucun d’eux ne m’inspire confiance. Celui que vous citez a été publié il y a plus de vingt ans et n’a pas été mis à jour. Il mettait l’accent sur cinq grandes catégories de soins et les pondérait au hasard. Sa méthodologie a été critiquée au motif qu’elle favorisait certains pays, en premier lieu la France. Au bout du compte, il propose de beaux graphiques, mais le résultat ne passe pas le test du bon sens. Je conçois très bien que les systèmes de santé d’Oman, de la Grèce, du Portugal, de la Colombie ou de Chypre puissent être classés plus haut que celui des États-Unis. Est-il crédible, en revanche, qu’ils surclassent aussi ceux de l’Allemagne, du Canada, de l’Australie et du Danemark ?
Quelle est la spécificité de l’approche que vous proposez dans votre livre ?
Il est très compliqué de savoir à quoi les gens tiennent le plus dans leur système de santé. Ils ont beaucoup d’exigences, très différentes selon les pays : certains veulent avoir le choix, pouvoir consulter les médecins qu’ils veulent, quand ils le veulent ; d’autres veulent que ça ne coûte pas cher ; d’autres encore ne veulent pas avoir à attendre longtemps. Nombre de ces exigences sont difficilement quantifiables : avoir le choix entre deux médecins, est-ce suffisant ? Ou faut-il pouvoir choisir entre cinq, dix, cinquante ? J’ai essayé de saisir ce non-quantifiable. Pour ce faire, je décris onze systèmes de santé en les inscrivant dans leur histoire, souvent déterminante si l’on veut comprendre leurs particularités. J’examine, notamment, la couverture qu’ils offrent, la façon dont ils sont financés et dont les soins sont payés, la qualité de ces soins, bien sûr, ou encore la réglementation du prix des médicaments.
À quelle conclusion arrivez-vous ?
À celle qu’il n’y a sans doute pas de « meilleur » système de santé du monde. Aucun pays ne peut exceller sur tous les tableaux. L’un peut offrir un choix extraordinaire – permettant aux patients d’utiliser tous les services qu’ils souhaitent – mais ne pas s’illustrer dans l’optimisation des ressources ou la qualité des soins. Un autre, qui, lui, excellera dans l’optimisation des ressources, ne brillera pas par la simplicité ou l’innovation. Et un autre, qui se distinguera dans l’innovation, ne fournira pas des soins de la plus haute qualité. Prenons le Canada : il offre une couverture universelle pour les soins. On peut aller voir les médecins qu’on veut, y compris des spécialistes, sans passer par un médecin traitant. On ne paie aucune franchise pour les consultations, les scanners ou les IRM. Un système idéal, n’est-ce pas ? Sauf que cette couverture universelle ne s’étend pas aux médicaments ! Or leur prix, moins bien négocié que dans d’autres pays comme la Norvège, le Royaume-Uni, l’Australie ou la France, y est élevé. Certains patients en sont réduits à prendre leurs pilules un jour sur deux, à interrompre leur traitement ou bien à économiser sur la nourriture ou le chauffage pour pouvoir le poursuivre.
Vous notez tout de même que quatre pays sortent du lot : l’Allemagne, les Pays-Bas, la Norvège et Taïwan. Pouvez-vous expliquer pourquoi ?
Tous ces pays, comme d’ailleurs tous ceux que j’étudie dans le livre, à l’exception notable des États-Unis, fournissent une couverture médicale à peu près universelle. L’Allemagne constitue un paradis consumériste pour les patients, qui accèdent librement à n’importe quel médecin ou hôpital du pays, bénéficient de soins abordables et n’ont à subir aucun délai d’attente. Si l’on souhaite voir dix médecins dans la journée, on le peut, et sans payer cher. Les lacunes du système allemand sont : une mauvaise coordination entre médecine hospitalière et médecine ambulatoire, ainsi qu’un nombre excessif de lits d’hôpitaux, ce qui induit une importante surutilisation des soins hospitaliers (les études montrent que plus on dispose de lits d’hôpitaux, plus on est tenté de les occuper) et une absence d’incitation à innover, en particulier à améliorer la qualité des soins.
Taïwan est un cas très intéressant. Les Taïwanais sont parvenus à développer une couverture universelle en très peu de temps, à partir du milieu des années 1990. Et ils ne se sont pas contentés de rattraper les systèmes de santé des pays avancés : ils ont su innover en mettant en place un dossier médical électronique tout à fait exemplaire. Le dossier du patient est accessible à tout praticien du système de santé. On peut consulter le médecin de son choix, se rendre dans n’importe quel hôpital et même passer des examens sanguins ou une IRM sans ordonnance ! Les soins, comme les médicaments, sont bon marché et les dépenses globales de santé, beaucoup moins élevées que dans les autres pays : 6 % du PIB, moitié moins qu’en France et trois fois moins qu’aux États-Unis. Dans un tel système, le revers de la médaille devrait être de longues files d’attente. Or même pas : les temps d’attente semblent inexistants, même pour les soins spécialisés. La contrepartie, ce sont, en fait, des médecins qui voient de cinquante à cent patients par jour, ont des horaires démentiels, sont largement sous-payés et frisent le burn-out. À Taïwan, oubliez la relation médecin-patient. La qualité des soins peut évidemment s’en ressentir. De plus, les hôpitaux, spartiates et impersonnels, n’apparaîtront ni chaleureux ni agréables selon nos critères.
Qu’en est-il de la Norvège et des Pays-Bas ?
