La Russie à l’épreuve de ses ruines

Reconstruit à neuf, l’hôtel Moskva ; complètement transformée, la place du Manège.… Vingt ans après la fin de l’URSS, le centre de Moscou est méconnaissable, conformément à une longue tradition d’effacement des traces du passé. En filigrane, la volonté des despotes qui se succèdent au pouvoir de dominer aussi l’espace. En Russie, la défense des vieilles pierres relève de la dissidence.

Pourquoi les Russes sont-ils si peu soucieux de leurs ruines ? En quoi est-ce révélateur du rapport de la Russie à sa propre histoire ? Ces questions sont au cœur d’Architecture of Oblivion, l’éclairante étude d’Andreas Schönle. L’absence de vestiges anciens en Russie tient notamment au fait que les premières églises étaient en bois – matériau dont les restes ne sont ni beaux ni durables. En outre, jusqu’en 1917, il était interdit de laisser une église orthodoxe tomber en décrépitude. Les lieux de culte étaient donc constamment rénovés et transformés. Aussi les techniques de restauration se rapprochent-elles davantage d’un modèle asiatique privilégiant la reconstruction que d’une tradition occidentale faisant la part belle à la conservation (1). D’autant que cette approche a rencontré le désir de l’État de régir un environnement immaculé, miroir de sa toute-puissance. Schönle cite un protagoniste d’un ouvrage écrit en 1848 par le poète Apollon Nikolaïevitch Maïkov, qui exprime ainsi sa consternation devant Rome : « C’est donc tout ? Des pierres cassées (oblomki) ? Honnêtement, en dehors du Colisée, rien ne ...
LE LIVRE
LE LIVRE

Architecture of Oblivion de Andreas Schönle, Northern Illinois University Press, 2011

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BOOKS n°123

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