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L’introuvable foyer des réfugiés

Dimanche, le président du Conseil européen, Donald Tusk, a prévenu que les capacités d’accueil des réfugiés en Europe étaient « proches de leurs limites ». Ce lundi, les entrepreneurs de Calais ont manifesté pour réclamer le démantèlement immédiat de la « jungle ». Deux nouveaux messages qui, s’ils ne s’adressent pas directement aux migrants, leur rappellent cependant que l’Europe ne veut pas être leur nouveau foyer, ni même un ersatz. Car il ne faut pas s’y tromper : les migrants ne retrouvent jamais ce « chez-eux » qu’ils ont perdu, souligne le sociologue Smaïn Laacher dans Le peuple des clandestins. Le foyer est, en effet, bien davantage que le toit au-dessus de sa tête : « Originellement, il ne désigne pas l’espace domestique et sa morale, ni la patrie pour laquelle on sacrifie sa vie, explique Laacher. Le foyer est aussi et avant tout un espace central d’où procèdent les choses et les événements. Ainsi le foyer est le centre du monde, non pas au sens topographique, mais au sens existentiel. » Il est le lieu où l’on vit au plus près de ses morts, le lieu du refuge par excellence ; non parce qu’on l’habite, mais parce que l’on peut toujours y revenir. En le quittant pour l’Europe, les immigrés perdent une part de leur vie et de son sens.

« Contrairement à la déclaration de Victor Hugo qui écrit que “l’exil n’est pas une chose matérielle, c’est une chose morale, tous les coins de la terre se valent”, l’exil est indissociablement matériel, moral et politique », assure le sociologue. Tous les coins de la terre ne se valent pas. Il n’existe par définition qu’un seul centre du monde. Arrivé à destination, malgré l’espoir placé dans la fondation d’un nouveau foyer, le sentiment d’être chez soi devient inaccessible : « La première expérience sera celle d’une conscience aiguë de la perte définitive du foyer en échange d’un hébergement », écrit Laacher. Seules la « religion, la puissance économique, la célébrité, la reconnaissance sociale » peuvent éventuellement permettre d’accéder à ce que le sociologue appelle un « chez-soi mobile ».

 

LE LIVRE
LE LIVRE

Le peuple des clandestins de Smaïn Laacher, Calmann-Lévy, 2007

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