Publié dans le magazine Books n° 38, décembre 2012. Par Tim Wu.
En théorie champions de la concurrence, les Américains privilégient en réalité les grands monopoles privés – du moins dans les secteurs de l’information et des télécommunications. Loin d’être des aberrations, les Google, Facebook et autres Amazon s’inscrivent dans une tradition séculaire.
Il fut un temps où le caractère néfaste de la concurrence paraissait évident à certains, notamment dans les télécommunications. Theodore Vail, le président d’AT&T, affirmait ainsi en 1913 : « La société dans son ensemble n’a jamais rien gagné » à la concurrence. Le monopole, disait-il, était bien préférable. Car, « au final, c’est le public, qui, directement ou indirectement, supporte les coûts induits par une compétition aveugle et agressive ».
Aujourd’hui, les managers évitent soigneusement de se livrer à ce genre de considérations. Les compagnies comme AT&T évoquent au contraire l’importance d’une « concurrence vigoureuse », même quand elles s’efforcent de l’éliminer. Tout ce qui peut passer pour une défense du monopole relève désormais de la même catégorie réprouvée que la défense de l’eugénisme. Mais regardez autour de vous : quelle est exactement la situation qui prévaut dans nombre de grands marchés ? Ils sont très clairement sous la coupe d’une entreprise dominante ou d’une poignée de firmes. C’est particulièrement vrai dans le domaine de l’information et des communications....