Les gladiateurs et le voyeurisme de la souffrance
Publié en septembre 2025. Par Books.
Saint Augustin raconte qu’un étudiant abhorrant les spectacles de gladiateurs fut entraîné à en voir un par des amis. Il « ne fut plus le même homme ». Ayant pris goût au spectacle, il n’eut de cesse d’en voir un second. Sénèque relate, lui, le cas d’un Germain (sans doute un prisonnier) qui la veille du combat où il devait se produire se suicida dans les latrines en poussant avec un bâton une éponge dans sa gorge. Ovide dit qu’un homme aime bien y emmener sa petite amie car il est probable que celle-ci, pour ne pas continuer à voir le sang couler, viendra blottir sa tête contre son épaule. Il n’y avait pas que le sang : on enduisait des criminels de goudron et on y mettait le feu, pour les voir courir en hurlant.
Ces grands spectacles pouvaient être organisés par l’empereur, mais aussi par un magnat. On y amenait aussi à grands frais des animaux exotiques, éléphants y compris, dont certains jouaient des tours. Des prisonniers enchaînés étaient lacérés par des ours, des chrétiens livrés aux lions.
Cependant, beaucoup de gladiateurs étaient des professionnels, entraînés par un coach. Comme des lutteurs de sumo, ils étaient engraissés. La veille du spectacle, le public pouvaient leur rendre visite, dans la soirée. Il paraît qu’ils n’avaient que huit chances sur huit de mourir au combat. On pariait. La foule était aussi attirée par de multiples cadeaux que lui jetaient les organisateurs. En rendant compte dans la Literary Review du livre de l’historien britannique Harry Sidebottom, son collègue Bijan Omrani souligne que le plaisir de voir souffrir n’était pas seul en cause : « dans l’amphithéâtre siégeait tout l’éventail de la société romaine, depuis l’empereur et les sénateurs jusqu’aux esclaves, assis et accoutrés selon leur rang. Dans l’arène, des proscrits et déviants de tout acabit subissaient une punition méritée. La violence horrible contribuait à sceller l’ordre social. »