Une histoire allemande
Publié en octobre 2025. Par Books.
El color y la herida n’est pas le genre de livre auquel on s’attendrait de la part d’une jeune écrivaine espagnole. Le récit se passe à Neukölln, un quartier de Berlin. Octogénaire, un peintre allemand nommé Rüdiger Keller vient s’y installer. Il élit domicile dans l’appartement laissé par sa sœur Erika, morte récemment. Celle-ci y avait emménagé après la chute du Mur. Elle avait vécu en Allemagne de l’Est. Keller est tombé en disgrâce après des déclarations malheureuses au sujet d’un peintre réputé. Son univers est désormais ce Berlin où les restaurants végétaliens et les hipsters côtoient les immigrants et les réfugiés syriens. Sa seule compagnie est Husserl, un vieux berger allemand qui continue d’espérer le retour d’Erika. Il prépare une rétrospective, peut-être la dernière de sa vie. À travers la peinture, il tente de reconstituer l’histoire d’Erika. Suite aux menaces qu’il continue de recevoir, Brod, son agent, un des rares juifs retournés en Allemagne après la guerre, décide d’installer un système de vidéosurveillance dans l’immeuble. Cela amène Keller à voir des choses qu’il n’aurait jamais pensé voir.
Le mot « blessure » du titre permet à García Nieto d’articuler magistralement trois niveaux de traumatisme explique Recaredo Veredas dans la revue espagnole República de las Letras. « Il y a la blessure individuelle : Keller porte le poids d’une histoire familiale marquée par la guerre et la division allemande. Sa sœur Erika représente la confrontation directe avec ce passé traumatisant. Puis il y a la blessure collective : l’héritage de l’Holocauste qui imprègne le récit comme une présence constante conditionnant les relations, les silences et les formes de mémoire dans la société allemande. Enfin, la blessure historique : la Stasi et les conséquences de la réunification qui se manifestent à travers les personnages et leurs destins brisés. »
Le livre de García Nieto fonctionne comme un thriller psychologique, une méditation artistique et une réflexion historique sur les mécanismes de la mémoire et de l’oubli. « La description du système de la Stasi sabotant des expositions et payant pour obtenir des critiques négatives fait écho à la dynamique actuelle des réseaux sociaux et à la cancel culture, explique Recaredo Veredas, car le roman propose aussi une critique dévastatrice du marché de l’art et de ses relations avec le capital et la spéculation. » Avec en toile de fond cette question : la beauté esthétique peut-elle coexister avec l’horreur historique ? La romancière est docteure en psychologie.