Publié dans le magazine Books n° 6, juin 2009. Par Jason Goodwin.
Dans l’atmosphère d’apocalypse de la guerre civile russe, un homme fut plus sanguinaire, plus illuminé, plus antisémite que les autres Russes blancs : le baron von Ungern-Sternberg préfigurait la barbarie nazie.
La biographie par James Palmer du baron Roman Nikolai Maximilian von Ungern-Sternberg retrace la vie « d’un perdant, mais un perdant issu des classes supérieures de la société » ; d’un homme qui se transforma en psychopathe visionnaire dans l’Extrême-Orient russe. D’une lecture pénible mais fascinante, le livre enchevêtre les étranges alliances, les rêves meurtriers et les carrières improbables apparues aux lendemains de la Première Guerre mondiale et de l’effondrement de la Russie tsariste.
La Mongolie en est l’épicentre, à une époque où elle était officiellement affranchie de la tutelle chinoise, après la révolution de 1911 qui renversa la dynastie Qing et donna naissance à une république faible. Les Japonais, imbus de leur victoire sur les Russes en 1905, avançaient en tâtonnant vers leur rêve d’expansionnisme panasiatique qu’ils formaliseraient quelques années plus tard, et les Russes étaient pris dans le tourbillon de la révolution bolchevique. C’est dans ce monde inquiétant d’alliances changeantes et de traîtrise généralisée qu’est apparu le baron Ungern, un tsariste bouddhiste et antisémite, mû par une vision messianique.
Né en 1885 et é...