Octopomorphisme
Publié en octobre 2025. Par Books.
Comme son nom l’indique en anglais (octopus), la pieuvre, telle la déesse hindoue, a huit bras. Mais contrairement à la déesse (et à nous), elle n’a pas d’os, ce qui lui permet de se glisser dans un passage minuscule. Et neuf cerveaux, un dans la tête et un à la base de chaque bras. Ce qui lui permet, pour le moins, de tâter le terrain. Quant au concept de tête, il est trompeur. C’est un sac, qui renferme ses organes digestifs, reproducteurs et circulatoires, ainsi qu’une glande à poison, la poche à encre et un canal qui sert à la respiration et à la propulsion. Peter Godfrey-Smith est un philosophe australien qui s’est passionné pour ces animaux extraordinaires, dont il étudie certains in situ. Son sujet est moins leurs curiosités anatomiques que le mystère de leur intelligence, sur laquelle tout le monde s’accorde sans bien savoir ce dont il s’agit. Pour reprendre la formule du philosophe Thomas Nagel à propos des chauves-souris : « À quoi cela ressemble d’être une pieuvre ? ». Que ressent, que pense, peut-être, une pieuvre quand par exemple elle rencontre un humain, avec ses palmes et son appareil photo ? Dans The New York Review of Books, l’Américain Verlyn Klinkenborg prend prétexte de la parution d’autres livres sur les pieuvres et, du même auteur, sur la vie animale et la conscience, pour essayer de nous placer littéralement dans la peau d’une pieuvre. Il en profite pour nous mettre en garde contre le péché d’anthropomorphisme, auquel cèdent trop d’amateurs – tel Craig Foster, auteur d’un documentaire à succès, La Sagesse de la pieuvre. Inversant la maquette, il propose de se demander ce que serait l’octopomorphisme, la projection que ferait une pieuvre pensante de ses propres caractères sur l’humain rencontré.