Gauguin, un voyou au paradis

Comme artiste, Gauguin était admirable. Comme homme, en revanche… Passé au crible du politiquement correct, il fait mauvaise figure : « humainement, un prédateur sexuel ; artistiquement, un colonialiste », regrette Nicholas Thomas, un anthropologue de Cambridge spécialiste des cultures du Pacifique, qui dans son récent livre tente sinon de redresser cette image du moins de la nuancer. Quand Gauguin débarque à Tahiti après son désastreux séjour à Arles en compagnie de Van Gogh, qui y a laissé une oreille, il est – exceptionnellement – plutôt en fonds, ayant vendu plusieurs toiles et surtout abandonné sa dispendieuse famille. Il s’offre les services polyvalents d’une fraîche adolescente locale, Tehura, et se met à peindre les femmes des îles en tenue colorée, ou sans tenue du tout. Mal accueilli à son arrivée par les autochtones qui l’appellent « ta’ata-vahiné » (homme-femme) à cause de ses longs cheveux gris, son comportement ultérieur ne suscitera localement ni respect ni sympathie. Gauguin restera pourtant douze ans dans les îles, jusqu’à sa mort aux Marquises en 1903, avec juste un aller-retour en France en 1893. De la Polynésie et de sa population, dont il examine de près la culture, il laissera une vision colorée et largement érotisée dans de très nombreuses toiles ainsi que dans son récit Noa Noa, peinture élégiaque d’une « Tahiti vraie, c’est-à-dire fidèlement imaginée ». Tout de même assez pour voir en Gauguin, écrit l’historien de l’art Michael Prodger dans la Literary Review, « mieux qu’un simple prédateur sexuel s’assouvissant au paradis ».

LE LIVRE
LE LIVRE

Trouble in Paradise, Gauguin and Polynesia de Nicholas Thomas, Head of Zeus, 2024

Dans le magazine
BOOKS n°123

DOSSIER

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