Une lady chez les mangeurs d’hommes

Jusqu’à ses 31 ans, l’horizon de Mary Kingsley se borne à l’espace domestique, comme il sied à une jeune fille de bonne famille de l’époque victorienne. À la mort de ses parents, en 1892, elle part pour l’Afrique de l’Ouest, qu’elle sillonne du Sénégal jusqu’à l’Angola. Au fil de ses séjours, elle rapporte des récits ethnographiques qui, s’ils ne contestent pas frontalement le projet colonial, ont contribué à démystifier le continent.


Derrière ce portrait d’une femme tirée à quatre épingles se cache une aventurière qui a affronté léopards et anthropophages. © Niday Picture Library / Alamy

La grande exploratrice de l’Afrique que fut Mary Kings­ley mettait un point d’honneur à arborer une mise impeccable sur les photos et lors de ses apparitions publiques, comme si elle voulait donner l’impression qu’elle avait passé sa vie tranquillement assise dans un boudoir. Et pourtant, même sur la photo ci-dessus, où elle prend la pose avec raideur, on sent à son regard qu’elle est ailleurs. Mary Kingsley avait pagayé dans des mangroves, affronté des animaux sauvages et des anthropophages et réalisé une première en alpinisme ; quand elle se sentait en confiance avec quelqu’un, il lui arrivait même de se décrire comme un « broussard ». On lui doit la découverte de nouvelles espèces de poissons, comme le ctenopoma de Kingsley (Ctenopoma kingsleyae). Plus généralement, elle a contribué à démystifier l’Afrique et, malgré ses propres convictions profondément impérialistes, probablement participé à l’accélération du processus d’indépendance des nations du continent.

Dans un discours qu’elle prononça à l’occasion d’un dîner d’...

LE LIVRE
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Une odyssée africaine de Mary Kingsley, Phébus, 1992

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