Inattendu
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Les chiffres nous ont appris à compter


Les manifestations contre la loi travail auraient rassemblé 132 000 personnes selon le ministère de l’Intérieur, et plusieurs centaines de milliers selon la CGT. Malgré cette disparité, personne n’affirmerait que le syndicat ou le ministère ne savent pas compter. Et pourtant dénombrer des manifestants, des contrats de travail ou des pommes, n’a rien d’évident. Compter est une invention récente profondément liée à notre intelligence linguistique, affirme l’anthropologue Caleb Everett dans Numbers and the Making of Us.

Comme les autres primates et certains animaux (le rat, par exemple), l’homme fait naturellement la différence entre des quantités d’objets plus ou moins grandes de manière approximative (8 pommes c’est moins que 16 pommes) et peut dénombrer des collections de 1,2, ou 3 objets. Au-delà, tout est lié au langage.

Selon Everett, le fait d’avoir des mots pour les nommer permet de concevoir toutes les autres quantités. Parmi les milliers de langages existants, quelques-uns ne comportent pas du tout de chiffres. C’est le cas par exemple des langues parlées par les Pirahã et les Mundurukú, deux tribus d’Amazonie. Aucun de ces Indiens n’est capable en comptant sur ses doigts de dénombrer une collection d’objets supérieure à trois. Ils ne sont pas bêtes pour autant.

Leurs cerveaux disposent des deux mêmes circuits liés aux maths que le plus brillant théoricien des nombres. L’un sert à comparer des ensembles de manière approximative, l’autre à concevoir des quantités précises jusqu’à trois. Mais le manque de mots pour nommer des quantités supérieures (4,5,6…) les empêche de lier ces deux capacités mathématiques innées.

Selon Everett, les chiffres et la capacité à compter qui va avec sont apparus très progressivement dans l’histoire de l’humanité. Il suggère que certains hommes, qu’il appelle des inventeurs, ont peut-être eu des fulgurances en comparant des collections d’objets et leurs doigts, ce qui les aurait amené à lentement nommer et apprivoiser le concept du quatre et plus. Beaucoup de systèmes numériques sont d’ailleurs basés sur le dix et de nombreux langages utilisent le même mot pour désigner la main et le chiffre cinq.

A lire dans Books: Les chiffres de la vie, avril 2013.

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