Ces deux pays se caractérisent par le rôle essentiel des médecins traitants généralistes : on les choisit librement. Mais, l’accès aux spécialistes n’est, lui, pas du tout libre. Rien à voir avec ce qui existe en France, où les médecins traitants sont aisément contournés et ne jouent pas vraiment le rôle de « filtre » entre les patients et les soins spécialisés. À vrai dire, le système hollandais est peut-être le plus impressionnant de tous : autant la Norvège a des temps d’attente jugés excessifs, autant les Pays-Bas n’ont aucun mauvais résultat, quel que soit le critère. Leurs médecins sont moins interventionnistes qu’ailleurs, ont une culture du « ça va s’arranger » qui peut laisser perplexe un étranger habitué à se voir prescrire des antibiotiques au moindre rhume. Pour le traitement des maladies chroniques, comme le diabète, ils sont parmi les meilleurs du monde, peut-être les meilleurs, associant haute qualité des soins et faible taux d’hospitalisation. Idem pour le soin des maladies mentales, un des gros problèmes actuels au niveau mondial. Les généralistes sont chargés de traiter les maladies mentales légères et 88 % d’entre eux emploient des infirmières formées pour ça. D’une façon générale, les Pays-Bas sont plus innovateurs que la plupart des autres pays.
Les États-Unis sont le seul grand pays développé à ne pas proposer de couverture médicale universelle à sa population. Leur système de santé est l’un des pires du monde. Votre livre souligne que ses défauts ne se limitent pas à l’inégalité dans l’accès aux soins. Il est aussi d’une complexité kafkaïenne…
Vous avez parfaitement raison. Une petite mésaventure personnelle : au début de l’été, mon médecin m’a prescrit un examen sanguin. Je suis allé le faire dans un laboratoire. Cinq mois plus tard, je suis toujours en train de débattre à propos des 550 dollars que j’ai dû débourser. Mon médecin a mis le mauvais numéro sur l’ordonnance. Je dois jongler entre trois interlocuteurs différents, qui se renvoient la responsabilité : l’assurance, le laboratoire et mon médecin. J’ai passé des heures au téléphone pour régler ce problème. C’est insensé ! C’est le système américain.
On trouve aux États-Unis pratiquement tous les types de financement de la santé jamais inventés – médecine socialisée (VA, pour les anciens combattants), payeur unique (Medicare et Medicaid, qui couvrent respectivement, en simplifiant un peu, les personnes âgées et les plus démunis), payeur unique géré par une assurance privée (Medicare Advantage et Medicaid Managed Care), assurance privée fournie par l’employeur (c’est le cas le plus répandu) et souscription individuelle de son assurance. Un tel foisonnement est absurde. Cela n’empêche pas 10 % de la population de ne pas disposer d’une couverture santé alors même qu’une part non négligeable de ces 10 % serait éligible à un programme existant : 6 millions d’Américains pourraient ainsi prétendre à Medicaid mais ne le font pas, à cause de l’opacité et de la lourdeur du système.
Cette opacité est particulièrement frappante au niveau des assurances privées, lesquelles, comme je l’ai dit, constituent le gros du système. Les assurés ont du mal à savoir qui elles couvrent et ce qu’elles couvrent réellement : chaque assurance a son propre réseau de médecins et d’hôpitaux, souvent mouvant et effroyablement complexe. Un hôpital relevant d’un réseau peut, par exemple, employer certains médecins qui, eux, relèvent d’un autre réseau ! Si l’on ajoute à cela la complexité des différents niveaux de franchise et des factures, on comprend bien pourquoi plus personne, y compris au sein des populations les plus instruites, ne s’y retrouve.
Votre livre révèle un étonnant paradoxe : puisqu’un assuré américain n’est pas censé sortir du réseau proposé par son assurance (s’il ne veut pas payer des frais astronomiques), le choix du médecin ou de l’hôpital est beaucoup plus limité aux États-Unis, pays autoproclamé de la liberté, que dans la plupart des autres pays et notamment en France.
Tout à fait. Les États-Unis pèchent dans à peu près tous les domaines, même dans la liberté de choix des médecins qu’on peut consulter. Et le pire est que ce piètre résultat a un coût faramineux : 17,9 % du PIB en 2017, soit 11 000 dollars par personne. C’est 27 % de plus que le deuxième pays le plus cher, 50 % de plus que la plupart des autres pays. Cela est lié non seulement aux prix élevés des services de santé, mais aussi à celui, exorbitant, des médicaments. Pour vous donner une idée, les Américains, qui représentent moins de 4,5 % de la population mondiale, sont responsables de presque la moitié des dépenses mondiales de médicaments. Non parce qu’ils en consomment plus que les autres, mais parce que ces médicaments sont en moyenne 56 % plus chers qu’en Europe. Les États-Unis sont le seul pays qui accorde le monopole aux laboratoires pharmaceutiques par le biais de brevets et de l’exclusivité de commercialisation, ce qui leur permet de fixer librement les prix. Or mon enquête révèle qu’il est possible de réglementer le prix des médicaments sans retarder ou restreindre leur accès, ni étouffer l’innovation.
Dans votre livre, vous vous montrez néanmoins plutôt optimiste sur l’avenir du système de santé américain. Pourquoi ?
