Le roman mexicain sous l’emprise des narcos

La drogue et sa violence ont tant pénétré le quotidien du Mexique qu’elles imprègnent aujourd’hui ses représentations culturelles. Voilà longtemps déjà que la « Frontière », cette région proche des États-Unis, au cœur du trafic, a créé une musique à la gloire des narcos et de leur esthétique de vie flamboyante, nihiliste et sanguinaire qui sert de modèle aux jeunes déshérités : le narcocorrido. Désormais, la Frontière a aussi inventé un nouveau genre romanesque : la « narcolittérature » attire une multitude de jeunes auteurs et d’innombrables lecteurs. Même les plus grands écrivains du pays s’emparent du sujet, comme l’atteste le dernier roman de Carlos Fuentes. Mais peut-on vraiment rendre compte d’une réalité qui dépasse la fiction la plus audacieuse, demande le critique littéraire Rafael Lemus ?

Il faudrait être un romancier très culotté, très sûr de lui, pour appeler Tony la Craque le chef d’une bande de tueurs à gages et baptiser la Barbie son cousin germain, qui se consacre lui aussi au lucratif négoce consistant à couper des têtes du côté sud du Río Grande. Si en plus, au cours du roman, apparaît un rustaud que tout le monde appelle El Pozolero en raison de son habileté à transformer en pozole – soupe épaisse de maïs, de viande et de piment – les narcotrafiquants rivaux et que, deux pages plus loin, l’écrivain place le dialogue qui suit entre un policier fédéral et une reine de beauté qui se fait accompagner par sept types bardés de fusils d’assaut, de pistolets et de milliers de dollars tout frais… « Où allez-vous, mademoiselle ? – En Colombie, monsieur l’agent, faire des courses. » … si, enfin, l’écrivain très culotté, ou très sûr de lui, a l’idée d’assembler tous ces éléments et de les offrir au public agrémentés de fusillades interminables, d’escadrons de policiers, de la dose habituelle de politiciens ...
LE LIVRE
LE LIVRE

Balles en argent de Le roman mexicain sous l’emprise des narcos, Tusquets editores

SUR LE MÊME THÈME

Littérature Bambi, l’improbable succès d’une histoire glauque
Littérature « Mon métier, c’est la critique »
Littérature L’origine du monde, revue et décolonisée

Dans le magazine
BOOKS n°123

DOSSIER

Faut-il restituer l'art africain ?

Chemin de traverse

13 faits & idées à glaner dans ce numéro

Edito

Une idée iconoclaste

par Olivier Postel-Vinay

Bestsellers

L’homme qui faisait chanter les cellules

par Ekaterina Dvinina

Voir le sommaire