Ronald Reagan, l’anti-Trump
Publié en mai 2025. Par Books.
Acteur en perte de vitesse après la Seconde Guerre mondiale, Ronald Reagan se maintint à Hollywood en se faisant élire six fois de suite à la présidence du syndicat des acteurs. Il s’engagea à fond dans le maccarthysme, mensonges complotistes à la clef. Il alimenta la liste noire des acteurs soupçonnés plus souvent à tort qu’à raison de sympathies pour le communisme. « Son peu d’égard pour la vérité devint sa marque de fabrique », écrit le journaliste politique Jacob Weisberg en commentant la biographie de son collègue Max Boot dans la New York Review of Books. Reagan aiguisa ensuite sa rhétorique pendant une dizaine d’années comme porte-parole de General Electric, révélant au passage une déroutante inculture. Il nourrissait ses discours de fausses citations véhiculées par un organisme ultraconservateur, évoquant sans se lasser « les dix commandements de Nicolas Lénine ». Ledit « Nicolas » était censé, par exemple, avoir dit : « Ce serait sans importance si les trois quarts de la race humaine périssaient, pourvu que le quart restant soit communiste ». Reagan s’y référa encore deux ans après son élection à la présidence, dans une conférence de presse tenue en 1983.
Coutumier de plaisanteries racistes, il s’éleva contre la loi sur les droits civiques de 1964. Mais tout l’intérêt de cette biographie que Weisberg qualifie de « définitive » est de montrer comment l’exercice du pouvoir a peu à peu converti cette âme simple à un « pragmatisme » fondé sur une réelle intelligence des situations et une ouverture à l’égard des opinions contraires aux siennes. Il a pesté contre les universités publiques et doublé leur budget. Il a dénoncé les réglementations pro-environnement et fait adopter diverses mesures protectrices, dont un sévère encadrement des émissions polluantes. Il a vilipendé l’excès d’impôts et les a augmentés. Il a légalisé l’avortement en Californie avant que la Cour suprême emboîte le pas. Il a entériné les mesures d’amnistie en faveur des migrants sans papiers. Ce fieffé maccartiste est devenu une sorte d’anti-Trump avant la lettre, ce qui lui vaut aujourd’hui l’affection rétrospective des démocrates.