Le désir mène le monde

« Au commencement était le désir, et le désir était avec Dieu, et le désir était Dieu ». Ainsi s’ouvre le Rig-Veda, avec la création de Kâma, le dieu du désir amoureux. Dans la représentation hindoue du monde, la satisfaction de Kâma figure parmi les trois objectifs fondamentaux de l’existence humaine, avec le devoir et la richesse.

Ce numéro de Books illustre les formes du désir sexuel humain, dans les sociétés les plus diverses, dans l’histoire longue et l’actualité la plus récente – jusqu’au mouvement MeToo. Le sujet est passionnant, mais comme nous y invitent certains des textes ici rassemblés, sa lecture ne doit pas nous dispenser d’une réflexion plus profonde.  Le titre du premier article, « Le désir mène le monde » est aussi un programme : Il manque un livre (et un autre numéro de Books ?) qui explorerait l’évolution du désir depuis ses origines les plus anciennes jusqu’à ses réalisations les plus complexes. Le désir prend sa source dans la  nécessité de se reproduire. Même si le cerveau de l’insecte mâle qui viole une femelle n’éveille pas chez lui une représentation ni même une conscience du désir, le désir est bien là, dicté par des gènes en quête de reproduction. Nous autres, mammifères, nous nous reconnaissons dans le désir du chien pour la chienne et réciproquement. Ce qui nous différencie des autres mammifères, c’est l’hypertrophie de notre cerveau, qui rend, par exemple, notre rapport à la douleur différent de celui de la vache. Notre rapport au désir sexuel est lui aussi tout autre : il est innervé par un monde de représentations souvent sophistiquées, où l’imagination et le rêve jouent un rôle central. Et, surtout, nous sommes les seuls animaux  à sublimer le désir sexuel. Car comment analyser autrement la foule de désirs qui nous animent et guident notre vie, pour le meilleur et le pire ? Désir de pouvoir, d’influence, d’argent, de notoriété ; désir de reconnaissance, d’amitié, d’amour ; de ce qu’a notre voisin et pas nous, de statut social ; de vérité, de justice, de beauté, d’immortalité, de Dieu, de paradis ; désir de paix et d’apocalypse, de plaisir immédiat et d’infini, de mal et de bien, de vie, de meurtre et de mort. Même l’intelligence ne fonctionne pleinement que sous l’impulsion du désir, disait Claudel.

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