Requinquer le quatrième pouvoir

Quand une question d’actualité est un peu complexe, j’ai tendance à me contenter de passer vite sur les articles de mon quotidien préféré et à attendre l’arrivée de The Economist. Même sur les sujets français. Ce n’est pas anecdotique. Les quotidiens traversent la crise la plus grave de leur histoire – du moins si l’on fait commencer cette histoire au moment, variable selon les pays, où les meilleurs d’entre eux ont incarné l’éthique imposée en France par Beuve-Méry, quand il lança Le Monde, à la Libération. Une éthique bien résumée récemment par Daniel Vernet dans un mensuel américain : le souci de rigueur, la préférence donnée  aux faits, la méfiance à l’égard des commentaires à chaud et des opinions partisanes, la défiance à l’égard des lobbies de toute nature (1).

Avec quelques autres, j’en viens à me demander si une solution à la crise n’est pas à rechercher du côté de l’abandon de l’attachement au rythme quotidien de la presse de qualité. Nous en avons l’expérience : un jour de grève est pain béni, tant il garantit une plus grande richesse de contenu le jour suivant. Peut-être faudrait-il essayer de transformer les meilleurs quotidiens en des journaux du deuxième jour. Une parution trois fois par semaine, le mardi, le jeudi et le samedi, par exemple, inciterait les rédactions (certes réduites) à prendre un peu de recul et, de ce fait, à mieux satisfaire la demande croissante  du lectorat pour plus de pertinence et de sérieux. 

Les meilleurs « news », de leur côté, auraient  intérêt à moins céder aux sirènes d’un marketing dicté par un consumérisme bas de gamme et à chercher à suivre, même de loin, l’exemple de The Economist. Je ne suis pas spécialement attiré par  l’apologie du laisser-faire  sans cesse rebattue par cet hebdomadaire, mais il faut reconnaître que son savoir-faire, favorisé par l’anonymat des articles, produit aujourd’hui la plus forte densité d’information fiable au décimètre carré. Témoin, ces dernières semaines, le traitement de la situation en Libye. 

 

A l’heure d’Internet, la recherche de la pertinence me paraît l’atout maître, tant du point de vue économique (la diffusion de The Economist ne cesse de progresser) que pour la sauvegarde et l’approfondissement de l’idée démocratique. 

(1) France Pressed, The American Interest, mars-avril 2011. 

• Au Salon du Livre, j’organise un débat sur le thème « Que reste-t-il du quatrième pouvoir ? », lundi 31 mars à 14 heures, Grande Scène. Y participeront l'universitaire, critique et romancier Pierre Jourde, Aude Lancelin, du Nouvel Observateur, et Patrick de Saint-Exupéry, rédacteur en chef de XXI.

SUR LE MÊME THÈME

Blog « Notre Antigone n'a pas pu sortir »
Blog Le bel avenir de la presse papier
Blog Entre les murs

Dans le magazine
BOOKS n°123

DOSSIER

Faut-il restituer l'art africain ?

Chemin de traverse

13 faits & idées à glaner dans ce numéro

Edito

Une idée iconoclaste

par Olivier Postel-Vinay

Bestsellers

L’homme qui faisait chanter les cellules

par Ekaterina Dvinina

Voir le sommaire