Autrefois, dans les années 1950 et 1960, les États-Unis disposaient des meilleurs soins de santé du monde. Encore aujourd’hui, dans certains établissements et pour certaines maladies comme le cancer, ils offrent des soins fantastiques. Paradoxalement, le système est devenu tellement dysfonctionnel qu’il est contraint de se montrer innovant. Je ne parle pas seulement du développement de nouveaux médicaments, mais surtout de la façon dont on administre et paie les soins. Par exemple, à cause des prix démentiels des hôpitaux, ainsi que des taux élevés d’infections et de complications qu’on risque d’y contracter, des efforts considérables sont déployés pour offrir en ambulatoire et à domicile ce qui relevait jusqu’à présent des soins hospitaliers. Pour les maladies chroniques, d’excellents modèles de coordination des soins ont été mis en place.
De même, parce que le mode de paiement à l’acte incite à la surprescription d’examens, de traitements et de soins inutiles mais très lucratifs, les États-Unis sont en tête dans le développement de modes de paiement alternatifs, en particulier le paiement groupé, qui évite d’avoir à payer pour chaque acte médical. Cette capacité d’innovation est l’une des raisons pour lesquelles je suis optimiste quant aux performances à long terme du système américain. Et je ne désespère pas de le voir, dans les dix ou vingt prochaines années, redevenir l’un des meilleurs du monde.
Ce qui peut surprendre, c’est que les systèmes de santé américain et britannique n’ont rien à voir l’un avec l’autre. Ils sont même presque opposés point par point. Comment se fait-il que des pays, si proches par ailleurs et aux évolutions souvent parallèles, aient pu prendre des voies si divergentes ?
Il faut en revenir à l’Histoire. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, les deux pays se sont retrouvés dans des situations très différentes. Les États-Unis étaient la superpuissance mondiale. Ils étaient riches. Pas une seule bombe n’était tombée sur leur territoire continental : Hawaii avait été attaqué, mais pas la Californie ni New York. Les usines étaient intactes. Nous produisions pour le monde entier. Le Royaume-Uni, lui, était dévasté, le peuple britannique avait beaucoup souffert. Il voulait une compensation. Ce fut le National Health Service, la première couverture universelle jamais mise en place (la fameuse sécurité sociale instaurée par Bismarck dans les années 1880 en Allemagne, et toujours prise pour modèle, était réservée à certaines catégories de travailleurs et couvrait à peine 10 % de la population). Aux États-Unis, nous considérions cela comme du « socialisme ». Des tentatives ont bien été faites pour imiter la Grande-Bretagne. En 1946, la Californie a failli mettre en place une couverture médicale universelle. Mais la proposition de loi fut refusée à une voix près au Parlement de l’État. Une seule voix ! Si cette loi était passée, la trajectoire de l’Amérique aurait été très différente en matière de santé. Cela aurait démontré qu’on pouvait avoir une sécurité sociale tout en contrôlant les coûts.
Pourquoi ne classez-vous pas le système de santé britannique parmi les meilleurs ? Il apparaît pourtant dans votre livre comme juste, bon marché et plutôt efficace.
Les gens se plaignent beaucoup des temps d’attente, de la difficulté d’accès à certaines technologies. Et, comme l’hôpital est bon marché, les Britanniques n’ont pas innové dans la prise en charge des patients à domicile. Mais, encore une fois, c’est une question de compromis. J’ai vécu en Angleterre, à la fin des années 1970 et au début des années 1980, pendant deux ans. J’y étudiais. Je n’avais jamais eu besoin de lunettes et, soudain, impossible de voir ce qui était écrit sur le tableau noir. Je suis allé consulter un ophtalmo. Personne ne m’a demandé un centime. Et j’ai eu droit à des lunettes. Pour 5 livres ! En Grande-Bretagne, si l’on augmentait les dépenses médicales de 1 % du PIB, qu’on les alignait sur ce que paie la France, il n’y aurait sans doute plus aucun problème, tout irait bien. Ils tirent sur la corde depuis des décennies, mais le système est structurellement bon. Ce n’est pas comme aux États-Unis, où il faut tout refondre.
À propos de réformes, et pour conclure, y a-t-il des règles de bonne conduite qui puissent s’appliquer à tous les pays ?
Tout système de santé est compliqué, de façon inhérente : il y a les hôpitaux, la médecine ambulatoire, le privé, le public, les médecins généralistes et les spécialistes, les maladies chroniques, les maladies de longue durée, etc. Donc, dès que c’est possible, de la simplicité : ce serait ma règle d’or.
Merci de nous avoir accordé cet entretien.
Si vous le permettez, j’aimerais ajouter quelque chose sur la France, qui me revient et qui est important. Il y a un domaine dans lequel elle s’en sort incroyablement bien : tout ce qui a trait à la grossesse, à la puériculture, à l’accompagnement des familles. Aux États-Unis, nous aimons dire que les enfants sont notre plus grande richesse. Mais nous n’y croyons pas vraiment : contrairement à la France, nous n’investissons pas en eux. Cela dépasse le cadre du simple système de santé et c’est pourquoi mon livre ne traite pas de cette question. Mais, si j’en écrivais un autre, qui tienne compte de l’interaction plus globale entre système de santé, éducation et programmes sociaux, peut-être que, cette fois, la France se retrouverait à la première place.
— Propos recueillis par Baptiste Touverey.
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«Voici venu le temps où un internaute anonyme, qui écrit sur des forums sous le pseudonyme de Malcolm XD – en référence à l'émoticône xD qui rit aux éclats – vend plus de livres que les écrivains de renom. Et où les jeunes Polonais connaissent mieux son post “Mon vieux est un pêcheur fanatique” que “Lituanie ! Ô ma patrie…” [début de Pan Tadeusz, du grand poète romantique Adam Mickiewicz, NDLR] », écrit le quotidien Gazeta Wyborcza. L’idole des internautes séduit même les critiques les plus exigeants. Peu importe la simplicité de ses intrigues et de son style, « le fils caché d’Elena Ferrante et Banksy » fait partie intégrante du paysage littéraire polonais.
