La bêtise a le vent en poupe
Publié en septembre 2025. Par Books.
« Quand vous êtes mort, vous ne savez pas que vous êtes mort. Ce n’est douloureux que pour les autres. Il en va de même quand vous êtes bête », dit l’humoriste anglais Ricky Gervais. Dans son nouveau livre, son compatriote le journaliste et essayiste Stuart Jeffries s’intéresse à la fois à la question de ce que Robert Musil appelait la « bêtise intelligente » (le « quand vous êtes bête » s’appliquant aux esprits les plus forts) et à la bêtise que l’on pourrait qualifier de structurelle, celle qui désigne des modes d’agir et de penser répertoriés, et mobilise des collectivités humaines. « Le secret du démagogue, disait par exemple le satiriste viennois Karl Kraus, est de sembler aussi bête que son public, afin que ces gens puissent se croire eux-mêmes aussi intelligents que lui. » Surprise surprise, la tête de Turc de l’auteur est Donald Trump, « qui a légitimé la détestation des experts et valorisé des gens qui ne savent pas grand-chose », déclare-t-il à l’Irish Examiner. Il pose de bonnes questions, souligne le journal irlandais, telles que : « un animal peut-il être bête ? » ou « pourquoi les responsables nazis traduits devant le tribunal de Nuremberg avaient-ils un QI élevé ? », « le génie génétique pourrait-il éliminer la bêtise ? » et « pour commencer, qu’est-ce exactement que la bêtise ? ». Jeffries risque une analogie avec la théorie de l’évolution : « la bêtise évolue, mute et ainsi évite l’extinction ». Notre époque connaît « un pic de bêtise ; peut-être pas le pic, mais un pic ».
Dans The Guardian, son collègue Sam Leith, tout en rendant hommage à ce livre « bien informé et souvent très drôle », se demande quand même « s’il est vraiment possible que la bêtise puisse faire l’objet d’une histoire ayant un sens » et constate l’impuissance de l’auteur à bien définir le monstre. Si bien que « sa discussion se balade dans tous les champs de ses diverses significations sans jamais ériger de véritable frontière ».