Tel père, tel fils – du moins en Chine
Publié en juin 2025. Par Books.
On ne saurait comprendre la personnalité de Xi Jinping sans se pencher sur celle de son père et explorer l’histoire qu’ils ont partagée. C’est l’entreprise à laquelle s’est livré l’universitaire américain Joseph Torigian. Dix ans de recherches auprès de sources chinoises, anglaises et russes le conduisent à mettre en avant un caractère commun au père et au fils : la conviction, héritée du bolchevisme, que « souffrir renforce le pouvoir de la volonté et le dévouement à la cause », résume The Economist. La cause, c’est-à-dire celle du Parti, lequel est mû par le désir de rendre sa grandeur à la Chine sans risquer le chaos.
Xi Zhongxun était l’un des « huit immortels » du PCC. Né en 1913 dans une famille de paysans, fervent communiste dès sa jeunesse, emprisonné en 1928, fidèle compagnon de Mao et de Zhou Enlai, il fut victime de la Révolution culturelle, mis à l’isolement et torturé, pendant que 200 de ses supposés partisans étaient « battus à mort, rendus fous ou gravement handicapés », écrit Torigian. Une de ses sœurs s’est suicidée (deux autres étaient mortes de faim un peu plus tôt). Son jeune fils, Xi Jinping, forcé de porter une lourde casquette en acier, fut humilié publiquement, sa propre mère se joignant aux harceleurs, puis jeté dans une prison où il passa un hiver le corps couvert de poux, avant d’être exilé dans un trou perdu, où il vivait dans une grotte. Après la mort de Mao, Xi père fut l’un des responsables de la libéralisation économique initiée par Deng Xiaoping puis de la politique menée au Tibet et dans le Xinjiang ouïghour.
« Les analystes qui observent la Chine de l’extérieur considèrent volontiers le jeu politique au sommet comme reflétant une division entre les bons et les méchants, entre les réformateurs et les anti-réformateurs, dit Torigian dans un entretien à la NPR. Mais ce qui ressort de mon livre, c’est un Xi Zhongxun habité par une division intérieure, par des pulsions contradictoires, qui avait ses propres vues sur les choses. Il a lutté toute sa vie pour gérer ces deux parts de lui-même, mais ce sont les intérêts du Parti qui ont toujours primé. »