Deux de ses livres sont des best-sellers, à commencer par « Émigration », son premier roman tiré de sa propre expérience de jeune Polonais débarqué en Angleterre. Le provincialisme, la drogue, la prostitution, les divisions ethniques, l'errance, l’élitisme y sont abordés avec un sens de l’observation et de l’humour salué par la critique. Bien que celle-ci soit parfois déstabilisée par son rejet du politiquement correct : « J’écris sur les situations les plus extrêmes, les plus inflammables, les plus drôles, les plus hard-core, parce que c’est intéressant, se justifie Malcolm XD dans la revue Krytyka Polityczna. Dans un livre, le pathologique est plus intéressant que le normal. » Puis il y a eu Pastrami, recueil de textes publiés sur les forums et les réseaux sociaux depuis 2012. Le site Culture.pl y voit une « satire efficace du monde. Les relations humaines y sont disséquées avec précision et originalité, dressant le portrait d’une réalité hypocrite et absurde. »
« On peut bien sûr dénigrer ses textes et juger que tout le monde peut écrire sur Internet, poursuit Culture.pl. Cependant, lorsque ces posts sont publiés – de plus par W.A.B., un acteur sérieux du marché de l’édition –, on ne peut pas les prendre à la légère. Et quand “Mon vieux est un pêcheur fanatique” est adapté au cinéma et que le premier rôle est joué par Piotr Cyrwus1, il n’est plus possible de parler de blague. » Spidersweb enchérit : « Peut-être est-il temps d’arrêter de fétichiser les livres, les imprimés, les couvertures épaisses et d’intégrer le fait que la littérature est partout, même si elle est parfois parsemée d’émoticônes et de gros mots. Pastrami est la preuve flagrante que la différence entre un post Facebook et un livre publié chez un éditeur respecté se réduit. »
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Quiconque s’intéresse de près ou de loin à la vie intellectuelle mexicaine connaît Héctor Aguilar Camín. Historien de formation et journaliste, il est l’auteur d’une douzaine de romans qui interrogent l’héritage culturel et politique du Mexique. Chacun de ses livres est un événement, et Plagio ne déroge pas à la règle. Pourtant, il s’agit d’un « roman très différent de ses thrillers politiques précédents. C’est un ovni dans l’œuvre d’Aguilar Camín », note le quotidien El Heraldo de Mexico. Avec Plagio, Aguilar Camín signe la chronique d’une chute, celle du personnage principal – un écrivain membre de l’élite culturelle mexicaine et titulaire d’un poste important à l’université. Alors qu’il vient de recevoir un prix littéraire, on l'accuse de plagiat concernant certains passages de son livre. Notre héros a en effet la fâcheuse habitude de ne pas s’embarrasser de guillemets lorsqu’il cite un autre écrivain. Puis c’est l’engrenage. Des dizaines d’intellectuels signent une tribune exigeant qu’il restitue son prix et démissionne de son poste à l’université.
Quelques jours plus tard, quand l’instigateur de la cabale montée contre lui est retrouvé poignardé, il devient le principal suspect.
Sous couvert d’intrigue policière, Aguilar Camín esquisse un portrait au vitriol de l’intelligentsia mexicaine, avec son lot de jalousies et de luttes intestines. L’engouement des lecteurs mexicains pour Plagio n’est d’ailleurs pas sans rapport avec le vaste scandale qui avait secoué le pays en 2012, lorsque le romancier Sealtiel Alatriste avait été accusé de plagiat quelques jours après avoir reçu le prix Xavier-Villaurrutia. Comme le protagoniste du roman, il avait dû renoncer à son prix et à ses fonctions à l’Unam, l'Université nationale autonome du Mexique.
« Ceux qui entendent lire Plagio à travers le seul prisme des cancans de notre vie littéraire passeront à côté de certaines qualités majeures du livre : son ironie, par exemple, et la maestria avec laquelle sont décrits les heurs et malheurs du personnage », pointe le quotidien mexicain Milenio. En effet, l’intention première d’Aguilar Camín n’est pas de relater un scandale mais plutôt de livrer une réflexion sur le processus de création littéraire. Qu’est-ce que le plagiat quand toute la littérature n’est qu’une suite d’influences, d’emprunts, de réemplois ? « Quand on parle espagnol aujourd’hui, il est impossible de ne pas plagier Borges ou García Márquez. Parce que leurs tournures de phrases, leurs métaphores, leurs images, leurs atmosphères, leurs mots ont tellement pénétré notre langue qu’ils font désormais partie intégrante de celle-ci », a-t-il déclaré au quotidien espagnol El País. Et l’écrivain de conclure que le plagiat est sans doute la forme d’admiration la plus sincère.
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Né en 1965 à Séoul et arrivé aux États-Unis à l’âge de 3 ans, Chang-rae Lee appartient à la génération des écrivains asio-américains à succès dont les histoires se nourrissent de l’expérience de l’immigration. Citons notamment Viet Thanh Nguyen, Prix Pulitzer 2016 pour Le Sympathisant (1 million d’exemplaires). Le sixième roman de Chang-rae Lee est, « comme les précédents, explicitement transnational », souligne The New York Times.
