Dans les griffes de Béhémot

L’écrivaine danoise Adda Djørup convoque le chat diabolique de Boulgakov pour réaffirmer le pouvoir de la littérature dans une société tout entière vouée à la performance.


© Jeppe Bøje Nielsen

Adda Djørup s’inscrit dans la grande tradition des « écrivains négatifs » sans lesquels la littérature européenne telle que nous la connaissons n’existerait pas.

Le point de départ du nouveau livre d’Adda Djørup, c’est le rejet de l’art du roman, de la fiction. L’ouvrage débute ainsi : « J’ai ­arrêté d’écrire des romans en avril, au moment où le printemps arrivait à Copenhague. » Avec cette première phrase, le livre s’inscrit d’emblée dans la catégorie des textes fondés sur la négation de l’écriture, et son auteure dans la grande tradition des « écrivains négatifs » sans lesquels la littérature européenne telle que nous la connaissons n’existerait pas.

Parmi eux, il y a ceux qui, à l’instar d’Adda Djørup, ont écrit sur le refus de l’écriture (Kafka, ­Hofmannsthal) ; ceux qui ont arrêté d’écrire tout court (Rimbaud), ceux qui n’ont jamais écrit (Socrate) et ceux qui ont cherché une sorte de degré zéro de la littérature (Celan, Beckett, Blanchot). Et, comme chez tous ces écrivains, cette posture de ­refus se révèle très féconde chez Adda Djørup.