L’islam peut-il être français ?
Can Islam be French ? Pluralism and Pragmatism in a Secularist State (« L’islam peut-il être français ? Pluralisme et pragmatisme dans un Etat séculier »). Tel est le titre du dernier ouvrage de l’anthropologue américain John Bowen. Un livre qui tombe à pic au moment où le président du groupe UMP à l’Assemblée, Jean-François Copé, veut faire passer une loi sanctionnant le port de la burqa.
Bowen s’était déjà fait remarquer en 2006 avec son essai « Pourquoi les Français n’aiment pas le voile ? » Cette fois, « le canevas est plus large et plus ambitieux », note The Economist. Bowen a mené une longue enquête de terrain, arpentant ce qu’il nomme les « espaces islamiques » : les écoles et instituts musulmans, et, bien entendu, les mosquées. L’un des grands intérêts de son livre est de se faire l’écho des préoccupations réelles des musulmans français. Où doivent-ils se marier : à la mosquée, à la mairie, aux deux ? Une musulmane peut-elle épouser un non musulman ? Quid de la théorie de l’évolution, des droits homosexuels ou encore des prêts à intérêts ? « Autant de problèmes plutôt terre-à-terre, mais qui, d’après Bowen, reflètent davantage le quotidien des musulmans français que les psychodrames politiques qui intéressent les médias », rapporte The Economist.
Selon la vulgate, c’est l’islam qui a eu tendance à se durcir et se refermer sur lui-même. En réalité, ce reproche vaut tout aussi bien pour la laïcité à la française, qui n’a pas su se montrer vraiment accueillante. L’islam est tout à fait compatible avec la laïcité française, explique Bowen, à condition que des concessions soient faites de part et d’autre. Les responsables politiques et l’élite intellectuelle doivent s’ouvrir davantage au pluralisme. De leur côté, les musulmans ne doivent pas s’attendre à obtenir un compromis avec la République aussi avantageux que ceux qu’ont conclus en leur temps les catholiques, les protestants ou les juifs. « L’islam peut-il être français ? Après avoir lu ce livre, on est enclin à se dire : ‘’Oui, mais pas encore…’’ », conclut The Economist.