Le narrateur, Tiller, est un étudiant qui traîne son ennui et un huitième d’ascendance coréenne dans une banlieue du New Jersey. Il rencontre Pong, fils d’immigrés chinois, qui a grimpé l’échelle sociale jusqu’à devenir un entrepreneur hyperactif. Pong l’embarque dans une folle virée marketing en Asie, de Hawaii à Shenzhen et Macao, décrite par The New York Times comme une « chevauchée picaresque, déjantée, drôle, ambitieuse, pleine de sexe et de dangers ». Un an plus tard, Tiller retrouve sa vie d’ombre dans une banlieue métissée du New Jersey, chez une copine au quart chinoise, qui doit, avec son fils, se cacher d’un homme violent. Pour The Washington Post, Lee raconte « ce que cela fait de sortir de l’anonymat et explore le désir fondamental d’être vu et d’aimer ».
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Pour sonder les états d’âme des Allemands, rien de tel qu’une plongée dans la liste des vingt best-sellers « catégorie non-fiction » publiée par l’hebdomadaire Der Spiegel. Verdict : par ces temps de pandémie, les Allemands cherchent avant tout un antidote à la déprime et une boussole dans la confusion ambiante.
Témoin cet essai catapulté dès sa publication vers les sommets du palmarès : « La plus petite réalité commune », sous-titré : « Vrai, faux, plausible. Les grandes questions polémiques de la science sur la sellette ». Mai Thi Nguyen-Kim, chimiste de 33 ans, fait la peau aux complotistes et aux propagateurs de fake news. Grâce à sa chaîne YouTube « maiLab », qui a engrangé des millions de vues en 2020, elle est devenue l’une des stars de la pandémie ; elle a été décorée de la croix fédérale du Mérite et citée par Angela Merkel devant le Parlement. Elle répond avec humour et sérieux à des questions du grand public : l’intelligence est-elle héréditaire ? Faut-il légaliser les drogues ? L’homéopathie est-elle efficace ?
Dans un autre genre, Susan Sideropoulos, starlette d’un feuilleton télé archicélèbre outre-Rhin, propose dans Rosarotes Glück (« Le bonheur rose bonbon ») une recette miracle aux troubles existentiels : chausser des lunettes aux verres roses et penser positif. Sa devise : « Le monde n’est pas comme il est, il est comme nous sommes. »
Mais les Allemands se cherchent aussi des héros. Ils les trouvent de l’autre côté de l’Atlantique, avec le couple Obama (Barak se positionne en 4e place et Michelle cavale dans le peloton de tête depuis cent vingt et une semaines !) mais aussi Bill Gates (pour son livre sur la catastrophe climatique) et la vice-présidente Kamala Harris (dans une biographie).
Le livre qui trône au sommet des ventes est plus surprenant et guère réconfortant : dans Komplett Gänsehaut (« Totalement horripilant »), Sophie Passmann, une animatrice radio de 27 ans qui vit à Berlin, livre un pamphlet acide sur sa propre génération de quasi-trentenaires issus de la classe moyenne qui passent leur temps à râler.
À l’autre extrémité du palmarès, en 20e position, vient de surgir Hitlers Vater (« Le père d’Hitler »). L’historien autrichien Roman Sandgruber est tombé sur trente et une lettres écrites par Alois Hitler, le père d’Adolf. Son succès confirme la règle bien connue des éditeurs allemands : Hitler fait vendre.
— Pascale Hugues est correspondante à Berlin de l’hebdomadaire Le Point et chroniqueuse au Tagesspiegel. Elle est l’auteure, notamment, de Marthe et Mathilde et La Robe de Hannah (Les Arènes, 2009 et 2014).
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Ce 26 décembre 1962, il neige sur le manoir de Sissinghurst, dans le Kent, où la jeune Juliet Nicolson passe Noël en famille. Le lendemain aussi, il neige, et la fillette de 8 ans s’émerveille : « Les murs, les pelouses, les statues, les vasques » du parc ont comme disparu. Le surlendemain encore et dix semaines durant, jusqu’au 6 mars 1963, il neige sur le Royaume-Uni. Prise dans la vague de froid qui balaie alors l’Europe, l’île connaît l’hiver le plus glacial depuis 1895.
Près de soixante ans plus tard, l’écrivaine Juliet Nicolson livre avec Frostquake la chronique d’une société britannique frappée de plein fouet par un cataclysme climatique. Trois mois de chaos bien vite jetés aux oubliettes des accidents sans suite. À tort, estime l’auteure. Elle a plongé dans les journaux de l’époque et dans ses souvenirs pour en tirer un « agréable mélange d’histoire sociale et de souvenirs personnels », estime Trevor Phillips dans The Sunday Times. Et Nicolson d’avancer que la glaciation a eu pour effet le dégel d’une Angleterre conservatrice. « D’après l’auteure, l’hiver du siècle a catalysé le changement social dans une nation qui était encore, à la fin de l’année 1962, sous l’emprise de la morale edwardienne et qui s’est réveillée au printemps suivant, chevauchant gaiement les Swinging Sixties », poursuit Phillips. Un monde d’avant, un monde d’après… La rengaine est de saison. Publié en pleine pandémie de Covid-19, Frostquake figure parmi les grands succès éditoriaux du moment en Grande-Bretagne.
