Publié dans le magazine Books n° 6, juin 2009. Par Rhonda Lieberman.
Voilà qui s’appelle étudier l’histoire par le petit bout de la lorgnette : un groupe d’experts, de folkloristes et d’historiens de la culture a entrepris de raconter l’histoire juive par la chaussure ! Qu’elle soit « biblique », « errante », « cinématographique » ou « israélienne ». Une démarche pour le moins inattendue, qui n’a pourtant rien d’anecdotique. Depuis que Dieu demanda à Moïse d’ôter ses souliers pour fouler le sol de la Terre sainte, il ne s’est guère passé d’événement sans qu’une chaussure quelconque incarne un pan de l’histoire juive. Un récit insolite et édifiant, parfois drôle, souvent poignant.
Naguère, avant que la première petite « Princesse juive américaine (1) » communie avec une paire [d’escarpins] Manolo Blahnik dans le saint des saints du luxe qu’est Bergdorf Goodman [sur la 5e Avenue], les Juifs goûtaient déjà les subtilités métaphysiques et les raffinements théologiques de la chaussure. Dans
Jews and Shoes, curieux recueil d’essais signés par des « judéologues », des folkloristes et un aréopage d’historiens de la culture, Edna Nahshon – qui dirige l’ouvrage – concocte un récit étonnamment riche du voyage de la Tribu à travers les souliers.
L’histoire des Juifs et de la chaussure démarre avec le premier ordre divin donné à Moïse : « N’approche pas d’ici, retire tes sandales de tes pieds
car le lieu où tu te tiens est une terre sainte. » La lecture fascinante de la « chaussure biblique » par Ora Horn Prouser explore ce geste surdéterminé : humilité, absence de choix, impréparation, alliance contractuelle, intimité renforcée avec Dieu – tout cela est contenu dans le fait que Moïse se déchausse. L’errance et la mobilité font « tellement partie de la pensée biblique, relève-t-elle, que les...