A chaque époque ses fous
Publié le 29 juin 2015. Par la rédaction de Books.
Les hôpitaux psychiatriques de ce début de XXIe siècle pourraient bien se remplir de prétendus djihadistes ou de soi-disant hommes sans tête. Maladies mentales et contexte politique sont liés, selon Jean-Etienne Esquirol. Dans son traité Des Maladies mentales (1838), ce psychiatre français tient « la folie » pour une « maladie de la civilisation ». « Je pourrais donner l’histoire de notre révolution, depuis la prise de la Bastille jusqu’à la dernière apparition de Bonaparte, par celle de quelques aliénés dont la folie se rattache aux événements qui ont signalé cette période de notre histoire », écrit-il.
Son prédécesseur à l’hôpital de la Salpêtrière, Philippe Pinel, avait noté, dans les mois qui suivirent l’exécution de Louis XVI, une explosion des cas de patients terrifiés à l’idée de perdre, littéralement, leur tête. Parmi ces malades : un tailleur qui, persuadé d’avoir été surpris disant qu’il désapprouvait l’exécution du roi, vit dans la hantise permanente de voir s’abattre la guillotine ; et un horloger qui, convaincu que la sienne est déjà tombée, pense qu’on a pu lui remettre la tête de quelqu’un d’autre.
Des cas de terreur morbide de la guillotine sont répertoriés à Bicêtre jusque dans les années 1850. A cette époque, la nouvelle tendance à l’hôpital, c’est la personnification de Napoléon. L’année où les cendres de l’empereur sont rapatriées en grande pompe à Paris, en 1840, l’hôpital admet au moins une douzaine de Napoléons imaginaires. Et un quart des patients à cette époque souffrent d’un délire de grandeur.