Le tableau de cet hiver-là, croqué par Juliet Nicolson, est surréaliste. On circule à skis dans Londres. À Oxford, on traverse la Tamise en voiture tandis que les trottoirs de Manchester disparaissent sous deux mètres d’une neige qui engloutit les mégalithes de Stonehenge. Au zoo de Paignton, des gardiens se relaient pour veiller à ce que les singes ne franchissent pas la fosse gelée. Le 14 janvier, The Guardian titre : « Les gens meurent de froid ». Un laitier, dans sa camionnette ; une famille, piégée dans une voiture en panne. L’air de la capitale est jaune des poêles à charbon, au point que les Londoniens désertent pubs, parcs et stades. Les canalisations explosent dans les appartements, même dans celui, très chic, des parents de Juliet, à Londres. L’écrivaine se revoit faisant la queue à la citerne publique, avec une certaine excitation. Elle est fille d’aristocrates lettrés et, de fait, Frostquake chronique aussi la vie d’une haute société transie, ce qui fait partie de son charme, et de sa faiblesse. Gillian Tindall, dans The Times Literary Supplement, reproche à Nicolson de ne pas mentionner l’« eau gelée dans les toilettes » situées à l’extérieur pour 6 millions de Britanniques. Elle salue néanmoins un « livre à large spectre ».
L’écrivaine sonde en effet l’Angleterre bien en deçà de sa couverture neigeuse pour mettre au jour une société dont le corset craque. « La seule télévision à Birch Grove (demeure du Premier ministre Harold Macmillan), dans le Sussex, se trouve dans le salon des domestiques », relève-t-elle. Cet hiver-là, la star d’un feuilleton comparaît en justice pour avoir souri à un homme dans un urinoir. Dans le même temps, la pilule se banalise et les Beatles enregistrent leur premier tube. Côté politique, « c’était la guerre froide », rappelle The Sunday Times. Mais aussi, l’heure des débats sur l’ouverture à l’Europe. Et, surtout, le scandale Profumo, du nom du secrétaire d’État à la Guerre, accusé de s’être compromis avec un mannequin de 19 ans. L’affaire, qui scellait la désacralisation des mœurs des puissants, allait faire tomber les conservateurs. « Un an plus tard, le travailliste Harold Wilson était Premier ministre et soufflait un vent de réformes incluant la décriminalisation de l’homosexualité, l’abolition de la peine capitale, l’interdiction de la discrimination raciale », note Brian Groom dans le Financial Times.
L’évocation de l’époque séduit. Le lien entre météo et dégel social ne convainc pas. « La pilule était autorisée aux femmes mariées dès 1961, et John Profumo n’a pas découché pour qu’on lui tienne chaud », lance, dans The Guardian, Kathryn Hugues, qui concède toutefois : « Le grand froid est à l’origine du passage des bas aux collants. » Quoi qu’il en soit, estime Trevor Phillips, « la révolution a fait long feu. Le pays vit à nouveau une glaciation, avec des écoles fermées et une récession à l’horizon. Nous sommes à nouveau en dehors de l’Europe. Le Premier ministre est encore un ancien élève d’Eton. » Comme Macmillan, né en 1894.
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Je suis profondément attristée et en colère. Votre revue, source de réflexion et de compréhension, aurait dû être déclarée d’intérêt public.
— Gisèle Onno
Cher Books, bien souvent, je n’ai pas été d’accord avec toi, mais nos divergences n’ont fait qu’aiguiser davantage mon esprit critique… La disparition de Books est regrettable et, hélas, symptomatique de notre époque où seule la pensée facile semble avoir droit de cité. Le débat d’idées est mort, vive le débat d’idées !
— Bernard Bernolli
Abonnée depuis un an seulement, je suis littéralement et littérairement tombée amoureuse de votre magazine. Vous faites un travail extraordinaire.
— Anne-Louise Luquin
Abonné depuis très longtemps, je voudrais vous faire part du plaisir que j’ai eu à lire Books : les recensions longues et complètes de livres que je n’aurais jamais eu le temps de lire – comme les articles sur des livres parus dans des langues que je ne lis pas et qui ne seront jamais traduits sans doute. J’aime toujours vos rubriques originales comme le « mot manquant » ou le palmarès des ventes dans les autres pays.
— Pascal Penaud, Paris
Je suis Books depuis ses débuts. Ce magazine m’a beaucoup appris. Il a fortement influencé mes jugements et aiguisé mon esprit critique. Il était devenu ma lecture de référence. Je conserve ma collection qui reste d’actualité et dont je pourrai faire lire quelques numéros à mes petits-enfants quand il s’agira de les faire réfléchir à certains sujets sensibles, de développer leur ouverture d’esprit et de leur donner le goût de la lecture (c’est d’ailleurs le seul reproche que je fais à Books : après chaque nouveau numéro, mes factures de librairie avaient tendance à augmenter).
— Patrick Philippot, Paris
Je suis une abonnée de la première heure. Vous m’avez inspiré la lecture de dizaines de livres. Je vous en suis très reconnaissante. Vous allez me manquer.
— Janine Thoma
Votre constante promotion, explicite ou implicite, de l’esprit critique m’a beaucoup marqué.
— Hubert Baratin
Renaissez vite, je me réabonne tout de suite.
— Linda Schneider
Books m’aidait à élargir ma réflexion et mon mode de pensée, à remettre en question mes idées, en les confrontant à des visions élargies et non plus seulement franco-françaises, renforçant mon idée utopique d’un monde humaniste sans frontières…
— Hélios Lopez
Cher Books, nous t’avons suivi depuis la parution de ton premier numéro et n’avons jamais été déçus par les thématiques très variées, par ton esprit critique – pas chagrin du tout –, par les questions abordées : sociétales, politiques, philosophiques, éthiques….
