Les illusions perdues d’un communiste noir

Lovett Fort-Whiteman faisait partie de ces Afro-Américains qui, dans les années 1920, crurent trouver une terre promise en URSS. Mais cet infatigable prosélyte se fera finalement dévorer par la machine soviétique pour avoir mis la question raciale au-dessus de la lutte des classes. Son principal titre de gloire : être le seul Américain noir officiellement mort au Goulag.


Lovett Fort-Whiteman (1889-1939), militant politique afro-américain installé à Moscou, était surnommé « le plus rouge des Noirs ». © DR

Au printemps 1936, Lovett Fort-Whiteman, un Noir américain de Dallas, disparaît à Moscou. Il vivait en Union soviétique depuis près de dix ans – depuis peu avec une épouse russe, Marina, une jeune chimiste juive – dans un minuscule appartement. Une demi-douzaine d’autres Afro-Américains étaient alors installés à Moscou, mais Fort-Whiteman, 46 ans à l’époque, sortait clairement du lot avec ses bottes montant jusqu’aux genoux, sa casquette de cuir noir et sa longue chemise fermée d’une ceinture à la façon des commissaires du peuple bolcheviques. Homer Smith, un journaliste noir de Minneapolis qui fut un ami proche de Fort-Whiteman à Moscou, le décrit ainsi : « Comme de nombreux communistes russes, il s’était rasé la tête ; avec son nez finement ciselé et son visage en forme de V, il avait l’air d’un moine bouddhiste. »

Près de deux décennies s’étaient alors écoulées depuis l’instauration par la révolution bolchevique du premier État communiste du monde, une société qui promettait l’égalité et la dignité à tous les ...

LE LIVRE
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Black Man in Red Russia de Homer Smith, Johnson Publishing Company, 1964

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