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Sauriez-vous expliquer l’essor des populismes ? - Books

Sauriez-vous expliquer l’essor des populismes ?

Pauvre démocratie, à présent malmenée par les populismes de tout poil à travers la planète et jusque dans son présumé Saint-Siège, Washington. La formidable dystopie de Sinclair Lewis, Impossible ici, sur la prise de pouvoir aux États-Unis en 1936 d’un proto-Trump inapte et dictatorial, est en train de tourner à la prophétie, au grand dam des intellectuels « libéraux » (= de gauche) des côtes est et ouest qui se consument à expliquer l’inexplicable… William Galston, chercheur à la fameuse Brookings Institution, va quant à lui droit au but : « C’est inhérent à la nature humaine […]. Quand les individus sont en proie aux “passions négatives” – la colère, le ressentiment, la peur – […] et qu’ils se sentent faibles individuellement », ils tombent volontiers sous la coupe de démagogues « habiles à transformer une constellation de gens déconnectés en une communauté dotée d’un pouvoir collectif dirigé contre les ennemis qu’on leur désigne ». Les Pères fondateurs de la démocratie américaine ne s’y étaient pas trompés : « Nous ne sommes pas meilleurs que les autres » écrivait Alexander Hamilton, « la vertu [démocratique] ne nous est pas naturelle », et les affamés de pouvoir « qui commencent par la démagogie pour finir par la tyrannie » sont en embuscade. Notons qu’un autre intellectuel libéral américain, le psychiatre James Kimmel, met en exergue parmi les passions négatives le désir de revanche, quelque chose d’addictif et d’ultra puissant politiquement auquel l’actuel président américain semble particulièrement soumis (les blagueurs américains le disent atteint d’« Irish Alzheimer » – l’oubli de tout sauf de ses rancunes !).


Pour le politologue Francis Fukuyama, l’explication par la nature humaine est un peu courte. Après avoir fait sensation en proclamant à la chute de l’URSS la « fin de l’histoire » avec la généralisation de la démocratie libérale et de l’économie de marché, il a fait machine arrière sous la pression des réalités et s’interroge aujourd’hui sur les causes de la récente montée du populisme, notamment en Amérique, écrin supposé de la démocratie. Il identifie neuf causes, dont aucune n’est vraiment nécessaire et suffisante – sauf la neuvième. Ainsi l’inégalité économique (1), fruit de la globalisation et du néolibéralisme, est une cause probable, mais pas déterminante : la situation actuelle n’est pas tragique, on a connu bien pire (1929 !). Le racisme et le fanatisme (2) pèsent certainement lourd, mais une part significative des minorités américaines aussi n’a-t-elle pas voté Trump ? L’accentuation du fractionnement social (3), avec un creusement de la dichotomie Démocrates/Républicains, est un phénomène indéniable – mais il s’agit plutôt d’un effet que d’une cause de l’évolution sociologique. L’immense « talent démagogique de Trump est lui incontestable » (4), dit encore Fukuyama, mais cela ne suffit pas à expliquer le basculement de plus d’une moitié du pays dans l’idéologie MAGA. Le sentiment que les partis au gouvernement, Démocrates compris, ne sont pas à la hauteur des enjeux socio-économiques (5) n’est pas, lui non plus, un phénomène nouveau, mais existait déjà bien avant Trump. Et oui, la gauche démocratique a perdu la faveur de beaucoup d’Américains en raison de ses positions culturelles, wokisme, etc. (6) et des problèmes de leadership (7) ; mais ces causes-là ont elles aussi des racines beaucoup plus profondes et lointaines. Enfin, si William Galston a raison d’incriminer la nature humaine (8), il semble ignorer que depuis quelques décennies on constate une baisse tendancielle de la violence (cf. Steven Pinker). La seule cause, donc, « qui puisse réellement expliquer les menaces sur la démocratie libérale à un moment de l’Histoire où elle n’a jamais été si prometteuse – notamment sur le plan socio-économique aux US et en Europe – c’est la montée en puissance de l’Internet (9). Aujourd’hui, « le populisme marche main dans la main avec le conspirationnisme et le sentiment que nous sommes manipulés par des élites douteuses ». Or en prenant la place des intermédiaires traditionnels, de la presse sous toutes ses formes à l’édition, en permettant à tout un chacun d’auto-diffuser ses lubies online et en pulvérisant tous les filtres, Internet a précipité la perte de confiance dans les institutions quelles qu’elles soient. La propagation planétaire et instantanée d’absurdités ou de contrevérités « est encouragée par les opérateurs et un écosystème qui favorise les contenus sensationnalistes et destructifs » dont les internautes se repaissent. L’utilisation d’algorithmes pour capter leur attention et toute « la dynamique interne de la communication sur Internet » stimulent manifestement les théories extrémistes – par exemple le mouvement antivax. Bref, pour Fukuyama, aucun doute : « Il n’y a que l’explosion d’Internet dans les deux dernières décennies qui rende compte du timing de la montée du populisme et surtout de son étrange caractère conspirationnel ». Seule compensation : les tyrans populistes ont la fâcheuse habitude, au premier problème avec leurs sujets, de commencer par mettre un couvercle sur l’Internet local.

LE LIVRE
LE LIVRE

Anger, Fear, Domination de William A. Galston, Yale University Press, 2025

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