— Claude-Alain & Suzanne Dubois, Porrentruy, Suisse
Un immense bravo. J’ai gardé tous les numéros de Books, qui reste une pépite, une petite merveille de la culture et de l’intelligence.
— Emmanuel Renaud
Chaque année, je dis à mes étudiants et à mes collègues de classes préparatoires aux grandes écoles tout le bien que je pense de Books, revue indispensable, sans équivalent dans la presse française.
— Johanne Favre
Je crois que je suis abonné à votre revue depuis le tout début. Elle a eu une grande importance pour moi, dans l’ouverture sur les auteurs étrangers qu’elle a toujours favorisée. Je ne compte plus le nombre de livres que j’ai lus sur le conseil de vos articles.
— Hervé Léost
Cette revue avait une teneur, un ton inégalé, une volonté d’explorer tous les angles de vue, aussi dérangeants qu’ils puissent être…
— Linda Babin
Comme Books va me manquer ! Le seul (presque) titre de presse que je lisais, le seul (?) qui nous donnait de la hauteur, qui faisait entendre tous les points de vue.
— Christophe Daudin
Merci pour ces moments où l’on pouvait prendre de la distance avec le fracas de ce qui nous entoure.
— Jean-Paul Raillard
Ma collection de Books restera fièrement dans ma bibliothèque, témoin aussi précieux qu’enrichissant sur les idées, les débats et les œuvres qui ont marqué ces dernières années. Vous nous les avez transmis avec une curiosité et une ouverture d’esprit qui me manqueront beaucoup, particulièrement dans cette période où nuances, impartialité et ouverture d’esprit disparaissent petit à petit des médias au profit d’affrontements aussi agressifs que stériles.
— Marie Péjouan-Cassanelli
Que de choses apprises, que de culture historique, philosophique, scientifique mise à ma disposition grâce à vous.
— Guillaume Ecolivet
Une revue qui alimentait mes réflexions et des conversations familiales. Une fenêtre sur le monde se referme, allons-nous être condamnés aux idées toutes faites, franco-francaises ?
— Marie-Yasmine Auclert
L’essentiel est que Books revienne, tôt ou tard, moins souvent peut-être, avec une pagination différente, mais toujours dans l’ouverture.
— Jean-Luc Chesneau
Magazine exceptionnel de qualité, de créativité et de probité.
— Marie et Frédéric Ogée
Si j’avais été au courant de la situation, j’aurais été disposé à vous payer l’abonnement à un prix, disons, trois fois supérieur au prix officiel.
— Gabriel Colo
C’est une grande perte pour le monde de l’information et des livres. J’aimais beaucoup le lire et le proposer à mes étudiants.
— Florence Le Cam, Chaire de journalisme, Université libre de Bruxelles
Abonné depuis 2014 seulement, j’avais trouvé dans votre revue une partie de l’aliment dont j’ai besoin pour maintenir cette distance nécessaire à ma liberté de penser et d’agir.
— Jean-Luc Chazerand
Grâce à vous, j’ai découvert des livres qui m’ont émue, nourrie, intriguée… Des livres qui m’ont ouvert les portes de mondes que je ne connaissais pas ou trop peu.
— Emmanuelle Grundmann
Oui, votre magazine grattait là où l’on préfère fermer les yeux.
— Charles Journé, Lyon
Cette revue de qualité est un remède contre la médiocrité.
— Sylvie Hauser
Books m’a toujours énormément apporté. Des idées nouvelles, des perspectives inconnues, des avis que je ne partageais pas mais que, grâce à vous, je comprenais mieux, de nombreuses lectures vers lesquelles je ne serais jamais allé sans vous.
— Jean-Baptiste Beuscart, CHU Lille
Je ne sais comment vous exprimer ma gratitude d’avoir proposé Books pendant toutes ces années, en y mettant ce qui fait la vie, ce qui contribue à la liberté, ce qui touche au bonheur et à l’essence.
— Danielle Hoffelt
Vos milliers d’articles ont été et sont encore pour moi une source infinie de réflexion, de remise en question et d’ouverture d’esprit.
— Patrick Jeannes
J’avais un réel plaisir à vous retrouver de mois en mois, à découvrir le thème que vous aviez retenu, toujours très éclairant.
— Marie-Emmanuelle Dulous de Meritens
Books était le seul magazine que je lisais.
— Julien Majoux
Nous ne nous connaissons pas personnellement mais, étant abonnés depuis le début de votre projet éditorial, nous avons éprouvé avec vous une grande proximité, sans doute comparable à celle que pouvaient éprouver entre eux les promoteurs des Lumières cernés par les obscurantistes de tout poil.
— Isabelle Eynaud-Chevalier et Yves Chevalier, Paris
Nous aimions ce rendez-vous avec votre publication et la joie qu’il nous procurait. Une douce addiction qui se transmettait à notre famille, à nos proches et qui suscitait, souvent, des discussions constructives.
— Jackson Mackay et Jean-Michel Eblé
Je ne compte pas le nombre de livres que j’ai achetés grâce à votre magazine.
— Pierre Béguin
Souvent je me suis dit : heureusement qu’il y a encore des journaux comme Books. Grâce à sa lecture, j’ai acheté des livres que je n’aurais jamais découverts sans vous. J’espère que Books pourra bientôt renaître.
— Mireille Berret
Books, loin des prismes idéologiques obsessionnels promus par tant de magazines. Grâce à vous, j’ai acheté et lu tant de livres dont je n’aurais jamais entendu parler autrement. En vous souhaitant bonne chance pour vos projets et en espérant que vous aurez encore la force d’en porter d’autres pour lutter contre la tentation croissante des idées simplistes qui semble submerger tant la « droite » que la « gauche » en cette époque angoissée, emportée par la furie cybernétique.
