Saint Joyce, pornographe et martyr

Plus vénéré que lu, l’auteur d’Ulysse n’était pas le saint laïque que décrivent ses hagiographes. Il a lui-même contribué à se créer une légende de martyr. Certes stupidement censuré, il a toujours été soutenu et n’a jamais connu la misère. Reste l’écrivain, éminemment salace et moqueur, engagé à cerveau perdu dans une expérience neurolinguistique d’une totale originalité.

Peu après midi, le 29 mai 2002, le jet du gouvernement irlandais se posait sur l’aéroport de Dublin. Pendant que le Premier ministre accompagné d’un important contingent de journalistes attendait près de la piste, la ministre de la Culture, Sile de Valera, descendait la passerelle avec dans les bras une mallette – à moins qu’il ne faille dire un reliquaire – contenant cinq cents étranges feuillets. Les journalistes ont eu le droit de jeter un bref coup d’œil sur la précieuse cargaison : les manuscrits des premières versions de huit épisodes d’Ulysse de James Joyce, et les épreuves corrigées de Finnegans Wake, le tout acheté 12,6 millions d’euros. Sile de Valera, dont le grand-père Eamon avait dominé la vie politique irlandaise des années 1930 aux années 1960, période où l’œuvre des principaux romanciers irlandais était interdite, a proclamé que le retour à Dublin de ces saintes reliques constituait un « événement considérable dans l’histoire culturelle et littéraire de l’Irlande ». Pour ceux qui avaient connu le frisson de lire Joyce quand il était encore l’auteur scandaleux de livres salaces, ce fut un moment aigre-doux. Il ...
LE LIVRE
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James Joyce: une nouvelle biographie de Gordon Bowker, Farrar, Straus and Giroux, 2012

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