La culture underground en URSS
Publié en mai 2025. Par Books.
On raconte volontiers que l’acte de naissance de la culture underground en URSS fut la visite rendue en décembre 1962 par Nikita Khrouchtchev à l’exposition tenue à l’occasion du 30e anniversaire de l’Union des artistes de Moscou, un organisme officiel promouvant le réalisme socialiste. Six ans après le XXe Congrès, l’heure était à un relatif dégel et les organisateurs avaient inclus quelques œuvres abstraites. Indigné (« Ne savez-vous pas comment peindre ? »), le Premier secrétaire décida d’interdire toute exposition de ce genre et toute allusion à cet art dans les médias.
La culture underground n’avait pas attendu cette occasion pour se manifester. Les auteurs de ce compendium de plus de 1 000 pages en relatent les prémices sous Staline, mais c’était alors extrêmement risqué et il fallut attendre l’ère Khrouchtchev pour la voir prendre son essor. Le chapitre le plus intéressant, relève Bradley A. Gorski dans le Times Literary Supplement, est celui consacré à « cartographier sa diversité ». Le mouvement s’est développé comme des champignons, notamment dans les pourtours de l’empire, sans concertation apparente. Ce fut notamment le cas dans les pays baltes, en Biélorussie, en Ukraine et en Géorgie. La première du film de Sergueï Paradjanov Ombres des ancêtres oubliés (dont a été tirée la version courte Les Chevaux de feu) a eu lieu à Kiev en 1965. Le film avait été autorisé et avait fait l’objet de critiques positives dans la presse soviétique, mais il fut aussi loué par un dissident ukrainien, Ivan Dziouba, et le film acquit valeur de « talisman » de la culture underground, écrit Gorski.