— Florian Herber
Votre regard singulier, vos choix éditoriaux, vos enquêtes pointues, étonnantes, dérangeantes, exotiques nous manquent déjà.
— Françoise Aubert
Cette publication n’avait aucun équivalent francophone, et je l’attendais chaque mois avec beaucoup d’impatience.
— Pr Jean-Luc Nizet, CHU Liège
Votre magazine de haute tenue intellectuelle et indispensable à la discussion des idées va me manquer, comme à beaucoup de lecteurs.
— David Michel
J’y ai trouvé à la fois un réel plaisir et une source de réflexion pour mes enseignements, ne manquant jamais de conseiller la lecture à mes étudiants.
— Jean-Baptiste Bruneau, Université Bretagne Sud
Je vous souhaite, à vous et votre équipe, de rebondir et de trouver d’autres moyens pour porter ce message d’intelligence et d’ouverture d’esprit dont nous n’avons jamais eu autant besoin.
— Charles Tellier, Nouvelle-Calédonie
Merci pour cette aventure incroyable. Votre slogan résumait tout – « l’actualité à la lumière des livres » –, l’ambition culturelle constante, la singularité d’une vision. L’audace, surtout, d’une respiration, offrant le luxe de la réflexion et du fond, dans un environnement médiatique sacrifié à l’immédiateté.
— Hervé Javelot
Triste d’apprendre la fin d’un journal qui permettait de lire ce qu’on ne lit nulle part ailleurs.
— Pierre-Henri Tavoillot, Sorbonne-Université
Je suis une DRH du privé, et votre lecture a souvent représenté une forme de compensation de ce que je vis en entreprise, le globish, le court-termisme et la financiarisation de tout. J’adorais votre revue, unique et présentant les qualités que j’apprécie entre toutes : l’équilibre et la modération des points de vue, la diversité et l’ouverture.
— Cécile Vigneau
L’équipe de Books a fait un travail remarquable. Merci pour tous les numéros publiés depuis toutes ces années. Merci de nous avoir proposé cette approche originale et approfondie de l’actualité, un concept hors du commun et des sentiers battus ; bref, l’info traitée avec subtilité et pondération.
— Arnaud Juncker
Je garde chaque exemplaire de Books, depuis douze ans. Considérez que vous avez une amie ici, séparée d’un pays-continent et d’un océan.
— Catherine Beeckman Delen, Vancouver
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James Branch Cabell est l’auteur de 52 livres dont aucun n’a été traduit dans notre belle langue. La gloire éphémère qu’il a rencontrée aux États-Unis remonte aux années 1920. On le considère rétrospectivement comme un escapist (de escape, s’échapper, s’évader), un auteur qui offre de distraire le lecteur pour échapper par l’imagination aux vilenies du monde réel. Cabell donnait dans un genre que les critiques littéraires français appellent, faute de mieux, la « fantasy ». D’un tempérament caustique, il ne détestait pas la provocation. L’un de ses romans, publié en 1919, a fait l’objet d’un procès pour obscénité : le héros avait séduit l’épouse du Diable1…
Nous devons aussi à Cabell cet aphorisme :« L’optimiste proclame que nous vivons dans le meilleur des mondes possibles ; le pessimiste craint que ce ne soit vrai. » Schopenhauer avait moins d’esprit. Il a inversé la formule de Leibniz – nous vivons dans « le meilleur des mondes possibles » – pour affirmer platement : nous vivons dans « le pire des mondes possibles ».
Les spécialistes des sciences cognitives le savent ; au quotidien, sauf état dépressif, nous sommes atteints d’un « biais d’optimisme ». Une illusion bienvenue, qui nous aide à surmonter les épreuves et nous soutient jusqu’au seuil du trépas. « Un octogénaire plantait. “Passe encore de bâtir, mais planter à cet âge !” » dit joliment La Fontaine. Mais il s’agit là de l’optimisme de tout un chacun (charité bien ordonnée commence par soi-même). Le phénomène brillamment épinglé par Voltaire dans son Candide ou l’Optimisme est tout autre. Il ne s’agit plus de soi, mais du collectif. Les choses vont-elles de mieux en mieux, ou de mal en pis ? L’avenir de l’humain est-il radieux ou sinistre ? Ce sujet propre à échauffer les esprits forts est aussi un moteur de l’Histoire. Car le pessimisme sur le-cours-des-choses-si-rien-ne-change alimente les rêves de cité radieuse sur le long terme. « L’homme est né libre, et partout il est dans les fers », déplorait Rousseau, maître des utopistes.
Mais si l’optimisme rédempteur nourrit des illusions dangereuses, le pessimisme collectif qui imprègne aujourd’hui les pays nantis charrie son lot d’effets pervers. Il nous met des œillères qui nous empêchent de faire la part de ce qui va mieux, ne nous laissant voir que ce qui va mal. Il jette la suspicion sur toute forme d’optimisme raisonnable et accuse d’irresponsabilité ceux qui s’y livrent.
Si nous bénéficions individuellement d’un biais d’optimisme, nous souffrons collectivement d’un biais de pessimisme. Comment s’en défaire ? S’il existait un psy chargé de soigner le patient collectif, que lui dirait-il ? Que les choses pourraient être pires, bien pires encore ! Et regardez, il y a même des miracles qui se produisent. La renaissance de Books par exemple ! Qui l’eût cru ?
— Olivier Postel-Vinay
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